Association française pour l’enseignement du français

Revue Le Français Aujourd'hui

  • 02
    Mai

    Pratiques de l'écrit en formation, n° 184 du Français Aujourd'hui

    coordonné par Lucile Cadet et Fanny Rinck

    LE FRANÇAIS AUJOURD'HUI N° 183 (4/2013)

    Pratiques de l'écrit en formation
    Parution 
    décembre 2013
    EAN 
    9782200928490
    Prix au numéro 
    16 €
    Marque 
    Armand Colin
    Pagination 
    128 pages
    Sommaire du numéro
    Pages : 3-13 Présentation - Des écrits de la formation à la didactique de l'écriture Lucile Cadet
    Fanny Rinck
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    Pages : 17-28 Les préparations de cours : Apprendre à écrire, écrire pour faire apprendre Caroline Scheepers Lire le résuméConsulter l'article
    Pages : 29-37 Les journaux de bord en situation de stage. Un outil de formation professionnelle ? Alain Chartier
    Aurélie Clémenson
    Claire-Marie Greiner
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    Pages : 41-53 Écrire pour faire écrire au collège et au lycée : La difficile voie de l'écrit réflexif Rosine Galluzzo-Dafflon Lire le résuméConsulter l'article
    Pages : 55-68 Rédaction d'une séquence explicative par de futurs enseignants de français au secondaire Odette Gagnon Lire le résuméConsulter l'article
    Pages : 69-80 Les outils scripturaux des enseignants de français langue première et langue seconde Marie-Pascale Hamez Lire le résuméConsulter l'article
    Pages : 83-91 Textes d'élèves et d'étudiants : Supports et outils de la formation en didactique du français Santiago Mosquera
    Marc Surian
    Roxane Gagnon
    et al.
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    Pages : 93-101 Former les futurs enseignants du Québec à écrire et à enseigner l'écriture Marie-Andrée Lord
    Marion Sauvaire
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    Pages : 103-115 Les écritures intermédiaires réflexives en littératie avancée Christophe Leblay Lire le résuméConsulter l'article
    Pages : 123-127 Chronique - Un dictionnaire pour les livres de jeunesse Anne-Marie Chartier Lire le résuméConsulter l'article
    Pages : 129-136 Notes de lecture   Lire le résuméConsulter l'article

     

     

     

     

     

    Lire 5 articles complémentaires au n° 184 en exclusivité sur le site de l'AFEF

     

    Le FA 184 sur le site de l'éditeur Armand Colin Revues

     

    FA 184 - SOMMAIRE

    « PRATIQUES DE L’ÉCRIT EN FORMATION » 


    Présentation

    Lucile CADET & Fanny RINCK, Des écrits de la formation à la didactique de l’écriture


    Écrire l’agir en formation professionnelle

    Caroline SCHEEPERS, Les préparations de cours : apprendre à écrire, écrire pour faire apprendre

    Alain CHARTIER, Aurélie CLÉMENSON & Claire-Marie GREINER, Les journaux de bord en situation de stage, un outil de formation professionnelle ?


    Écrire pour faire apprendre à (ré)écrire

    Rosine GALLUZZO-DAFFLON, Écrire pour faire écrire au collège et au lycée : la difficile voie de l’écrit réflexif

    Odette GAGNON, Rédaction d’une séquence explicative par de futurs enseignants de français au secondaire

    Marie-Pascale HAMEZ, Les outils scripturaux des enseignants de français langue première et langue seconde


    Des dispositifs et des corpus pour former à l’écriture

    Santiago MOSQUERA, Marc SURIAN, Roxane GAGNON & Joaquim DOLZ, Textes d’élèves et d’étudiants : supports et outils de la formation en didactique du français

    Marie SAUVAIRE & Marie-Andrée LORD, Former les futurs enseignants du Québec à écrire et à enseigner l’écriture

