QUELQUES ADAPTATIONS INFORMATIQUES, HUMAINES ET MATÉRIELLES AU SERVICE DES DIFFICULTÉS D’ACCÈS À L’ÉCRIT
Frédérique CAPITAN & Patrick RELIAT
Inspection académique du Puy de Dôme & IUFM d’Auvergne
Ce texte se propose de visiter quelques propositions d’adaptations classiques pour les élèves dyslexiques, d’en traduire certaines en situation d’enseignement et de poser la question de leur pertinence plus générale avec des élèves en difficulté avec l’écrit.
On ne traitera pas ici des difficultés liées à l’apprentissage initial en cours préparatoire et cours élémentaire 1ère année (CP et CE1, première et deuxième primaire), d’abord parce que tout apprentissage est difficile, ensuite parce qu’il est trop tôt pour pouvoir faire la différence entre un trouble identifié[1] qui persistera et une difficulté passagère ou d’un autre ordre.
Les éléments ci-dessous ne sont pas spécifiques d’un âge, d’un niveau d’enseignement ni d’une matière particulière. On traitera ici de la lecture comme du vecteur transversal des apprentissages. Chaque enseignant trouvera des propositions qu’il lui faudra nécessairement adapter selon qu’il enseigne la littérature ou la technologie, à l’école ou au lycée, en classe ordinaire ou dans l’enseignement adapté.
Les préconisations
Origine des préconisations
Ces préconisations sont actuellement à la disposition de tous, sur les sites de nombreuses inspections académiques et rectorats. Elles proviennent en grande partie du monde médical qui, le premier, s’est penché sur la question. On peut en particulier citer M. Zorman, (Groupe Cognisciences de Grenoble, www.cognisciences.com) et C. Billard, (Association pour la recherche des troubles des apprentissages, www.arta.fr). Elles ont été largement relayées à l’école par la médecine scolaire et par des associations de parents (www.apedys.org), et argumentées par des témoignages de personnes dyslexiques[2].
L’affirmation institutionnelle de ces adaptations pédagogiques se trouve dans la circulaire de mise en œuvre d’un plan d’action pour les enfants atteints d’un trouble spécifique du langage oral et écrit (Bulletin officiel 2002-024 du 31 janvier 2002). Le rapport Inserm de 2007 sur le sujet précise qu’elles permettent d’éviter un sur-handicap en prévenant l’apparition d’autres difficultés d’apprentissage. Ces préconisations ne visent pas à ce que l’école s’empare de rééducation ni même de remédiation, mais plutôt à ce qu’elle se donne les moyens de remplir sa mission première : l’éducation de tous les élèves. C’est cette ambition qu’institue la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005, notamment par le dispositif des Programmes personnalisés de réussite éducative (PPRÉ).
Nature des préconisations et réalité de mise en œuvre
L’ambition est de rendre possible la poursuite des apprentissages malgré les insuffisances relatives à l’écrit. Ces préconisations sont donc du domaine du contournement. On va par exemple conseiller de lire les consignes et les textes afin de rendre le travail réalisable. Dans le cas d’un problème de mathématiques, prendre en charge la partie lecture (l’adulte lit le problème, le commente, le schématise) permet de centrer l’élève sur la résolution mathématique et non sur la lecture d’un texte. Isoler ainsi, en quelque sorte, les variables permet de se donner les moyens d’identifier l’origine d’un éventuel échec (mathématiques ou lecture). Ce parti pris désarçonne de nombreux enseignants pour plusieurs raisons :
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S’appuyant sur la logique habituelle de la progressivité des apprentissages, ils pensent préférable de « réparer » avant de poursuivre. Intuitivement, un enseignant de cours élémentaire 2ème année (CE2, troisième primaire) confronté à un élève qui lit peu (voire pas) visera plutôt la remédiation en lecture que la confrontation ‑ avec des adaptations ‑ à de l’écrit de plus en plus complexe.
