Notes de lecture du FA 185
Livres
Max Butlen & Annick Lorant-Jolly (dir.), Recherches et formations en littérature de jeunesse : état des lieux et perspectives. Paris : BNF/ CNLJ, 2012 (168 p., 20 euros).
Réunissant dix-sept textes, cette publication, issue du colloque du 22 juin 2011 co-organisé par la Bibliothèque nationale de France (La joie par les livres) et l’université de Cergy-Pontoise (IUFM & laboratoire CRTF), donne la parole à des enseignants-chercheurs en littérature française, anglaise, comparée ou en didactique du français, ainsi qu’à des bibliothécaires. Résolument situés dans le prolongement du colloque de 2002, « Se former à la littérature de jeunesse aujourd’hui », les travaux présentés entendent prendre acte des changements constatés et préparer l’avenir.
Un avant-propos de Max Butlen et une introduction d’Emmanuel Fraisse présentent l’ouvrage et introduisent trois séries de contributions, fondées sur des enquêtes nationales ou locales qui les structurent.
La première, qui comporte l’enquête liminaire de M.-F. Bishop et P.-L. Fort, ainsi qu’une table ronde et un témoignage de C. Boulaire sur la création de la revue Strenae, a eu pour objectif de recueillir des informations sur les recherches universitaires effectives à partir du recensement des thèses, des projets de recherche ANR, des séminaires programmés par les universités et des publications qui en sont le produit. Cette partie met en évidence la progression quantitative de la recherche et la diversification des sujets ou des axes traités, mais aussi la transversalité qui caractérise désormais la littérature de jeunesse. Néanmoins, M. Letourneux et F. Marcoin constatent que certains champs demeurent encore inexplorés ou marginalisés, car la recherche reste pour partie inféodée à la logique institutionnelle.
La deuxième série de contributions vise à établir un panorama des offres de formation faites aux étudiants. Elle se compose d’une enquête nationale, menée cette fois par C. Mongenot, ainsi que d’une discussion animée par S. Martin. Cette partie conforte la première, puisqu’elle révèle aussi un accroissement des possibilités de formation, lié à la professionnalisation des universités. Si, par cette progression, la littérature de jeunesse semble plus reconnue, les résultats de l’enquête invitent cependant à relativiser cette légitimation : les formations proposées restent ponctuelles ou discontinues. La littérature de jeunesse garde parfois un statut optionnel et marginal. Bien plus, la professionnalisation engendre un risque de segmentation du champ en approches fonctionnelles (métiers de l’édition ; métiers de l’enseignement ; métiers de la médiation).
La troisième partie s’intéresse, quant à elle, à la présence et aux usages de la littérature de jeunesse à l’école, au collège et en bibliothèque. Elle débute par la présentation de deux enquêtes menées par M. Butlen et P. Joole dans les écoles du Val d’Oise ou des Hauts-de-Seine, et par S. Ahr au collège. Les travaux mettent en évidence l’accroissement considérable de l’offre de lecture à l’école comme au collège, en même temps que le resserrement du corpus autour d’une base culturelle partagée. Mais les articles pointent aussi certaines différences entre le primaire et le secondaire : si les usages semblent avoir évolué à l’école (lecture offerte ou à haute voix, réseaux, lien lecture-écriture), ce n’est pas le cas au collège, puisque la littérature de jeunesse est reléguée à la lecture personnelle ou cursive. Néanmoins, les finalités didactiques ne sont pas toujours approfondies en primaire et l’intervention de C. Tauveron corrobore cette analyse en montrant que les parcours de lecture ne sont pas utilisés à bon escient. C. Poissenot et C. Plécard complètent ce panorama en affirmant, dans leurs contributions respectives, que les bibliothèques ont participé à la conversion des jeunes à la lecture, mais d’une manière limitée, d’où la nécessité de partir aujourd’hui des pratiques de ces derniers ou d’instaurer des partenariats avec l’institution scolaire.
Après le regard d’un grand témoin, celui d’I. Nières-Chevrel, qui mesure « le chemin parcouru » depuis les années 1970, l’ouvrage se clôt sur le développement et l’affirmation de la recherche au plan international, avec une table ronde animée par Jean Perrot. Les contributions permettent de comparer la situation en France, en Belgique (D. Delbrassine) et aux États-Unis (M.R. Higonnet) et de dessiner des projets d’avenir : l’ouverture d’un site internet de littérature de jeunesse d’envergure mondiale afin de fédérer tous les acteurs concernés.