    Christophe LEBLAY, Les écritures intermédiaires réflexives en littératie avancée


    Chronique

    Littérature de jeunesse

    Anne-Marie CHARTIER, Un dictionnaire pour les livres de jeunesse


    Notes de lecture

     

    Présentation

    Des écrits de la formation à la didactique de l’écriture

    Lucile CADET, Université Vincennes - Saint-Denis, Paris 8, UMR-CNRS 7023 « Structures formelles du langage »

    Fanny RINCK, ÉSPÉ de l’académie de Grenoble, Université Grenoble Alpes, Laboratoire Lidilem (EA 609)

     

    Nombreux sont les écrits qui jalonnent les cursus de formation des futurs enseignants et leur parcours professionnel. Sans prétendre qu’une typologie soit possible, on peut distinguer :

    1. Les écrits consultés, lus, analysés dès la formation et de façon guidée ou non, en tant qu’écrits du didacticien, ou liés du moins à la pratique de l’enseignement :

    -       Écrits de recherche de « référence » en didactique du français : articles, ouvrages et chapitres d’ouvrage issus de la recherche scientifique (Daunay et Grossmann 2012), en particulier sur la langue et la didactique du français.

    -       Textes officiels, écrits de cadrage ou écrits institutionnels qui définissent les contenus d’enseignement et par extension, les programmes de formation ?

    -       Supports de cours, textes issus de manuels, chapitres d’ouvrages pédagogiques ; documents mis à disposition sur les sites des académies, des centres de documentation pédagogiques (CRDP), des Centres académiques pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage (CASNAV) ou les sites des associations d’enseignants ou d’enseignants isolés visant la mutualisation des ressources.

    -       Écrits issus du travail quotidien : i) écrits produits à l’initiative de l’enseignant – ou de ses collègues – pour organiser l’action pédagogique (écrits au tableau, affichages, bulletins scolaires, plannings, fiches de préparation, journaux de classe, appréciations sur les copies des élèves, etc.) ; ii) écrits produits par les élèves.

    2. Les écrits produits dans le contexte académique, propres au « métier d’étudiant » (Coulon 1997), liés à la dimension académique et/ou aux dimensions professionnelle et professionnalisante de sa formation, et qui peuvent relever :

    -       Au quotidien, de la prise de notes.

    -       D’une logique externe, où le sujet « je scripteur » n’a pas sa place et dans lesquels il s’agit de fondre une argumentation dans un cadre déterminé : ce sont notamment les genres pratiqués dans les concours – dissertation, commentaire, résumé, synthèse par exemple.

    -       D’une logique interne, réflexive – écrits dits « professionnalisants » –  envisagés comme participant au développement des compétences professionnelles : ils servent à penser et à analyser la pratique professionnelle en permettant la mise en relation de l’expérience pratique et des apports théoriques de la formation, comme les journaux de bord, les dossiers de validation, les portfolios, etc. (Cadet 2006, 2007, 2012 ; Huver et Cadet 2010 ; Cros et al. 2009 ; Morisse et al. 2011, par exemple) ;

    -       D’une logique interne et externe : c’est le cas par exemple des rapports de stage et des mémoires professionnels. Ces écrits se réfèrent à l’expérience tout en s’inscrivant dans des formes et des types d’écritures codifiées (Blanc et Varga, dir., 2006). De ce fait, ils posent la question de leurs relations avec « les écrits pour penser » et des relations entre savoirs universitaires, savoirs scolaires et vécu (voir par exemple, outre les travaux précédemment cités, Rinck 2011). 