- S’appuyant sur la temporalité propre de l’école fondée sur l’année scolaire et le cursus par division, ils constatent que si ces adaptations aident concrètement les élèves à avancer dans leurs propres parcours, elles ne génèrent pas pour autant de progrès spectaculaires.
La complexité de ce double dilemme conduit fréquemment les enseignants à un positionnement changeant et inconfortable, passant de la logique du « de toute façon, pour aller au collège, pour passer le brevet, il faudra bien… » à celle du « j’ai essayé mais cela ne donne pas de résultat… ». Ces adaptations, pourtant connues, ne sont par ailleurs pas toujours parfaitement interprétées par les enseignants. La formulation fréquente sous forme d’interdiction (« ne pas faire lire », « ne pas faire copier »…) conduit les professionnels à les recevoir comme des problèmes plutôt que comme des solutions. Par exemple, la préconisation « ne pas faire lire à haute voix » se heurte fréquemment au fait que l’élève lève le doigt pour participer, ou que l’enseignant hésite à ne jamais le solliciter dans ces moments de lecture oralisée. La formuler sous forme de conseil « permettre à cet élève de préparer en amont l’extrait qu’il doit lire » est un début de solution.
Pousser encore cette logique vers l’expression de ces conseils, sous forme de situations d’enseignement, facilite plus encore leur appropriation par les enseignants. Dans ce même exemple, on peut proposer de définir avec l’élève en début d’activité l’extrait qu’il devra lire. Il disposera d’un peu de temps pour s’entrainer et sera dispensé de « suivre » la lecture des autres. Plus efficacement, on peut, à l’école élémentaire, profiter d’un temps d’aide personnalisée, organisé en amont de l’activité, pour s’entrainer à cette lecture oralisée.
Au delà de ces exemples concrets, les professionnels connaissent pour les élèves dyslexiques, comme pour les autres, l’importance dans la relation pédagogique de la reconnaissance bienveillante d’une difficulté. La mise en œuvre des adaptations dans un cadre sécurisant est un message de reconnaissance que l’enseignant peut ainsi manifester, contribuant à éviter le découragement.
Des situations d’enseignement
À partir d’une liste type de conseils d’adaptations pour élèves dyslexiques, on trouvera ci-dessous la description de situations pédagogiques qui leur donnent vie, les faisant passer d’une logique de préconisation à une logique d’enseignement.
Préconisation : favoriser l’oral
Pourquoi ? Parce que ces élèves n’ont en général pas de difficultés de compréhension de l’oral. Tout ce qui va donc leur permettre d’écouter plutôt que de lire est positif. En levant l’obstacle constitué par l’activité de lecture, on rend possibles (ou moins impossibles…) les apprentissages et on apaise la relation de l’élève à l’écrit. Comment :
Permettre l’utilisation de livres sonores, de films, pour entrer dans des œuvres un peu longues, car la lecture laborieuse qui caractérise ces élèves ne permet que rarement de prendre du plaisir à lire. Sans ce plaisir de découvrir des histoires, ils peuvent abandonner toute tentative de lecture. Une des conséquences de la dyslexie durant les années collège et lycée est une lenteur de lecture qui rend la compréhension fine des textes très aléatoire. Leur permettre d’accéder à ces textes, en les écoutant, c’est donc leur ouvrir la porte de la littérature et de l’écrit en général.
À l’école élémentaire, le site Il était une histoire (<http://www.iletaitunehistoire.com/>) met à disposition des textes d’albums, de contes, de comptines qui peuvent être écoutés en classe, directement sur l’ordinateur ou par téléchargement d’un fichier MP3. On peut écouter l’histoire d’une seule traite pour favoriser la compréhension, ou choisir l’option « écouter avec aide », le texte apparait alors par extraits. Ce qui est lu est surligné (effet « karaoké »). On trouve également des textes en anglais et des poésies ou fables dont l’apprentissage peut être facilité par l’écoute et la répétition phrase par phrase.