Ce recueil constitue donc un état des lieux très précieux pour les chercheurs et les enseignants qui s’intéressent à la littérature de jeunesse : la diversité des contributions (enquêtes, discussions, tables rondes, témoignages) et des intervenants, mais aussi des perspectives abordées (recherche, formation, bibliothèque, international) en fait un outil fort complet, d’autant qu’il présente aussi des éléments concrets (une bibliographie sélective portant sur la littérature de jeunesse de 2000 à 2011, des exemples de formation professionnelle dans différentes universités ou d’actions menées dans des bibliothèques locales).
Lydie Laroque
Marie Berthelier & Marie-Laure Elalouf (dir.), Enseigner le vocabulaire au collège – Recherche – Pratiques de classe – Outils, Paris, Delagrave, 2013 (176 p., 20 euros)
(aussi en ligne sur le site de l'AFEF)
« L’entreprise qui consiste à proposer, pour les niveaux de scolarité intermédiaires (de la classe de CM2 jusqu’à la classe de seconde) et pour des élèves francophones, un ouvrage consacré à l’enseignement du vocabulaire, mérite d’autant plus d’être saluée qu’elle est rare, courageuse et pleinement réussie ». À cette phrase de Caroline Masseron, qui ouvre la préface, nous pourrions ajouter que cette entreprise était aussi nécessaire parce que tellement attendue par les enseignants. De plus cet ouvrage, destiné principalement à ceux des collèges, aidera aussi ceux des autres cycles à trouver des réponses à leurs questions sur un enseignement qui les met si souvent en difficulté ; ce que peu de recherches récentes permettaient. Et la démarche progressive que met en avant l’organisation de cet ouvrage collectif guide et facilite la lecture grâce à trois parties qui jalonnent des étapes claires : une première, à partir de rappels théoriques, ouvre des perspectives didactiques ; une deuxième expose des séquences qui ont permis de travailler le vocabulaire en classe ; une troisième propose des outils pour aider les enseignants à construire les apprentissages.
Le titre de la première partie « Lexique ou vocabulaire ? » est immédiatement détourné par le premier article de Paul Cappeau, « Lexique et vocabulaire » qui discute, à partir d’éléments théoriques clairs et précis, l’unité problématique mais utile du mot en plaçant la réflexion autour de ce qui distingue lexique et vocabulaire dans l’opposition langue/discours et en la resituant « du côté des usagers et des usages » ; l’approche dynamique du lexique qu’il expose montre que les enrichissements procèdent plus par des mises en contexte que par des mémorisations d’articles de dictionnaire. Un deuxième article de Nathalie Marec-Breton fait le point sur les apports des recherches en psychologie cognitive sur l’acquisition du vocabulaire : « combien de mots sommes-nous capables d’apprendre ? » et « comment apprend-on et retient-on de nouveaux mots ? » ; en réponse à cette deuxième question, elle met en concurrence deux mécanismes : l’instruction directe, les mots sont alors acquis en étant expliqués par un tiers, et l’apprentissage incident, les mots étant alors mémorisés à l’insu de l’apprenant ; ces deux mécanismes doivent être activés en parallèle, sinon les plus démunis en lexique sont aussi pénalisés en lecture et en compréhension, ce qu’une pratique importante de lecture permet de compenser. Après ces deux entrées en matière théoriques, les perspectives didactiques qu’ouvre Marie-Laure Elalouf prennent tout leur sens ; à partir d’une lecture fine des programmes de 2008, elle montre que la confusion qui s’est installée entre des objectifs et domaines variés a renforcé « un malaise latent », et elle propose un enseignement systématique du vocabulaire à partir de la lexicologie et d’activités lexicales qui permettent de structurer langue et discours en développant « une attention aux mots ». Les deux chapitres suivants décrivent des expériences lexicales : Claire Doquet montre comment le travail sur le lexique entre dans le processus de compréhension du texte, permettant de faire sens à l’aide des reformulations des élèves, et développe un exemple avec des collégiens en grande difficulté ; Isabelle Zimmermann présente un dispositif inscrit dans une séquence sur la construction du récit, qui fait appel à la motivation des élèves pour améliorer la réécriture par l’apprentissage, la mémorisation et le réemploi de mots nouveaux.
