FELOUSIS Georges, MAROY Christian, VAN ZANTEN Agnès (2013) Les marchés scolaires, Sociologie d’une politique publique d’éducation, Éditions PUF, collection éducation et société, 228p.
Présentation sur le site de l’éditeur
La question des marchés scolaires, née dans les années 1950, a donné naissance à partir des années 1980 à des politiques promouvant le libre choix de l’école comme facteur d’efficacité et d’équité (p. 185). L’ouvrage de Félousis, Maroy et Van Zanten est un bilan de ces politiques concernant l’enseignement obligatoire, documenté par les études publiées dans le monde.
Dans les deux premiers chapitres, les auteurs explorent le fonctionnement des différentes formes de marché : marchés proprement dits, fondés sur la concurrence privé/public, quasi-marchés qui organisent, au sein de l’ « offre publique d’éducation », une concurrence animée par des évaluations, marchés officieux (et donc opaques), dont la France fournit le modèle.
Au fil des trois autres chapitres sont examinés les résultats des recherches centrées sur les trois acteurs des marchés scolaires : parents, établissements, autorités locales. Côté parents « Le choix apparait […] comme une composante importante de stratégies éducatives permettant la reproduction sociale des positions de domination […] » (p. 112), côté établissements, les innovations sont plus souvent managériales que pédagogiques et « cela consolide une ségrégation des publics scolaires entre établissements. Or, la ségrégation entre établissements peut renforcer les inégalités de réussite scolaire […] » (p. 145). C’est sur la régulation par l’action publique que les auteurs comptent pour satisfaire ces quatre critères : efficacité, équité, liberté de choix et cohésion sociale.
Panorama dense de la variété des situations scolaires, abondant en exemples concrets, Les marchés scolaires expose et, sans parti pris « idéologique » apparent, soumet théories et recherches à l’épreuve des faits. Il éclaire les situations de terrain et pourquoi il faut tant d’énergie, dans certains quartiers et établissements, pour garder la tête hors de l’eau. Il met en avant l’objectif de construction d’une mixité sociale et académique (de « niveaux ») comme facteur favorable aux apprentissages (p. 180). Il permet enfin de comprendre des paradoxes, par exemple que ce sont les parents des classes moyennes supérieures qui seront les plus réceptifs à la présence de « pédagogies mettant l’élève au centre » contribuant ainsi à la pérennisation de la ségrégation scolaire (p. 102).
Imposant comme une évidence la représentation d’un univers social et scolaire agité par une concurrence intensive et généralisée, Les marchés scolaires, Sociologie d’une politique publique d’éducation peut constituer une invite à chercher les valeurs et les stratégies de résistance à lui opposer.
Dominique Seghetchian
Sous ce lien, le Café Pédagogique du 28 octobre présente un nouvel ouvrage sur les politiques éducatives, L'école à l'épreuve de la performance, de Christian Maroy (Éd. de Boeck) ainsi qu'une interview de son auteur qui montre comment "l'économie éducative", "l'économie de la connaissance", introduisent des évolutions managériales qui bouleversent l'institution scolaire et posent problème tant dans la définition de la professionnalité enseignante qu'en matière d'équité pour les élèves. Les risques pointés par cette interview pourrait être sous-tendus par les conceptions sous-jacentes des apprentissages, ces politiques volontaristes semblant ignorer les recherches sur ces domaines et en particulier celles qui concernent les rapports au savoir des élèves issus des classes populaires.
Le même numéro du Café rapporte l'intervention d'Agnès Van Zanten au congrès du SNUIPP