Les Connaissances ignorées. Approche pluridisciplinaire de ce que savent les élèves, Sous la direction de Marie-Claude Penloup, Lyon, Institut National de recherche pédagogique, 2007, (20 '.)
L'ouvrage regroupe sept contributions qui ont pour point de départ une même problématique présentée dès l'introduction générale. Cette hypothèse reprise par tous les auteurs est qu'il existe chez certains élèves ou adultes en formation des « ressources » ignorées d'eux-mêmes et de l'institution scolaire. Ces ressources peuvent être considérées comme des connaissances inconscientes, négligées le plus souvent, et qui pourtant peuvent jouer un rôle dans l'acquisition et l'élaboration de savoirs scolaires ou de savoir-faire.
Les auteurs vont, à partir de cette position de départ, démontrer chacun dans un domaine particulier que la prise en compte de ces « connaissances ignorées » a un double rôle à jouer. Tout d'abord, il s'agit de les faire émerger au niveau conscient pour permettre au sujet de les reconnaître et de les maitriser. Le principe étant alors de prendre appui sur ces bribes de connaissances qui serviront de base à l'élaboration de savoirs constitués et explicites. L'outil de cette émergence étant l'entretien d'explicitation qui favorise le retour sur des actions, avec formulation des procédures et mise à jour de ressources non verbalisées. Le second intérêt est la mutualisation de ces connaissances implicites qui, lorsqu'elles sont formulées, peuvent donner à voir aux autres apprenants que chacun est déjà possesseur de savoirs et que d'une manière générale, l'ignorance absolue, comme vide de représentations, n'existe pas.
Cette hypothèse est reprise dans le domaine de l'écriture par Marie-Claude Penloup, qui poursuit sa réflexion sur les écritures extrascolaires et le rôle qu'elles peuvent jouer dans les représentations des élèves sur l'écriture. Dans le domaine de l'oral, ce sont les analyses de Régine Delamotte-Legrand qui postule la maîtrise précoce de certaines procédures langagières que l'école ignore. Dans le domaine de la maîtrise de la langue, Fabienne Calame-Gippet rend compte d'une recherche menée auprès d'élèves de cours moyen pour mettre à jour leurs connaissances implicites des catégories grammaticales et du fonctionnement de la langue. Dans le domaine de la démarche scientifique et l'approche des mathématiques ce sont les contributions de Evelyne Delabarre et Corine Castela qui s'attachent à analyser les pratiques scientifiques extrascolaires et les raisonnements spontanés des élèves. Ce qui est plus inattendu est certainement l'adaptation très intéressante de cette hypothèse à la prise en charge orthophonique telle que la présente Emmanuelle Lederlé. Et dans la contribution de Fabien Liénard, la démarche trouve une exploitation bien adaptée dans la formation des adultes illettrés. Le principe est de leur permettre de prendre conscience des connaissances enfouies qu'ils possèdent ce qui les aide à retrouver un chemin vers l'écrit.
Cet ouvrage présente un grand intérêt pour tous ceux qui s'intéressent aux modalités d'apprentissage des enfants et des adultes. Son originalité réside dans le point de vue adopté dès le départ par les sept contributions qui abordent d'une manière particulière ce qu'il est convenu d'appeler le « déjà-là » correspondant aux connaissances que tout individu se construit au cours de ses pratiques ordinaires. Mais dans l'ouvrage, ces connaissances implicites ne sont pas considérées comme des obstacles qu'il faut faire verbaliser pour les déconstruire ou les modifier. Au contraire, elles sont abordées comme des bases nécessaires pour les apprentissages, bases que l'école et les différents éducateurs ignorent le plus souvent, reléguant les pratiques ordinaires dans le domaine de l'erreur ou de l'absence de savoir.
Marie-France Bishop