Association française pour l’enseignement du français

On enseigne le français ailleurs

  • 03
    Juil

    Oral et littératie en langue 2, de Nancy Palson

    L'immersion française au Canada

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    Oral et  littératie en langue 2 

    Enseigner dans un contexte de langue seconde requiert des outils essentiels afin que l’apprentissage de la langue se fasse, tant en lecture et en écriture qu’à l’oral.  L’enseignement de la littératie se doit d`être dynamique et contextuel afin de favoriser les apprentissages chez nos élèves.  De plus, un enseignement utilisant les habiletés et connaissances transversales de nos apprenants est grandement recommandé (Conseil  de l’Europe, 2010).  Dans cet article, nous ferons un survol de stratégies efficaces en enseignement d’une langue seconde (L2). Ce survol nous permettra de réaliser que le développement oral de la langue est un élément qui réside au cœur de l’enseignement d’une L2 et demeure un indicateur principal du succès de l’apprentissage global d’une langue, tant maternelle que seconde.  Dans cet article, nous ferons référence à certains chercheurs ainsi qu`à nos expériences personnelles en enseignement, dans un contexte d’immersion française, au Canada, plus précisément, en Colombie-Britannique.

     

    La littératie: une activité sociale basée sur la construction de sens

    De nos jours, le terme « littératie » a évolué et se définit comme étant un concept plus large que l’acte de lire, écrire et parler, faisant de lalittératie un processus plus complexe qui tient compte de toutes les activités menant à la lecture et l’écriture[1].  Elle englobe donc une série de connaissances et  de compétences en lien avec le vécu et le contexte culturel de l’apprenant.  Dagenais (1994) l’explique en affirmant que la recherche existante sur le développement de la lecture et de l’écriture s’entend pour affirmer que la littératie est une activité sociale basée sur la construction de sens. Donc, elle s’acquiert par l’expérimentation et la pratique dans des situations de communication authentique.

    Selon nous, afin d’offrir un programme riche en expériences contextuelles, l’enseignant se doit d’être très créatif et dynamique.  Ses élèves doivent être engagés avec autrui afin de mettre en pratique les concepts, les habilités ainsi que le vocabulaire enseignés.  Les enfants se doivent de « vivre la langue » dans tous les sens afin de bien la concrétiser et de se l’approprier. 

     

    La lecture 

    Peu importe la langue dans laquelle nous enseignons, nous utilisons tous des principes et modèles d’enseignement qui favorisent le développement de la lecture chez nos apprenants.  Que se soit  par la lecture à haute voix, la lectureseule ou avec un ami,  la lecture dirigée,  les cinq au quotidien[2] , nous nous entendons tous sur le fait qu’offrir un programme équilibré et non fixé sur un modèle d’enseignement favorisera un développement des apprentissages en littératie[3]

    Les enseignants servent de modèle à leurs élèves et ce sont eux qui développeront leur amour de la lecture par les albums lus quotidiennement en classe. Burns, Espinosa et Snow (2003) expliquent en fait que « La lecture de livres aux enfants est une des activités les plus susceptibles de stimuler la motivation à lire » (p.77).  Puis ils ajoutent que « Les parents qui apprennent à leurs enfants que la littératie est source de plaisir[4] stimulent leur motivation à faire les efforts nécessaires pour apprendre à lire même s’ils éprouvent des difficultés durant les premières années d’apprentissage»(p.79). Ce faisant, nous encourageons nos enfants et/ou nos étudiants à lire souvent avec passion mais ce que nous développerons ailleurs sera leur vocabulaire, leur compréhension ainsi que leur développement oral dans la langue enseignée. Nous pouvons donc constater à quel point la motivation à lire est primordiale dans un contexte d’enseignement de la langue seconde ; elle aide l’enfant à vouloir lire dans cette nouvelle langue et à bâtir un vocabulaire nécessaire à la compréhension de cette langue seconde.

     

    La lecture indépendante 

    Afin de lire indépendamment, l’enfant aura besoin de support et de modèle de la part de son enseignant qui lui, démontrera des stratégies efficaces en lecture. Yves Nadon (2002) met l’emphase sur le fait que nos élèves doivent lire de façon indépendante,  tous les jours.  Pour ce faire, ils doivent avoir à leur disposition des livres pas trop faciles ni trop difficiles, qu`ils sauront lire avec un taux de réussite de 95%. Personnellement, nous encourageons nos élèves à lire indépendamment de 20 à 45 minutes par jour. Dans notre classe, les élèves ont en leur possession un sac de lecture rempli de livres qu’ils peuvent lire indépendamment, des livres qu’ils peuvent feuilleter, des bandes dessinées, autant d`œuvres documentaires que littéraires.  Nous réalisons qu’il est acceptable, pour nos élèves étudiant en immersion française, de lire avec un taux de réussite de 90 à 95%.  Nos étudiants commettent beaucoup plus d`erreurs de syntaxe, par exemple, que des élèves étudiant dans leur langue maternelle, ne feraient pas :  Je mangé, au lieu de Je mange, par exemple, est une erreur très courante. Les enfants savent que l’histoire traite d’un enfant qui mange mais ne savent pas qu’ils font une erreur. De plus, des erreurs de genre :  le fille, la papa, etc. sont de plus très courants.  Il faut donc apprendre à être flexible dans les interprétations de nos évaluations en lecture.