L’utilisation de livres audio est une autre possibilité. L’élève dyslexique peut écouter l’histoire, la comprendre et ainsi intervenir dans tous les moments où la compréhension est enseignée. Il s’agit bien d’une compréhension de l’écrit, même si cet écrit est lu par un tiers.
Certaines œuvres existent sous forme de films qui permettent la compréhension générale du roman et facilite la lecture d’extraits sur lesquels on pourra alors travailler avec plus de précision. Dans un contexte connu et compris, l’élève dyslexique aura une prise sur le texte. En regardant Le Rouge et le noir en DVD, le lycéen aura au moins la possibilité de comprendre cette œuvre grâce aux cours de français alors que la lecture d’un texte trop difficile pour lui la lui laisserait à jamais inaccessible. Les questions juridiques qui compliquent sérieusement la diffusion par l’enseignant de ce type de ressources ont trouvé un début de réponse dans les accords sectoriels (Bulletin officiel n° 5 du 4 février 2010) et dans des ressources du type <www.lesite.tv>. On peut également trouver dans le monde du handicap des aides ponctuelles pour ce genre d’adaptations pédagogiques : les bibliothèques sonores pour non voyants acceptent souvent de faire des enregistrements pour un établissement scolaire.
Écouter plutôt que lire, grâce aux synthèses vocales et enregistrements qui permettent d’écouter et de réécouter un texte au rythme et à la convenance des élèves. C’est en général plus efficace qu’une seule relecture par l’enseignant qui suppose de se souvenir de toutes les données.
Les synthèses vocales sont issues du monde du handicap et particulièrement du handicap visuel. S’il existe des synthèses perfectionnées et couteuses (Jaws), on trouve également des outils gratuits, versions de démonstration de logiciels plus perfectionnés, ou disponibles sous un système de licence gratuit. Les versions récentes de Windows disposent d’une synthèse vocale intégrée, mais son ergonomie, très liée au système, en rend l’usage épisodique couteux. Nous nous intéresserons ici à deux synthèses gratuites, complémentaires dans leurs usages, tant pour les élèves que pour les enseignants.
ReadPlease
Il s’agit d’une version de démonstration d’une synthèse commerciale.
Installer ReadPlease en téléchargeant :
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le logiciel : <http://www.readplease.com/downloads/setupreadplease2003.exe> ;
- les voix françaises : <http://www.readplease.com/downloads/msvoiceengines/lhttsfrf.exe>.
Installer d’abord les voix, puis le logiciel, en se contentant de la version de démonstration gratuite, amplement suffisante.
Utiliser ReadPlease :
Le gros avantage de ReadPlease est de disposer d’une interface rudimentaire, facilement maitrisable par des élèves de tous les âges, sans nécessiter de passer par des lectures d’écrans et de boites de dialogue justement problématiques dans le cas qui nous concerne.
À droite de la fenêtre, le paramétrage de la voix (choix du locuteur) et de la vitesse de lecture. Ces réglages sont conservés d’une session à une autre. À gauche, les commandes de lecture.
On note au passage un effet « karaoké » de surlignement du mot au moment où il est prononcé qui suffirait presque à lui seul à justifier l’utilisation de cet outil.
Avec cet écran, l’élève est autonome pour décider du texte qu’il veut se « faire lire », pour peu cependant ‑ et ce n’est pas mince ‑ que l’enseignant le lui fournisse sous forme numérique. Un simple copier-coller suffit alors à déclencher l’écoute, en tout ou partie, autant de fois que nécessaire. Il faut noter aussi l’intérêt de cette manipulation avec des documents numériques de tous ordres. Pouvoir ainsi écouter un article de Wikipédia, ou le contenu d’un courriel n’est pas dénué d’intérêt !
