Vers un enseignement de la lecture littéraire au lycée. Expérimentations et réflexions. [1]
Sous la direction de Sylviane Ahr.
SCEREN [CNDP-CRDP Académie de Grenoble], Septembre 2013.
Le plaisir de lire retrouvé …
Favoriser l'expression d'une lecture sensible[2] pour construire la lecture littéraire.
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Comment aborder en classe la lecture littéraire autrement que par les traditionnels questionnaires qui tendent à dénuer de son sens le texte et laissent (paradoxalement ?) les élèves au bord de celui-ci ? L'ouvrage, préfacé par Anne Vibert[3], se propose de répondre à cette question en présentant des situations de classe effectives et variées pour aborder la lecture littéraire au lycée mais aussi au collège pour certains des exemples.
La première partie pose les cadres théorique et institutionnel dans lesquels les pratiques exposées s'inscrivent. Y sont notamment distinguées deux approches concernant la manière d'aborder les textes. D'une part, la théorie de l'effet fondée sur l'unicité du sens qui est alors programmé par le texte lui-même. Elle fait appel à un « lecteur modèle » et laisse de côté la réalité de la lecture, notamment celle du lecteur moins lettré. D'autre part, la théorie de la réception qui prône la rencontre entre le livre et le lecteur réel[4]. Une définition est proposée de la lecture littéraire s'appuyant sur l'ouvrage Pour une lecture littéraire. Histoire, théories, pistes pour la classe[5] : elle relève d'un « processus dialectique qui requiert implication (lecture subjective) et distanciation (lecture objective) de la part des sujets lecteurs »[6].
La mise en œuvre de cette approche de la lecture littéraire est présentée dans la seconde partie de l'ouvrage à travers une démarche reposant sur le cahier de lecture littéraire, outil favorisant la prise en compte de la réception sensible et fondant le débat de lecture littéraire. La réception du texte trouve non seulement ici un espace d'expression personnelle, mais elle est aussi partagée et interrogée par la confrontation et les échanges avec les pairs. Ainsi s'élabore une co-interprétation qui favorise également la réflexivité des élèves sur leurs écrits initiaux.
De nombreux exemples issus de situations de classes effectives sont présentés et répartis selon qu'ils abordent la lecture cursive, la lecture d’œuvre intégrale, la lecture analytique et la spectature. Des entrées dans les textes variées sont proposées. Sans toutes les évoquer, citons notamment l'utilisation de l'image comme « outil de médiation entre le texte et le sujet lecteur » ; le questionnaire faisant surgir ce que le texte « dit » (ou pas) à l'élève de façon sensible, autorisant ainsi l'expression à la fois de la dimension identificatrice du texte, mais posant aussi la dimension axiologique de celui-ci, et interrogeant ce que l'élève pense des valeurs qu'il véhicule, en quoi il se sent concerné par elles, en quoi il y adhère ou non. Dans la lignée du cahier de lecture littéraire, sont également évoqués le blog participatif (soulignons la place du numérique dans l'ouvrage, évoqué également à travers des situations précises) et le cahier du spectateur, autant d'outils qui engagent les élèves dans une lecture sensible et subjective, point de départ de débats intersubjectifs qui permettront d'entrer dans les écrits de commentaires et d'argumentation. Signalons que les textes, documents et productions d'élèves évoqués sont fournis en annexe des différents chapitres de cette partie.
La troisième partie propose de nombreuses pistes concrètes pour les enseignants, à adapter selon les contextes de classe. Elles témoignent des réponses que les enseignants impliqués dans la recherche ont pu élaborer à la lumière de leurs pratiques. On y trouve des démarches pour accompagner la lecture sensible des élèves et les amener à une lecture critique et analytique. Des modalités de travail favorisant les échanges entre pairs, les débats et permettant de faire de la classe une « communauté interprétative » sont concrètement exposées. Enfin, les démarches construites mettent au jour l'objectivation progressive du discours des élèves qui développent des capacités langagières propres à construire un discours critique et analytique sur les textes.
L'intérêt de cet ouvrage réside bien dans le fait qu'il relève d'une véritable démarche de formation des enseignants posant des gestes professionnels concrets, expérimentés en classe et qui facilitent de nouvelles approches pour aborder la lecture littéraire, tout en s'inscrivant dans un cadre théorique qui les légitime et qui est parfaitement accessible à toux ceux qui n'en sont pas familiers.
Il répond à des interrogations cruciales pour la discipline :
Comment permettre aux élèves de s'impliquer dans la lecture des textes littéraires, pour redonner vie et vitalité à celle-ci, du collège au lycée ?
Comment leur faire retrouver le plaisir de la lecture et du texte ?
Comment les faire accéder à la lecture littéraire tout en prenant en compte leur réception réelle qui devient alors un élément fondateur de la construction de l'analyse du texte ?
Isabelle Henry
[1]Signalons que des exemples concernent également le collège ce qui n'apparait pas dans le titre
[2]Lors du séminaire national sur les nouveaux programmes de lycée devant les IA-IPR de lettres et enseignants formateurs, les 16 et 17 mars 2011, Patrick Laudet (s'appuyant entre autres sur Paul Ricoeur Du texte à l'action, essais d'herméneutique II) développe la notion de « lecteurs impliqués « et de « littérarité sensible » qui sont au cœur des expériences présentées dans cette ouvrage :L'explication de texte, un exercice à revivifier.
[3]On pourra également lire avec profit sur le sujet l'intervention d'Anne Vibert lors du même séminaire. Faire place au sujet lecteur : Quelles voies pour renouveler les approches de la lecture analytique au collège et au lycée ?
[4]V. Jouve, La lecture.
[5]J-L Dufays, L. Gemenne et D. Ledur, Bruxelles, De Boeck, 2ème éd., 2005.
[6]p. 18