    Quelle que soit leur nature, ces écrits, auxquels le futur enseignant et l’enseignant en poste sont confrontés, sont utilisés conjointement à des fins de recherche – ils constituent des objets de choix pour les didacticiens – et à des fins de formation (Daunay, dir., 2011 ; Hassan 2010 ; Nonnon 2000 ; Plane et Schneuwly 2000 ; Schneuwly 2000 ; Tardif et Lessard 1999). Depuis une dizaine d’année, les écrits demandés et produits en contexte académique intéressent plus particulièrement le champ des « littéracies universitaires », désignation qui fait suite à celle de « didactique de l’écrit dans l’enseignement supérieur » (Boch, Laborde-Milaa et Reuter, dir., 2004 ; Briolet et Manesse, dir., 1999 ; Dabène et Reuter, dir., 1998 ; Delcambre et Jovenet, dir., 2002 ; Delcambre et Lahanier-Reuter, dir., 2012 ; Donahue 2008 ; Fintz, dir., 1998 ; Pollet et Boch, dir., 2002). Comme le précisent I. Delcambre et D. Lahanier-Reuter, le champ des littéracies universitaires a pour objet « la description des pratiques et des genres de l’écrit en contexte universitaire » car « les apprentissages de l’écrit (en réception et production) ne se limitent pas aux premiers apprentissages, ni aux apprentissages fonctionnels mais se déroulent dans un continuum […] depuis les premiers contacts avec l’écrit avant les apprentissages scolaires […] jusqu’aux usages épistémiques de l’écrit pour non seulement diffuser, mais transformer l’expérience ou les connaissances » (2010 : 9).

    La notion de littéracie permet ainsi de dépasser l’opposition entre une maitrise insuffisante du lire-écrire et une maitrise supposément aboutie. On parle par exemple d’entrée dans l’écriture de recherche comme on parle d’entrée dans l’écrit chez les jeunes enfants. Il s’agit d’interroger le savoir lire et écrire mais aussi le fait de penser et d’agir à travers l’écrit, dans des pratiques situées. Les recherches qui sont actuellement menées dans ce cadre visent ainsi, en particulier, à mieux cerner le type d’écrits que l’on fait produire aux étudiants, les attentes qui prévalent suivant les disciplines, les obstacles qu’ils rencontrent et les représentations qu’ils se font du lire-écrire. Dans le prolongement du projet « Écrits universitaires : inventaires, pratiques, modèles » (ANR EUIPM 2006-2010, coordonné par I. Delcambre, de l’équipe Théodile à l’université Lille 3)[1], qui a permis de dresser un panorama des genres en usage en sciences humaines et sociales, un projet de corpus d’écrits d’étudiants soutenu par un réseau national de chercheurs vient d’obtenir un financement de la part du consortium Corpus écrits de l’Institut de linguistique française (Projet de corpus en « littéracie avancée », 2013, coordonné par F. Boch, M.-P. Jacques et F. Rinck, du laboratoire Lidilem de l’université Grenoble 3). Ce corpus réunit des écrits universitaires et professionnels, notamment ceux de futurs enseignants, de différents niveaux de la licence au master, de différentes disciplines, de différentes institutions. Il a pour but de fédérer les recherches menées sur les difficultés rédactionnelles des étudiants en français et représente une contribution au développement actuel des corpus d’écrits d’apprenants.

    À travers les écrits, ce sont bien des pratiques d’écriture que le présent dossier propose d’interroger, celles qui ont cours dans la formation des futurs enseignants de français et celles des enseignants en poste. L’enjeu de la réflexion est celui de la formation à l’écrit dans l’enseignement supérieur : si la France n’a pas intégré la tradition des « Writing Centers » des universités américaines, de multiples offres de formation se développent et sont à la recherche de points d’appui pour mieux définir – et mieux répondre à – des besoins hétérogènes : il peut s’agir de donner aux étudiants des techniques d’expression, de former des rédacteurs professionnels ou de mieux préparer des professionnels pour lesquels le rédactionnel occupe une place importante sans que ce soit leur métier[2] ; il peut s’agir aussi de l’accompagnement à l’écriture de recherche, clé de voute de la masterisation, et qui interroge notamment les filières dites professionnalisantes, comme c’est le cas de longue date dans la formation des futurs enseignants à propos notamment de l’écriture du mémoire.