Nous soulignerons enfin, comme « bénéfice collatéral » en quelque sorte, l’intérêt de pouvoir écouter ses propres productions écrites, en alternative autonome et confidentielle à la lecture par l’adulte, pour des élèves en difficulté avec l’écrit (ou dans un cas plus général, en phase d’apprentissage).
Le principal inconvénient de ReadPlease réside dans la qualité de la voix française. Le logiciel dans sa version utilisée n’est pas capable de mettre en œuvre les dernières générations de voix, beaucoup plus fluides (les techniciens parlent de voix SAPI4 pour les plus anciennes et SAPI5 pour les plus récentes). Il existe certes d’autres versions intégrant le SAPI5, mais ayant au passage endossé une interface qui a perdu de la simplicité que nous recherchons ici. Un autre inconvénient réside dans l’impossibilité pour l’enseignant (pour un « cout manipulatoire » raisonnable en tout cas) d’anticiper le travail de l’élève. La synthèse se fera en direct, au moment de la classe, par l’élève lui-même, qui doit donc disposer d’un ordinateur.
Balabolka
Il s’agit d’un logiciel gratuit. Installer Balabolka en téléchargeant :
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Le logiciel : <http://www.cross-plus-a.com/balabolka.zip> puis la voix « Virginie » : <http://cic-nantes-est-ia44.ac-nantes.fr/index.php?option=com_docman&task=doc_download&gid=159&Itemid>
- Installer d’abord la voix, puis le logiciel (après avoir « dézippé » le fichier téléchargé).
Utiliser Balabolka :
L’interface de Balabolka est moins rudimentaire que celle de ReadPlease. Cette relative complexité, qui peut s’avérer délicate pour un usage autonome avec certains élèves, se justifie par des fonctions avancées intéressantes pour l’élève et pour l’enseignant.
Les manipulations de bases sont identiques à celles de ReadPlease avec la lecture « karaoké » et la possibilité de lire et relire tout ou une partie du texte.
S’y ajoute la possibilité d’ouvrir directement un texte dans un des formats habituels : il suffit de fournir un document de type Word pour que l’élève puisse l’ouvrir et l’écouter (les mises en forme disparaissent cependant, il ne reste que le texte).
Il faut enfin signaler une fonction particulièrement pertinente de Balabolka qui permet de fabriquer en quelques secondes un fichier MP3 à partir d’un texte. Ceci autorisera un enseignant à fournir directement (ou par courriel ou via l’environnement numérique de travail (ENT) une version sonore de n’importe quel texte, écoutable sur un ordinateur ou sur un simple lecteur MP3, en classe ou au dehors, en s’affranchissant de beaucoup de contraintes matérielles.
Cette fonction, à elle seule, justifierait le recours à cet outil. Vous trouverez ci-dessous un lien vers cet article, lu par Balabolka.
QR-code pour écouter sur un téléphone cet article lu par Balaboka[3]. Il est aussi accessible par ce lien <http://www.box.com/s/0x84xghvcbm5e0yocba4>. Le fichier est assez volumineux (20 Mo pour 22 minutes de lecture), le chargement sur un téléphone peut être assez long.
S’enregistrer pour un élève, en alternative à l’écriture demandée par l’école, ou pour auto-évaluer sa production orale, ou pour communiquer avec d’autres. S’enregistrer pour un enseignant pour mettre à disposition d’élèves des documents sonores, dont par exemple l’exercice traditionnel de la dictée, à trous ou pas, avec la liberté pour chacun d’écouter et de réécouter. Tous les sons produits le seront au format MP3 qui présente le double avantage de la compacité et de la multitude des outils de lecture, depuis l’ordinateur jusqu’à la chaine audio, en passant par le lecteur MP3 et le téléphone portable. Nous proposerons deux outils propres à favoriser cette pratique, pour l’élève et pour l’enseignant :
Pour l’élèveet pour une utilisation rapide et rudimentaire par l’enseignant :JD VoiceMail à télécharger gratuitement : <http://www.01net.com/telecharger/windows/Internet/courrier_email/fiches/avis-37769.html>.