     

    Le rôle de l’oral dans le développement de la littératie

    Comme nous l’avons décrit précédemment, la lecture joue un rôle important dans le développement langagier de l’enfant. Masny (2006) stipule que « le développement de la communication orale des jeunes enfants devient un moyen de les rendre compétents et d’augmenter la réussite en lecture et en écriture» (p.129). Ici, en Colombie-Britannique, nos programmes d’études sont en phase de changement.  Un volet important qui est au centre des apprentissages, est celui de la communication[5]. Ainsi, « La compétence de communication sert de pont entre les apprentissages des élèves, leur identité personnelle et sociale, leurs relations et le monde dans lequel ils interagissent »(p.2).

    De plus, les chercheurs ont su élargir le champ de la littératie en incluant le développement oral comme étant un indicateur important pour le succès en lecture et en écriture.  En se basant sur ces faits, deux chercheurs, Blain et Painchaud (1999), ont su intégrer le développement de l’écriture et l’oral dans une stratégie innovatrice nommée  « La rétroaction verbale des pairs » (1999) décrite ci-dessous :

     

    L’écriture 

    Blain et Painchaud (1999) ont tenté de mettre en pratique une approche communicative en salle de classe afin d’amener leurs élèves à l’étude, à améliorer la qualité de leurs productions écrites tout en discutant avec leurs copains. Ils se sont demandé si une rétroaction verbale de leurs pairs serait plus efficace qu`une faite par leur enseignante.  Ce faisant, ils ont pu réaliser qu’effectivement, il y avait un impact positif sur la qualité des textes écrits des enfants lorsque ceux-ci recevaient un soutien de leurs pairs. Pour notre part, nous avons tenté d’utiliser cette stratégie en salle de classe, en l’incorporant avant, pendant et après avoir écrit un texte. Suite à la modélisation de nos attentes, les étudiants posaient des questions à leur partenaire afin de clarifier le contenu et le sens de leur production écrite. De plus, ils offraient des commentaires positifs et encourageants sur le texte lu. Finalement, ils tentaient de donner des suggestions afin d’améliorer le texte (le sens, la grammaire, l’orthographe).  En effet, nous avons constaté qu’en ajoutant le volet oral dans le processus de l’écriture, les élèves étaient plus engagés, puis la qualité de leurs textes s’était aussi améliorée. Nous n’avons toutefois pas pu comparer des textes corrigés avec un enseignant par rapport à ceux corrigés par des pairs.

    Dans la même lignée, Kreeft (1984) a innové avec une approche communicative en écriture qui met en avant la relation entre le scripteur et le lecteur : le journal en dialogue. Le but de ce journal est d’amener l'élève à communiquer par écrit avec son enseignant.  L’enseignant se doit de toujours répondre au message de son élève sans toutefois formuler aucun commentaire évaluatif sur l'écriture de l'élève. Lorsque nous l’avons utilisé en classe, les élèves étaient si excités de nous raconter leur vie, leurs histoires vécues, etc. sans qu’on les corrige !  Pour notre part, ce journal nous a permis de mieux connaitre nos élèves et vice-versa. Nous pouvons donc affirmer que le journal en dialogue sert à authentifier l’acte d’écrire comme activité de communication.

     

    Développer les savoirs: utilisation des compétences transversales

    Dans son guide, le Conseil de l’Europe (2010) recommande l’élaboration d’un curriculum scolaire qui sort du contexte de l’école, visant l’apprentissage dans diverses situations et contextes, tout en incluant le développement social de ses apprenants. Ce curriculum devrait favoriser l’utilisation des compétences transversales entre les apprentissages de ses apprenants (p.4). Par notre expérience personnelle et nos contacts professionnels, nous pouvons affirmer que les enseignants en immersion au Canada sont reconnus pour créer du matériel d’apprentissage en se basant sur un thème donné afin d’enseigner le vocabulaire précis dans presque tous les sujets enseignés en classe.  Donc, le développement des savoirs se fait de façon transversale, mettant l’emphase sur le développement et l’enrichissement de la langue seconde de l’apprenant. Il devient donc plus facile, pour un élève, de maitriser le nouveau vocabulaire lorsque celui-ci est présenté, modelé et pratiqué, dans différents contextes. De plus, comme mentionné auparavant, les changements des programmes d’études de la Colombie-Britannique encouragent une approche similaire à celle décrite ci-dessus.[6]  A la page 4  du document cité, on peut comprendre que le nouveau programme devra permettre « une exploration plus approfondie des thèmes pour arriver à une meilleure compréhension (…) et fournir des occasions de transfert d’apprentissage ».