    Nous situons notre propos dans la lignée des nombreux travaux portant sur l’écriture en formation professionnelle d’une part et sur la didactique de l’écriture dans la formation des enseignants d’autre part. En effet, deux grandes questions sont habituellement traitées à propos de l’écrit universitaire et de la production d’écrits en particulier : celle de la construction des savoirs via l’écriture et celle de la formation de l’individu ou de son identité. Dans une perspective de professionnalisation, on distingue les pratiques professionnelles d’écriture et les pratiques de formation professionnelle à et par l’écriture (Champy-Remoussenard 2006, cité par I. Delcambre et D. Lahanier-Reuter 2010 : 8), et on questionne la dimension formatrice et professionnalisante des pratiques d’écriture à l’université. Citons quelques parutions essentielles qui montrent que ces questions sont d’actualité quoiqu’elles ne soient pas nouvelles, en particulier le numéro spécial sur « L’écriture, lieu de formation » (Jobert, dir., 1997) de la revue L’Éducation Permanente, revue de référence en formation d’adultes, qui fait suite aux numéros sur « L’adulte et l’écriture » (Jacobi et Guibert, dir. 1990) et sur « Écriture, travail, formation » (Dumont et Revuz, dir., 1994). Du côté de la didactique du français, on trouve notamment l’ouvrage intitulé « Réflexivité et écriture dans la formation des enseignants » (Dufays et Thyrion, dir., 2004), le numéro «  Didactique de l’écriture-lecture et formation des enseignants » des Travaux et recherches (Daunay et al., dir., 2007) et enfin la récente journée d’étude « Acculturation à l'écriture de recherche et formation à la didactique de l'écriture » organisée par les équipes LLL-GORDF (université d’Orléans-Tours) et le LACES-CARECS (université Bordeaux 4) le 29 novembre 2013 à Orléans[3].

    L’ensemble de ces travaux montre notamment en quoi l’écriture favorise l’analyse des pratiques professionnelles et la formation de « praticiens réflexifs » (Schön 1993) ; ils montrent aussi que, pour des apprenants-futurs enseignants de français et leurs apprenants, la didactique de l’écriture mérite d’être envisagée de manière continue, en termes d’héritage et de transmission. C’est en intégrant cet aspect à la réflexion, en adoptant un positionnement nouveau permettant de croiser écrits de la formation professionnelle et didactique de l’écriture, que nous posons cette question, centrale et pratique : comment former à l’écriture, comment faire écrire en formation pour former des enseignants de français qui, à leur tour, fassent écrire et apprendre à écrire ?

    Pour répondre à cette interrogation, nous avons initialement listé plusieurs dimensions dans l’appel à contributions qui a été lancé pour la constitution de ce numéro. Tout d’abord, le rapport à l’écriture et à l’écrit qu’ont développé ou/et que développent les futurs enseignants de français dans le cadre de leur formation initiale (par opposition, par contraste, en complémentarité avec le rapport construit dans le cursus scolaire et/ou disciplinaire initial) et les représentations que les enseignants de français se font des écrits, de l’écriture, de son apprentissage, nous semblaient devoir être envisagés. Nous souhaitions également poser la question de la maitrise des genres et des pratiques universitaires, en termes de rapport à l’écrit et au savoir, mais aussi en termes d’identité et de postures, comme sous l’angle des difficultés rédactionnelles liées à la maitrise de l’orthographe, de la syntaxe ou de la cohérence textuelle, pour ne citer que ces trois exemples emblématiques. De façon consécutive, nous proposions d’interroger l’accompagnement tant sur le plan de l’organisation de l’écriture que sur celui de sa fonction. En quoi les formations académiques permettent-elles une co-construction des pratiques d’écritures ? Est-ce que – et si oui, comment – formateurs et étudiants construisent les pratiques ensemble ? Est-ce que ces pratiques permettent d’inscrire l’activité d’écriture comme partie intégrante de l’activité professionnelle ? Et au-delà des cursus de formation, les enseignants de français continuent-ils à écrire ? Avec quels objectifs ? Pour organiser l’action pédagogique ? Pour réfléchir ? Pour faire réfléchir ? Quels usages font-ils de l’écriture dans leur classe pour accompagner leurs élèves et quelles pratiques leur proposent-ils ?