Derrière une interface très simple, des fonctions adaptées aux élèves en difficulté avec l’écrit : i) un clic pour sa voix ; ii) un clic pour en MP3, avec – et ce n’est pas rien – la génération automatique d’un nom de fichier unique ; iii) un clic pour par courriel (si un logiciel de messagerie est installé) à un enseignant par exemple…
Il n’est pas non plus complètement improbable que certains de nos élèves (pour ne pas dire tous en collège et lycée) disposent déjà dans leur poche d’un enregistreur MP3 performant, sous forme d’un téléphone….
Pour l’enseignant et les élèves, Audacity est un véritable studio d’enregistrement libre et gratuit. Il existe pour PC, Mac et Linux : télécharger et installer le logiciel <http://audacity.sourceforge.net/download/beta_windows> et le complément MP3 <http://lame1.buanzo.com.ar/Lame_v3.98.3_for_Audacity_on_Windows.exe>.
Son gros intérêt réside dans la possibilité de retoucher un son après son enregistrement, pour supprimer des hésitations, des bruits parasites… ou des mots, des phrases, des éléments de dialogue…
Même s’il est d’un abord un peu complexe, de nombreux musiciens et enseignants de langue ou de musique en ont fait leur outil quasi-quotidien, ce qui assure de pouvoir (presque…) toujours trouver de l’aide autour de soi. Cette complexité est somme toute relative quand on saura que plusieurs classes, dont des CE2, se sont emparées d’Audacity pour des projets sonores (bande son d’un roman, audio-guide, radio scolaire…) sans que les élèves ne rencontrent de difficulté insurmontable.
Un petit piège à signaler : pour obtenir un son écoutable, il faut l’« exporter ». Le simple « Enregistrement » du fichier est destiné à garder l’état d’un chantier en cours pour le reprendre ultérieurement.
Préconisation : Aménager au mieux l’accès à l’écrit
Pourquoi ? Parce que, même en favorisant au maximum l’oral comme on vient de le voir, une grande partie de la communication scolaire se fait par l’écrit. Pour certains écrits courts, le recours à la synthèse vocale ou à l’enregistrement semble peu économique, et les traces écrites restent incontournables à l’école. Il est donc primordial de réfléchir à leur accessibilité. Et comment ?
- Aider à la copie des devoirs car les enseignants perçoivent rarement cet exercice comme difficile puisqu’il s’agit souvent d’une petite quantité d’écrit. Mais, donnée dans une relative urgence en fin de journée ou de cours dans un coin du tableau, ce genre de copie peut générer un stress, qui n’est pas en rapport avec l’enjeu scolaire quasiment nul de cette activité. Dans les petites classes, l’enseignant peut noter lui-même les devoirs sur des étiquettes autocollantes et coller au bon endroit de l’agenda de l’élève concerné. Les ENT et le courriel peuvent également être utilisés à cet effet.
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Rendre accessibles les informationspar l’utilisation des affichages à l’école élémentaire est largement recommandé. Il s’agit de mettre à disposition des élèves, sous forme écrite, des informations à utiliser et ceci en vue de faciliter leur assimilation. Pour les élèves dyslexiques, il peut être difficile de se retrouver devant une grande quantité d’écrit. On peut faire le choix d’une trace largement schématisée qui mette le message en évidence au premier coup d’œil. Ce conseil peut valoir pour les carnets de règles, les sous-mains…
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Permettre la participation à la dictée, car mieux encore que la dictée « raccourcie », la dictée « à trous » permet à l’élève de se concentrer sur quelques mots ou règles énoncés à l’avance. On peut dans ce cas combiner l’utilisation de la synthèse vocale ou de l’enregistrement et de la dictée à trous. Pendant la dictée de la classe, l’élève écoute le fichier MP3 de la dictée et, à son rythme, complète son texte.
