Gérard DESSONS, La Voix juste, Essai sur le bref, Paris, éditions Manucius, coll. « Le marteau sans maitre », 2015 (160 p., 15 euros).
C’est avec une exigence éthique et anthropologique que G. Dessons va chercher, dès les premières pages qui s’attaquent au « langage des anges », la voix juste à travers une notion qu’il érige en champ théorique, le bref. Ainsi constitue-t-il une poétique qui est tenue dans et par le langage, et qui fait la critique de la brièveté, comme analyse des formalismes qui empêchent l’attention à la discursivité. S’attaquant aux « hors-langage », à tout ce qui ne permet pas de chercher le poème avec et dans le poème lui-même, G. Dessons s’élève contre le rêve d’une parole qui pour être vraie devrait se passer de mots. Reconnaissant dans la brièveté un acte de la parole travaillant à son propre anéantissement, G. Dessons en fait une critique radicale. Au contraire, le bref travaille comme opérateur critique, partant de l’empirisme des œuvres, étant du langage, et se dédouanant d’une forme de « totalitarisme du silence » (p. 17) qui fait du silence du hors langage alors que « le silence est encore du langage » (p. 17). Ainsi, le bref, parce qu’il permet d’opérer la distinction entre ce qui relève du langage et ce qui en sort semble pouvoir échapper à une triple disparition : celle du dire, du dicible, et du diseur (p. 16).
Pour échapper aux formalismes et reconnaitre la discursivité à l’œuvre, ce serait trouver la voix juste qu’il faudrait. Une voix qui se ferait donc l’examen de l’enseignement, où le modèle herméneutique, de la lecture comme décryptage, persiste encore. Pour autant, l’entreprise de G. Dessons peine par courts moments à échapper elle-même aux catégories, et à quelques formes de fonctionnalismes. L’écriture de G. Dessons semble parfois vouloir «regarder du côté de», manquant d’interroger la manière dont les points de vue, les différentes dimensions et côtés s’engrainent. Symptomatique de cela et à titre d’exemple, on notera que G. Dessons inscrit le bref dans «une prise en compte d’une signifiance qui se réalise non plus au seul plan des fonctionnements et des interactions linguistiques, mais poétiquement et éthiquement » (p. 89). Cela dit, on comprend fort bien que cette pensée « par plans » n’est qu’héritage de la nécessaire dissociation des notions dont use G. Dessons pour penser le poétique, le linguistique et l’éthique. C’est donc avant tout la forte attention philologique aux mots que nous retenons de cet ouvrage et l’invitation à poursuivre la relation critique dans et par l’écoute d’une justesse vocale où tout se rattache.
Charlotte GUENNOC