    Nous avons choisi comme point de départ la place, le rôle et la diversité des formes d’écrits produits et/ou analysés dans des contextes de formation initiale ou continue, situés en France, en Suisse, en Belgique, au Canada (en contexte francophone, au Québec, et en contexte anglophone, en Alberta), s’adressant à de futurs enseignants de français langue maternelle, de français langue étrangère et de français langue seconde appelés à travailler dans l’enseignement primaire ou dans l’enseignement secondaire. Parmi les pratiques de formation professionnelle qui ont recours à l’écriture, celles des écritures dites réflexives occupent une place de choix dans la réflexion didactique actuelle et dans les dispositifs proposés (Huver et Cadet 2010 ; Bigot et Cadet, dir., 2011). Bien que n’étant pas consacré à ces pratiques, déjà abordées notamment dans le dossier du numéro 174 de notre revue, intitulé Penser à l’écrit, coordonné par Bénédicte Etienne et Annie Portelette, les pratiques d’écriture réflexives apparaissent dans les trois axes thématiques qui constituent le plan de ce numéro. Nous avons fait le choix de ne pas les isoler car la réflexivité est au cœur de l’ensemble des contributions, qu’elles traitent directement de pratiques d’écriture réflexive ou qu’elles s’intéressent à d’autres formes. En effet, les écrits dits réflexifs (voir les contributions de A. Chartier et al. ; R. Galluzzo-Dafflon ; C. Leblay – et, dans la version en ligne du numéro, celles d’Isabelle Audras et de Catherine Muller) visent, sur la base d’un témoignage d’expériences, soit un questionnement sur la pratique professionnelle au sens large soit une réflexion sur un aspect particulier de cette pratique (l’écriture en milieu scolaire par exemple ici chez R. Galluzzo-Dafflon). Par ailleurs, nombre d’écrits qui ne se définissent pas d’emblée comme écrits réflexifs visent cependant, dans la formation des enseignants de français, à susciter la réflexion sur les textes, sur le métier, sur l’écriture. Ainsi, analyser les copies d’élèves est un exercice qui procède de cette dynamique (voir les contributions de M.-P. Hamez et de S. Mosquera et al.) de même que faire produire par de futurs enseignants les types de textes auxquels leurs élèves auront aussi à se confronter (O. Gagnon). C’est le cas aussi des fiches de préparation de cours comme outil de formation (C. Scheepers) : l’enjeu n’est pas seulement de donner aux étudiants la recette pour rédiger une bonne fiche mais bien de les faire s’interroger, à partir d’un écrit de la pratique, sur la pratique et sur le rôle de l’écriture. Au-delà donc de l’écriture réflexive et d’un nécessaire questionnement sur ce qu’elle recouvre, on trouvera dans ce numéro des questions posées depuis de nombreuses années en termes de formation critique, d’analyse des situations, d’identité professionnelle, comme de construction du sujet scripteur et de construction de savoirs sur l’écriture et sa didactique.

    Dans la version papier de ce numéro ainsi que dans les contributions mises en ligne, ce sont les écrits et les pratiques d’écriture dans la formation des enseignants de français qui servent de fil conducteur. Le dossier est divisée en trois axes thématiques. L’accent est d’abord mis sur les liens entre écriture, pratique professionnelle et formation, puis sur la visée spécifique aux futurs enseignants de faire écrire leurs élèves et enfin sur les perspectives dont disposent les formateurs de l’enseignement supérieur en didactique de l’écriture.