     

    Conclusion

    Selon ce que nous avons suggéré comme approches fondamentales à l’enseignement de la littératie en langue seconde, nous pouvons facilement constater que la base des apprentissages reste la même que celle existant dans un contexte d’enseignement d’une langue maternelle. Par contre, les moyens pour s`y rendre seront spécifiques au milieu d’enseignement. L’enseignant en immersion française, par exemple, qui apprend à lire, à écrire et à parler à ses élèves, tiendra compte du développement social de ses apprenants, en mettant le développement oral de la langue au cœur de leurs apprentissages. Compte tenu que le développement oral d’une langue joue un rôle principal quant au succès de l’apprentissage de la lecture et l’écriture, nous nous devons de faire en sorte que notre enseignement soit basé sur le développement langagier de nos élèves en leur offrant des situations contextuelles, variées et réelles. Cela devient donc particulièrement important lorsqu’on enseigne une langue seconde.

     

    Bibliographie

    Blain, S., & Painchaud, G. (1999). L'impact de la rétroaction verbale des pairs sur l'amélioration des compositions des élèves de 5e année en immersion française. La Revue canadienne des langues vivantes, 56, 73-98. http://tinyurl.com/2at6ee5

    Burns, S., Espinosa, L, Snow, C. (2003). Débuts de la littératie, langue et culture : perspective socioculturelle. Revue des sciences de l’éducation, 29 (1), 75-100.

    Conseil de l’Europe. (2010). Guide pour le développement et la mise en œuvre de curriculums pour une éducation plurilingue et interculturelle. Strasbourg: Publications du Conseil de l’Europe. [article téléchargé en ligne à www.coe.int/lang/fr]

    Dagenais, D. (l994). L’intérêt d’une pédagogie de l’écrit axée sur le processus pour les élèves présentant des besoins particuliers. Revue de l’association canadienne de linguistique appliquée, 16, 25-45.

    Kreeft, J. (1984). Dialogue writing - bridge from talk to essay writing. Language Arts, 61, 141-150.

    Masny, D. (2006). Le développement de l’écrit en milieu de langue minoritaire : l’apport de la communication orale et des habiletés métalinguistiques. Éducation et francophonie, 34 (2), 127-149.

    Marin, B., Morin, M-F (dir.) : Litératies scolaires, Le Français Aujourd’hui, n°190, septembre 2015, A. Colin, Paris.

    Nadon, Y. (2002). Lire et écrire en première année… et pour le restant de sa vie.  Montréal, La Chenelière/McGraw-Hill.

    Sabatier, C. Notes de cours, septembre 2010, Maitrise, S.F.U. ,  C.-B..

    http://www.acpi.ca/ressources/referentiel-de-competences-orales 

    https://curriculum.gov.bc.ca/sites/curriculum.gov.bc.ca/files/pdf/curriculum_intro_fr.pdfou http://www.afef.org/blog/espace.php?board=58&document=1052

    https://curriculum.gov.bc.ca/sites/curriculum.gov.bc.ca/files/pdf/competence_de_communication.pdf  ou http://www.afef.org/blog/espace.php?board=58&document=1051

    https://prezi.com/gssiforpyurg/la-litteratie-equilibree/

     

    Biographie :

    Native de la ville de Québec, Nancy Palson enseigne en Colombie-Britannique depuis plus de 20 ans.  Orthopédagogue de formation, elle en débute sa carrière ainsi. Le point tournant de sa carrière fut ses trois années de formation en tant que professeur de Reading Recovery ®.  Nancy enseigne présentement une classe de  3e -4e année à Kamloops (C.B.) et elle  offre aussi un soutien en lecture à plus de 40 élèves dans son école.  Depuis 1991, elle a eu le privilège d’enseigner la première, deuxième et troisième années ainsi que divers postes en orthopédagogie.  Nancy Palson obtient sa Maitrise à l’Université Simon Fraser, en 2011, sous le thème de L’éducation en français en contextes de diversité.  Nancy travaille aussi à la Faculté d’Éducation de l’Université Thompson Rivers, à Kamloops, où elle veille à la supervision des stages des nouveaux enseignants.  



    [1]Voir note 4. L’auteure a choisi ici d’écrire littératie, avec deux t. Voir dans le n° du FA cité les acceptions, leur évolution et les orthographes. (note de l’éditeur)

    [2]http://www.litteratout.com/les-5-au-quotidien/

    [4]ici, il s’agit plutôt, stricto sensu, de « livres » ou de « lecture ». Sur ce concept de littératie, on peut se reporter au n° 190 du Français Aujourd’hui : Litératies scolaires, Armand Colin/AFEF, sept.2015.

     

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