- Corriger un texte, comme dans la production présentée ci-après, qui est celle d’un élève dyslexique de cours moyen 2ème année (CM2, quatrième primaire) répondant à la consigne « Inventer la suite de l’histoire... ». Le texte n’est pas lisible en tant que tel ; il faut donc amener cet élève à l’améliorer. On peut commencer par lui permettre de se concentrer sur la cohérence du récit en saisissant le texte corrigé des erreurs d’orthographe. Le texte peut être saisi tel quel ou avec quelques améliorations comme la ponctuation, selon les capacités de l’élève. On peut également insérer quelques aides pour aller vers l’amélioration. On veillera à taper ce texte de façon lisible et assez aérée pour permettre des corrections.
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Améliorer la lisibilité des textes fournis aux élèves, car les textes conçus par les enseignants pourraient voir leur lisibilité améliorée par quelques pratiques simples. Traditionnellement, les textes longs sur support papier sont composés dans des polices de caractère dites « à empattement ». Times, Bodoni, Garamond en sont des exemples emblématiques. Les polices sans empattement (Arial, Verdana, Comic…) sont plutôt réservées aux titres et intertitres[4]. Il est important que les élèves sans problème particulier en lecture soient confrontés à des textes respectant ces règles, conformément à l’usage social dominant. Les polices à empattement sont de plus supposées faciliter la fluidité de la lecture pour un lecteur expert, ce qui reste bien sûr un objectif fondamental de l’école. Malheureusement, les polices à empattement ne sont pas adaptées aux élèves en difficulté face à l’écrit ‑ pas plus d’ailleurs qu’aux situations d’apprentissage initial (il n’est qu’à voir les manuels de CP ou de CE1 pour le constater). Il est grandement préférable d’utiliser, avec des dyslexiques, des polices sans empattement, et tout particulièrement Comic qui semble offrir le meilleur compromis ; Arial, par exemple, présente l’inconvénient d’une confusion probable entre le « I » majuscule et le « l » minuscule, comme dans « Il était une fois… ». Il faudra donc disposer d’une version « standard » et d’une version « dys » des textes. Cette contrainte sera facilement réduite si l’on se penche sur l’utilisation des styles typographiques dans les différents traitements de texte. On pourra ainsi, d’un clic, basculer d’une présentation dans une autre. L’utilisation de ces styles typographiques permet aussi de standardiser la présentation des textes (ainsi que le pratiquent les manuels scolaires) pour que la forme du texte aide à la lecture en permettant aux élèves de repérer instantanément les textes à lire, les éléments à mémoriser, les exemples, les consignes, les zones à compléter, etc. Cet article n’a pas pour objet l’utilisation des traitements de textes ; nous avons, en tant que professionnels de l’écrit, beaucoup à gagner à investir les fonctions professionnelles de ces outils, au delà des usages communs. Ceci nous permettra de gagner à la fois en temps et en efficacité, pour le plus grand bénéfice de nos élèves.
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Améliorer l’accessibilité des documents fournis aux élèves, car au delà des textes et de leur lisibilité, évoquée plus haut, il s’agit de permettre aux élèves d’accéder à l’ensemble des documents, adaptés ou pas. Bien évidemment, l’usage des supports numériques est de nature à faciliter l’accessibilité des documents. Fournir les documents aux élèves sur clé USB, par courriel, via l’ENT ou sur un blog, c’est leur permettre de se les approprier véritablement en autorisant les préparations de lecture, la mise en œuvre d’une synthèse sonore, l’écoute d’un son ou l’accès à une vidéo en toute autonomie.
- Autres préconisations : accepter la lenteur, aider à s’organiser, à apprendre, à préciser… Elles ne sont pas développées dans ce texte, mais restent très largement pertinentes dans l’enseignement du français, et dans les autres disciplines.
Et avec des élèves en difficulté avec l’écrit ?