    La première partie, « Écrire l’action », aborde la façon dont les pratiques d’écritures encadrent l’action d’enseignement, comment elles en permettent la préparation et comment elles en permettent l’analyse. Elle met en avant le rôle clé que joue l’écriture pour structurer l’action des enseignants et pour questionner l’action. Elle introduit une nuance entre écrits professionnels ou écrits du praticien – qu’il pratiquera directement tout au long de sa carrière – et écrits qui témoignent de sa construction professionnelle ou « écrits réflexifs » – qu’il pourra faire pratiquer à ses élèves mais auxquels il n’aura plus nécessairement directement recours passé le stade de la formation. Les écrits en formation sont tous supposés être professionnalisants, mais intégrer les écrits du praticien en formation, c’est aussi leur reconnaitre ce potentiel.

    Dans cette section, Caroline Scheepers s’intéresse à un type d’écrits particuliers que l’enseignant doit apprendre à construire en formation initiale et qu’il utilisera ensuite au quotidien : les préparations de classe. Elle montre comment la projection sur la classe que l’enseignant construit et l’image de lui-même qu’il donne à voir à travers sa rédaction est révélatrice de certains profils de professionnalité enseignante : 1) l’improvisateur, 2) le magicien, 3) le narrateur et 4) le dialoguiste. S’interrogeant plus particulièrement sur les préparations de séances qui visent à faire travailler l’écriture en classe, elle constate que ces séances sont elles-mêmes peu ou pas écrites/décrites et reposent systématiquement sur le profil de l’improvisateur, ce qui laisse transparaitre un hiatus entre formation à la didactique de l’écriture et conception personnelle des futurs enseignants. Alain Chartier, Aurélie Clemenson et Claire-Marie Greiner s’intéressent aux journaux de bord que tiennent des étudiants stagiaires en formation via un dispositif médiatisé, celui d’une plateforme collaborative. Ils mettent en avant l’importance du dialogisme dans la construction par les étudiants de leur  répertoire didactique (Cicurel 2002) et dans l’analyse qu’ils font de leur agir professoral (Cicurel 2011 ; Bigot et Cadet 2011). Cet article questionne ainsi, comme le précédent, les profils et postures des étudiants-futurs enseignants à travers les écrits produits en formation. De façon transversale, ces deux textes interrogent ces écrits qui, pratiqués dans le cadre de la formation initiale, sont en prise avec les injonctions institutionnelles et avec le spectre de l’évaluation. De même, ils portent une attention particulière au rôle du formateur et à celui de son accompagnement et font des propositions concrètes pour rendre cet accompagnement plus efficient.

    La deuxième partie « Écrire pour faire (ré-)écrire » interroge le rapport à l’écriture et à son enseignement que les futurs enseignants développent en formation. Les trois contributions réunies dans cette partie représentent trois étapes de la production écrite : 1) comment on se représente l’exercice, 2) comment on fait concrètement un exercice, 3) comment on accompagne en classe l’exercice. Les pratiques analysées ici placent les enseignants dans une double posture de lecteurs de leurs écrits et de lecteurs-évaluateurs des écrits des autres, élèves comme enseignants en formation. L’enjeu pour les futurs enseignants est bien de faire écrire leurs élèves et de les accompagner dans la réécriture. Les pratiques des écrits dans le cadre de la formation se doivent donc d’être pensées dans cette perspective. Ainsi, Rosine Galluzzo-Dafflon s’intéresse à la façon dont les futurs enseignants se représentent l’écriture. C’est en les faisant écrire sur l’écriture qu’un travail est engagé sur la conception que les étudiants en formation ont de l’écriture et c’est à partir de leur expérience de terrain, en tant qu’enseignants stagiaires, qu’une réflexion parallèle et complémentaire peut être initiée sur les pratiques d’écritures qu’ils proposent à leurs élèves. Odette Gagnon décrit comment de futurs enseignants en formation procèdent pour rédiger une séquence explicative ; elle part du constat selon lequel les enseignants sont contraints, par les injonctions institutionnelles notamment, à faire pratiquer à leurs élèves certaines formes d’écriture, comme c’est le cas des séquences explicatives. Elle analyse les difficultés des étudiants confrontés à l’exigence de rédiger ce type de textes et en particulier au niveau de la cohérence textuelle. Cette étude met en évidence l’intérêt d’un dispositif consistant à faire écrire aux étudiants ce qu’ils feront écrire à leurs élèves, pour aiguiser leur regard sur ce qui fait qu’un texte fonctionne bien ou moins bien et pour favoriser ainsi les compétences de relecture, de correction et de guidage de la réécriture. Enfin, Marie-Pascale Hamez s’interroge sur les outils scripturaux utilisés par des enseignants de français langue première et de français langue seconde pour accompagner la production écrite de leurs élèves, et notamment sur la pratique de l’annotation de copies. Elle s’appuie sur des questionnaires réalisés avec des enseignants en poste en collège et montre comment leurs traces scripturales orientent spécifiquement le travail de réécriture demandé aux élèves.On voit ainsi l’importance qu’il y a à analyser ce type d’interaction didactiquepour faire comprendre, en formation, ce que signifie et à quoi sert d’annoter une copie.