Dans la deuxième partie consacrée aux « Pratiques de vocabulaire », huit séquences présentent des démarches de classe pour appréhender différentes notions lexicales. L’étude de la morphologie est abordée de deux manières : i) autour de la préfixation, à l’aide d’une séquence d’écriture répétée à deux niveaux, en 6ème et en 4ème, par Marie-Laure Elalouf, Corinne Milin et Isabelle Zimmermann ; ii) autour de l’étymologie et de la composition, dans une séquence en 6ème sur le vocabulaire savant dans les textes documentaires présentée par Corinne Milin. Quatre approches sémantiques sont ensuite présentées. Celle de la polysémie articulée autour des verbes compter et battre en CM2 et en 5ème par Isabelle Zimmermann qui, après avoir montré un travail de catégorisation fondé sur les travaux lexicographiques de Jacqueline Picoche, conclut : « ils ont découvert un outil pour élucider le sens des mots en contexte et pour mettre en mémoire ces mots » ; celle du développement d’un champ lexical, celui du rire, dans une séquence en 4ème où Françoise Ravez utilise interactions et catégorisations pour faire découvrir, fixer et réinvestir le vocabulaire ; Isabelle Zimmermann propose encore une démarche pour mettre en place une situation-problème qui aidera à la structuration du lexique de l’élève et favorisera ses apprentissages lexicaux ; et, avec Bénédicte Le Doré, elle déroule une séquence d’écriture en 4ème dans laquelle les élèves apprennent à manier « sens propre et sens figurés dans l’écriture d’une nouvelle à chute ». L’approche suivante, de Véronique Rengeard, vise à sensibiliser aux registres de langue, terme qu’elle prend bien le soin de préférer à niveaux de langage à partir de deux séances d’écriture. Et la dernière démarche, pour une classe de seconde, consiste en une activité décloisonnée dans laquelle le travail lexical sert de point de départ à une écriture d’invention dans le cadre d’une séquence sur l’étude du roman et de la nouvelle réaliste au XIXème siècle ; Anne Le Baut conclut ainsi : « Dans la perspective de la préparation de l’épreuve écrite du baccalauréat, l’activité présentée a fait apparaitre l’intérêt d’un travail spécifique sur le lexique et le vocabulaire ainsi que la productivité de la contrainte lexicale comme point d’ancrage de l’écriture. »
L’objectif formatif de la 3ème partie est clairement affirmé : « Perspectives : des outils pour l’apprentissage du vocabulaire ». Après la présentation d’un « guide d’entretien pour suivre l’évolution des conceptions lexicales des élèves » Marie-Laure Elalouf, avec Françoise Ravez, présente, sous forme de tableau, des pistes de progression pour travailler le lexique au collège, en précisant les situations de classe, les dispositifs, les gestes professionnels et les activités des élèves au regard des catégories travaillées, en cours de français, mais aussi en séances pluri- ou transdisciplinaires, à l’occasion d’activités hors les murs et lors d’activités de socialisation. Un article collectif réunit ensuite trois propositions de démarches pour approcher la lexicographie en constituant un dictionnaire de classe : Claire Doquet fixe le cadre en CM2-6ème ; Bénédicte Le Doré présente une expérience sur l’acquisition du vocabulaire en 6ème dans une séquence sur la nouvelle à chute ; et Chantal Bertagna montre l’intérêt de l’usage des dictionnaires numériques qui permettent d’élargir les modes de recherche. Pour conclure, Chantal Bertagna propose trois exemples de travail lexical facilités par l’utilisation du TBI : une « approche du lexique en contexte » (pour comprendre un texte littéraire), une contextualisation historique du lexique (pour former les élèves à une vision diachronique de la langue), et la « construction d’un champ lexical ou d’un champ sémantique » à l’aide de cartes heuristiques.
Il est bien sûr difficile, en quelques pages, de faire percevoir la « densité » de cet ouvrage. Il faudrait ajouter qu’il contient une quantité d’annexes qui aident à comprendre les séquences présentées, des renvois vers des outils numériques en accès libre, une bibliographie précise et concise. Il faudrait aussi dire combien sa lecture est aisée, ce que découvrira chaque lecteur qui ne manquera pas d’y trouver, s’il est enseignant, de quoi nourrir sa réflexion et ses pratiques.