Les aménagements des situations d’apprentissage décrits ci-dessus, contextualisés aux élèves dyslexiques, sont parfaitement utilisables avec les élèves « simplement » en difficulté avec l’écrit. Un élève mauvais lecteur sera aidé par une synthèse vocale, un enregistrement ou un livre audio pour accéder à un texte[5]. Un élève en difficulté en orthographe sera aidé en dictée par un texte à trous. Par ailleurs, si on met en place, dans une classe, des aménagements pour des élèves dyslexiques, il parait économique du point de vue de l’enseignant de les proposer également à ceux qui sont en difficulté.
Si la plupart de ces adaptations peuvent être pertinentes avec des élèves en difficulté de lecture, voire avec tous les élèves, on peut toutefois pointer quelques restrictions. Celle d’abord concernant les usages sociaux des polices de caractère évoqués plus haut. Ensuite, et pour les mêmes raisons, il ne viendrait à l’idée de personne de remplacer pour tous la lecture d’un texte littéraire par son écoute, fût-elle attentive. Pourquoi voudrait-on laisser de côté l’outil historique de transmission des connaissances que constitue la lecture « traditionnelle » ? L’accession à cet outil, pour les élèves qui en sont capables, passe par un entrainement souvent laborieux, mais irremplaçable.
Il faut également tenir compte du principe de réalité : parmi ces élèves en difficulté de lecture, certains seulement pourront prétendre à un Projet d’accueil individualisé (PAI), à un Projet personnalisé de scolarisation (PPS), ou à des adaptations aux examens. Pour les autres, lorsqu’aucun diagnostic médical ne met pas un nom sur les difficultés, aucun de ces cadres ne sera possible. On ne pourra dès lors argüer de ceci pour rejeter toutes les adaptations dont le bénéfice en termes d’apprentissage et de bienêtre à l’école n’est plus à démontrer. La prise en compte des besoins éducatifs particuliers des élèves n’est pas une option, c’est une obligation pour les professionnels et un droit pour les jeunes concernés. Pour autant il est clair que l’école est ici comme ailleurs interpellée vivement par la question de l’égalité face à l’évaluation.
Frédérique CAPITAN & Patrick RELIAT
[1]Le rapport de l’Inserm sur <http://www.inserm.fr/mediatheque/infr-grand-public/fichiers/thematiques/sante-publique/expertises-collectives/texte-integral-dyslexie> pose un décalage de deux ans dans l’apprentissage de la lecture comme nécessaire à un véritable diagnostic de la dyslexie.
[2]On ne détaillera pas ici ces préconisations ; des documents intéressants sur le sujet sont disponibles, par exemple, sur <http://lettres.ac-orleans-tours.fr/approches_du_handicap/accompagner_les_dyslexiques/> ou sur <http://ash.edres74.ac-grenoble.fr> (nos articles les plus visités) ou encore sur <http://www.alsace.iufm.fr/web.ressources/web/ressources_pedagogiques/productions_pedagogiques_iufm/exercice_du_metier_d_enseignant/2nddegre/dyslexie/tout.php>.
[3]. Ce système de codage graphique permet, grâce à un téléphone portable, de télécharger un document en ligne, sonore en l’occurrence. On trouvera là une manière efficace pour des élèves de passer directement du papier au son en évitant la saisie d’adresses cabalistiques.
[4]. Il en va autrement des textes sur écran ou projetés pour lesquels, dans l’état actuel de la technologie, les polices avec empattement sont moins lisibles. Dans ces cas-là, on utilisera donc des polices sans empattement.
[5]. Ce recours au support audio est fréquent dans le domaine de l’apprentissage des langues. Certaines études sur ce sujet en montrent les limites dans ce contexte particulier (voir <www.cndp.fr/ecolenumerique/tous-les-numeros/numero-8-juin-2011/sommaire/3-questions-a-andre-tricot.htm>). On pourrait se prémunir de cette difficulté potentielle en considérant que l’écoute d’un texte nécessite aussi un apprentissage.