    La dernière partie, « Quels dispositifs et quels corpus pour former à et par l’écriture ? »,  propose de se placer du côté des formateurs. Elle invite à s’interroger sur ce qui peut favoriser une formation à et par l’écriture. Des exemples de dispositifs de formation permettent d’engager la réflexion à ce sujet. Santiago Mosquera, Marc Surian, Roxane Gagnon et Joaquim Dolz proposent, dans le cadre d’une formation dispensée à l’université de Genève, de travailler sur des textes d’élèves et d’étudiants comme outils de formation et de les aborder sous l’angle de l’analyse des processus de construction et sous celui de leur évaluation. La réflexion qu’ils développent porte donc sur l’usage des textes en formation à l’enseignement de l’écriture et représente une dimension essentielle de la formation de formateurs. Marie-Andrée Lord et Marion Sauvaire présentent un dispositif didactique qu’elles expérimentent à l’université Laval de Québec, articulant formation en écriture et formation à l’enseignement de l’écriture. Elles se situent donc au cœur de la problématique de l’articulation des savoirs pour enseigner et des savoirs à enseigner. L’accent est mis sur les pratiques d’écriture que les étudiants en formation auront à enseigner une fois en poste et sur la manière dont les savoirs de référence peuvent faire sens face à leur expérience de production et d’analyse des textes. Christophe Leblay ne s’intéresse pas seulement à de futurs enseignants mais aussi à de futurs rédacteurs et traducteurs ; tous ont en commun d’avoir à développer une conscience fine de l’écriture. Son article met l’accent sur l’importance de la dimension processuelle de l’écriture, comme dans les propositions faites par S. Mosquera et al. au début de cette dernière section. L’étude porte sur l’analyse que font les étudiants de leurs écritures intermédiaires dans le cadre d’une pratique réflexive de l’écriture (des journaux de bord dans un environnement numérique de travail). L’auteur conclut sur l’intérêt de constituer au cours de la formation un dossier génétique. Un tel dossier représente une extension de la notion de portfolio : il réunit non seulement des textes mais différentes étapes et états d’un même texte. L’idée est que les futurs enseignants, ainsi formés à observer les modes effectifs de construction des écrits, soient, une fois en poste, attentifs aux processus de production écrite et aux réécritures de leurs élèves. La question des processus d’écriture montre l’intérêt de mettre à profit, en didactique de l’écriture et dans la formation à l’écriture, les apports de la psychologie cognitive et de la génétique textuelle pour mieux analyser les pratiques des apprenants et mieux guider leurs productions.