Viviane Youx
Dominique Viart, Anthologie de la littérature contemporaine française – Romans et récits depuis 1980, Paris, Armand Colin & SCÉREN-CNDP, 2013 (296 pages, 39 euros)
(aussi en ligne sur le site de l'AFEF)
Difficile entreprise que celle de Dominique Viart, de réaliser cette Anthologie de la littérature contemporaine française, qu’il a certes restreinte en la limitant aux « Romans et récits depuis 1980 », mais qui suppose des justifications qu’il développe dans son introduction « Quand la littérature se réinvente… ». La justification, d’abord, de ses choix qui distinguent la littérature de la production livresque de notre temps ; mais la distinction est difficile, tant le critère de notoriété populaire est difficile à manier, de grands auteurs contemporains sont aussipopulaires, alors que des écritures plus difficiles ne sont pas toujours un gage de postérité. La question de la délimitation littérature française interpelle aussi le lecteur, et l’auteur la justifie par sa propre incapacité et par l’impossibilité matérielle d’écrire une anthologie de littérature francophone. S’il introduit des noms aux consonances étrangères, c’est qu’il s’agit d’écrivains devenus français, dans un pays dont il ouvre très légèrement les dimensions hexagonales. Il pose aussi la question de la délimitation du champ, le restreignant à la littérature narrative, roman et récit, même si la catégorie « récit », énorme, reste bien difficile à contenir, ainsi que celle de la périodisation, qui va être reprise dans l’organisation générale de l’ouvrage, repérant un tournant des années 1975-1984, comme celui de « la dernière mutation esthétique d’importance [...] lorsqu’après s’être consacrée, pendant près de trois décennies, à une exploration formelle de ses possibilités, la littérature s’est à nouveau tournée vers le monde. »
À partir de ce tournant de la fin des années soixante-dix, l’ouvrage s’organise en trois parties qui cernent trois séquences d’une évolution en marche. Une première, « Inflexions des œuvres modernes », rassemble des auteurs dont les œuvres étaient déjà commencées dans les décennies précédentes ; mais, qui « connaissent, au passage des années 1970 aux années 1980, une inflexion qui les réoriente, dans la fidélité à eux-mêmes et la prise en compte de nouveaux enjeux ». Parmi ces enjeux : "l’écriture de soi", "un profond souci de l’Histoire", "le gout pour des constructions romanesques", alors que perdure la part réflexive des textes. Le choix des auteurs, dont les pages retenues s’étendent de 1975 (Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes) à 2007 (Modiano, Dans le Café de la jeunesse perdue), s’il privilégie encore largement des héritiers des esthétiques des années soixante, ouvre aussi l’espace à de grands narrateurs, Le Clézio, Kundera, Modiano, Tournier, Glissant… une seconde partie très centrale, « Inventions de formes et enjeux contemporains », rassemble les auteurs qui tiennent une place dominante dans ce tournant littéraire : sortant « des esthétiques de la rupture [qui] laissaient profondément impensées les questions historiques et le legs d’un XXème siècle particulièrement violent », ils « souhaitent au contraire pouvoir à nouveau parler de l’Histoire, de l’homme dans le monde ». S’appuyant sur la littérature qui les a nourris, ils redécouvrent des formes romanesques qui leur permettent à la fois d’élucider leur propre histoire et leur place dans l’Histoire. Se distinguant des « héritiers » au sens bourdieusien, ils racontent des générations muettes, mais ils disent aussi le monde du travail, du quotidien, des guerres, de la maladie, de la noirceur humaine… De 1982 à 2012, ces œuvres jalonnent les grandes voies de la création romanesque, de Pierre Bergounioux à Antoine Volodine, de François Bon à Jean-Philippe Toussaint… selon l’ordre alphabétique choisi par l’auteur. La troisième partie, « Innovations et libres variations » ne marque pas de changement fondamental avec la précédente, si ce n’est que les auteurs retenus, qui continuent à se nourrir de leurs prédécesseurs lointains ou proches, vont aussi puiser des influences plus lointaines, géographiques, mais aussi cinématographiques. Leur liberté de ton est plus grande, voire provocatrice, notamment chez Houellebecq, Jauffret, Darrieusecq. Leurs thèmes se renouvèlent en même temps que les sociétés et frontières s’ouvrent. Le pari est difficile de capter une littérature en train de s’écrire, dont certains noms sont inconnus alors que d’autres font la une des journaux, de Pierre Alféri à Martin Winckler pour s’en tenir, là encore, à l’ordre alphabétique.