    Les articles en ligne (www.afef.org) apportent des éclairages complémentaires aux questions traitées dans la version papier. Alors que la version papier est centrée sur les enseignants du primaire et du secondaire en français langue première, plusieurs contributions en ligne s’intéressent aux futurs enseignants de français langue étrangère (voir les contributions de Danielle Omer ; Catherine Muller ; Anne-Laure Foucher) ; plus largement, la littéracie est envisagée dans un contexte plurilingue (D. Omer ; Eva Lemaire et Sheena Wilson ; José Aguilar et Jean-Paul Narcy-Combes) – en particulier en contexte dit minoritaire (E. Lemaire et S. Wilson) – ce qui représente un enjeu central dans le champ dit des « new litteracy studies » (Fraenkel et Mbodj 2010 ; Street 1993). Sont également pris en compte les dispositifs de formation à distance (J. Aguilar et J.-P. Narcy-Combes ; A.-L. Foucher), en écho aux journaux de bord à distance traités par les articles de A. Chartier et al. et de C. Leblay dans la version papier. Concernant l’écriture et sa dimension formatrice, l’accent est mis sur l’intérêt du biographique dans la formation professionnelle, sur l’importance de l’accompagnement et le rôle des pairs, et sur le fait qu’écrire fait se questionner sur l’écriture. L’écriture est analysée à partir de descriptions des procédures narratives dans des productions d’étudiants (C. Muller), en termes d’activités, de tâches, de dispositifs à proposer (E. Lemaire et S. Wilson ; J. Aguilar et J.-P. Narcy-Combes) et du point de vue de son rôle dans la construction de savoirs linguistiques et didactiques (D. Omer ; I. Audras).

    Au terme de la présentation de ce numéro, nous tenons à remercier le comité de lecture et le comité scientifique de la revue Le français aujourd’hui pour leur précieux travail de relecture et d’expertise. Parions qu’il a déjà trouvé des suites : les refontes actuelles des plans de formation dans les Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ÉSPÉ) et les derniers résultats des évaluations européennes des élèves ne peuvent qu’inviter à poursuivre la réflexion sur les pratiques d’écriture en formation et sur leur importance pour penser la didactique de l’écrit de la maternelle à l’université – et de l’université à la maternelle.

    Lucile CADET & Fanny RINCK

     

    Références bibliographiques

    BIGOT, V. & CADET, L. (dir.) (2011). Discours d'enseignants sur leur action en classe - Enjeux théoriques et enjeux de formation. Paris : Riveneuves.

    BLANC, N. & VARGA, R. (dir.) (2006). « Rapport de stage et mémoire professionnel : normes, usages, représentations ». LIDIL, 34. Grenoble : Université Stendhal – ELLUG.

    BOCH, F., LABORDE-MILAA, I. & REUTER, Y. (dir.) (2004). « Les écrits universitaires ». Pratiques, 121-122. Metz : CRESEF.

    BRIOLET, D. & MANESSE, D. (dir.) (1999). « … à l’université ». Le français aujourd’hui, 125. Paris : A.F.E.F.

    CADET, L. (2006). Écrire sur soi en contexte de formation professionnelle : quels objectifs, quels enjeux, quelles contraintes, quelles pratiques ? Recherches, 45, 163-185. 

    CADET, L. (2007). La genèse des journaux de bord d’apprentissage. Le français aujourd’hui, 159, 39-46. 

    CADET, L. (2012). Le journal de bord d’apprentissage, un adjuvant ou un obstacle à la construction professionnelle. In A. Gohard-Radenkovic, S. Pouliot & P. Stalder (dir.), Journal de bord, journal d’observation. Un récit en soi ou les traces d’un cheminement réflexif (pp. 197-232). Bern : Peter Lang, coll. « Transversales ».

    CHAMPY-REMOUSSENARD, P. (2006). L’écriture sur l’activité professionnelle : conditions de production et impact sur la construction des compétences. Questions de communication, 9, 299-315.

    CICUREL, F. (2011). Les Interactions dans l’enseignement des langues. Agir professoral et pratiques de classe. Paris : Didier.

    COULON, A. (1997). Le Métierd'étudiant. L'entrée dans la vie universitaire. Paris : Presses universitaires de France.

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