Que faire d’une anthologie comme celle que nous propose Dominique Viart ? C’est à la fois un objet précieux qui, sous une couverture argentée, nous offre un très grand nombre d’extraits d’une page, calibrage volontairement identique pour tous ; et une source de joies vite suivies de frustrations : jeté à cors perdu dans cet ouvrage, un lecteur assidu et au fait de la production romanesque de ces trente dernière années ne manquera pas de s’étonner : pourquoi a-t-il choisi un-e tel-le et non un-e tel-le ? Pourquoi a-t-il continué à privilégier des auteurs comme Georges Pérec qui a droit à deux extraits, alors que Jonathan Littell est absent ? Pourquoi ne préfère-t-il pas, chez Thierry Beinsteingel, un extrait de Ils désertent (2012), chez Mathias Enard, un extrait de Rue des voleurs (2012), plus accessible que Zone ?Pourquoi certains romanciers majeurs de ces dernières années n’ont-ils pas leur place, Andrei Makhine, Jean-Christophe Rufin, Jérôme Ferrari, Jeanne Benameur… ?
De fait l’auteur nous invite à remplir les pages blanches qui suivent. Une idée de travail à mener en classe… Où il serait intéressant de comparer la table des matières de cet ouvrage avec les candidats et lauréats des prix littéraires de ces dernières années, et avec des statistiques de vente en librairie, ou de lecture en bibliothèque. Tous les auteurs plébiscités par les lecteurs à un moment en resteraient exclus car vite oubliés, mais certains, bien que populaires, pourraient y trouver une petite place.
Viviane Youx
Revue
Langage & société, « Familles plurilingues dans le monde. Mixités conjugales et transmission des langues », n° 147, 2014, Paris, Maison des Sciences de l’Homme (177 p., 16,50 euros).
La revue Langage et Société avait lancé un appel à communication, il y a près de deux ans pour voir où en étaient les recherches sur les problématiques langagières chez les familles mixtes et les enfants de couples mixtes aujourd’hui. Elle publie aujourd’hui les articles des six jeunes chercheures d’horizons différents, ainsi qu’une introduction qui fait un état de la question. Coordonné par Christine Deprez, Beate Collet& Gabrielle Varro,ce numéro thématique explore, à travers des entretiens, la diversité des pratiques langagières et la créativité des parents et des enfants de familles plurilingues. Sont ainsi abordées les pratiques des langues au sein du couple, la transmission ou la non transmission des langues à leurs enfants. On y décrit des situations très différentes, dont beaucoup étaient encore inexplorées ou mal connues, comme le cas d’expatriés en Éthiopie, de couples mixtes en Inde ou en Corée, de familles d’enfants sourds qui introduisent une nouvelle langue à la maison. Le point de vue des enfants dans trois contextes nationaux différents (Allemagne, Angleterre, France) est étudié. Le cas du basque en France montre, face à la transmission familiale, le rôle des écoles bilingues (ikastolas). Le dossier permet également aux lecteurs de comparer des expériences singulières ou collectives qui mettent en relief les différents statuts des langues en contact ainsi que le caractère monolingue ou plurilingue de l’environnement social et éducatif. On y constate que la mixité linguistique des familles ne conduit pas nécessairement à des pratiques quotidiennes plurilingues. Au sommaire : « Quand le bilinguisme entre dans la famille avec la naissance d’un enfant sourd. Langues des signes et français au quotidien » par Sophie Dalle-Nazebi, « Familles mixtes et usages des langues : une étude des politiques linguistiques familiales dans le contexte indien » par Madhura Joshi, « L’effet conjugué du contexte national et du genre sur la (non) transmission des langues des familles mixtes en Corée du Sud » par Kim Kyung-Mi, « Valeur symbolique de la langue au Pays basque français et choix de l’école pour les enfants de couples linguistiquement mixtes » par Isabelle Lacroix, « Langues et identités en contexte exolingue : discours de trois couples franco-éthiopiens à Addis-Abeba » par Véronique Miguel Addisu, « La transmission de la langue du parent migrant au sein des familles mixtes : une réalité complexe perçue à travers le discours de leurs enfants » par Anne Unterreiner.