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    Juin

    Frontières et Circulations : Une littérature de jeunesse européenne au XXIème siècle ? Compte-rendu AFEF

    Les biennales de la littérature de jeunesse, 2ème colloque international, Gennevilliers 7-8 juin 2017

    Frontières et Circulations : Une littérature de jeunesse européenne au XXIème siècle ?

    Les biennales de la littérature de jeunesse, 2ème colloque international, Gennevilliers 7-8 juin 2017

    Programme[1]

     

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    Cette présentation du colloque ne prétend pas à l’exhaustivité, étant à la fois partielle puisqu’elle ne porte que sur la deuxième journée, et probablement partiale.

     

    Existe-t-il, ou existera-t-il une littérature européenne au XXIème siècle ? La question, posée ici pour la littérature de jeunesse pourrait aussi l’être pour la littérature générale, mais probablement avec des réponses différentes. Si, en littérature générale, on insiste beaucoup sur le francocentrisme de l’édition, passage obligé pour être reconnu comme écrivain·e de langue française, la littérature de jeunesse semble plus influencée par la mondialisation que par une européanisation difficile à percevoir. En choisissant cette question pour la deuxième biennale de littérature de jeunesse, les organisatrices et organisateurs avaient conscience de l’affaiblissement général de l’idée européenne dans notre société. Cette idée a-t-elle mieux résisté dans une Europe des idées et de l’écrit, et dans la littérature, notamment pour la jeunesse ?

     

    Pour un rayonnement européen, le pari est de mobiliser les éditeurs de littérature pour la jeunesse. Thierry Magnier s’y emploie en tant que président du secteur jeunesse du syndicat national de l’édition. Ainsi, en 2018, lors de la Foire de Francfort où la France sera à l’honneur, c’est un tiers du budget qui sera consacré à l’édition jeunesse. Thierry Magnier rappelle aussi le « Plaidoyer de la Fédération des Éditeurs Européens en faveur de programmes européens de soutien au livre [2]» qui présente « 20 mesures clés qui pourraient être adoptées afin de soutenir les livres européens ». Il annonce aussi la création d’un prix national de la littérature adolescente, le prix Vendredi. Mais tout éditeur est partagé entre le marketing (quand un livre est publié, il est plus rentable de le traduire et l’exporter) et la création, qui risque d’être parasitée si on pense tout de suite à une diffusion à l’étranger.

     

    Le rayonnement est aussi soutenu par une organisation comme IBBY, qui se décline en une branche européenne et des branches nationales, comme IBBY-France. Elle a pour mission de développer la compréhension internationale à travers la littérature de jeunesse. Elle met une littérature de jeunesse de qualité à portée de tous les enfants, partout, dans toutes les langues. Des prix récompensent des actions en faveur de l’édition jeunesse, sur des projets locaux, émanant des différents pays.

     

    Mais ces mobilisations cachent difficilement le faible impact de l’Europe dans la littérature pour la jeunesse, pour deux raisons essentielles : la mondialisation anglophone, et la diversité des pratiques de médiation autour de la lecture.

    « L’Europe n’existe pas. » Bertrand Ferrier en arrive à ce constat à partir du marché du livre pour les jeunes lecteurs en France. L’édition pour la jeunesse vit à l’heure d’une mondialisation anglophone. Les caractéristiques valorisées par les éditeurs découlent des meilleures ventes, ce sont d’abord des livres traduits de l’anglais, avec des mots anglais dans le titre, la jaquette, la publicité. Ce sont ces caractéristiques qui trouvent preneur sur le marché. Structurellement, le modèle n’est pas européen, mais anglo-saxon, basé sur un modèle américain. En effet, 1/3 des livres publiés pour la jeunesse en France sont traduits, mais la plupart sont traduits de l’anglais. 84% des meilleures ventes proviennent de la production anglophone. Sur les 25 meilleures ventes 2016, 20 ont un auteur ou un titre anglophone. Un modèle européen n’est pas à l’ordre du jour ; et a-t-il espoir de l’être ?

    La diversité des pratiques de médiation, Bernard Friot la met en évidence encomparant les Salons du livre en Europe dans les pays francophones, germanophones et en Italie. Alors qu’en France on met l’accent sur l’objet, le produit livre, en Allemagne et en Italie, c’est plutôt l’acte de lecture qui est mis en avant, ainsi que les acteurs. En France, on parle de Salon ou Fête du livre pour la jeunesse ; en Allemagne, de semaine, journée, ou fête de la lecture (le terme de Salon ou Foire du livre est réservé à la littérature générale) ; en Italie on parle de fête du livre, mais le terme lecteur arrive immédiatement après, comme festival de la lecture, ou festival des lecteurs. En Allemagne, une place très importante est faite aux animations et aux lectures, alors que l’espace vente est très réduit.En Italie, la dimension débat est dominante, notamment sur la place publique. En France, ce sont les signatures et la vente qui occupent la plus grande place. L’implication des familles est moindre en France, peut-être parce que la médiation autour de la lecture est très bien prise en charge par l’école. L’ouverture européenne, grande en Allemagne et en Italie, est faible en France où des auteurs étrangers sont rarement invités. En France nous avons une politique libérale de l’offre, et non de la lecture, la production du livre est plus subventionnée que la lecture.

     

    Quelles actions peuvent être menées pour développer des valeurs européennes dans la lecture des jeunes ? C’est la question que se pose Agnès Rochefort-Turquin pour Bayard Presse. Pour l’éditeur de presse, c’est mission impossible, car le sujet Europe n’intéresse pas, en couverture de magazine il n’excite pas la curiosité. On ne peut forcer un enfant ou un adolescent à lire, les journaux doivent donc trouver des angles pour les intéresser, à l’occasion d’un évènement d’actualité, (le passage à l’euro, qui date…). Avec les lycéens, il est plus facile de trouver des sujets : ce qui les fait le plus rêver, c’est de partir à l’étranger, tous les titres sur ce thème fonctionnent. Ils peuvent aussi être sensibles à la manière dont vivent d’autres jeunes en Europe : « Grèce, les ados dans la crise ». La presse jeunesse ambitionne d’ouvrir l’avenir aux jeunes générations.

    C’est aussi, indirectement, ce que cherche Sylviane Ahr en analysant la notion de « prix européen » en littérature jeunesse. Quelle place et quel rôle peuvent être assignés à un prix littéraire européen ? Quels peuvent en être les enjeux, les spécificités, le sens ? Jusqu’à ce jour, seuls deux prix de littérature jeunesse européenne, créés en 2011, peuvent être recensés : le prix Utopiales européen jeunesse, Nantes, et Pépite du roman ado européen ; auxquels on peut ajouter le prix franco-allemand pour la littérature de jeunesse du Salon européen de Sarrebruck. En quoi ces prix européens favorisent-ils la diversité des regards ? Dans les romans retenus, on parle plus d’humanité que d’Europe, et plutôt d’humanité occidentale. Plus que d’une vision européenne, il s’agit d’une vision du monde peuplé d’une humanité déshumanisée, soit par la technologie, soit par le monde qui y est représenté, avec des personnages évoluant dans des univers sombres et cruels. On pourrait plutôt parler de convergence que de diversité des regards, dans des prix qui se donnent à voir comme planétaires plus que comme européens.

     

    Une littérature européenne pour la jeunesse devrait porter des valeurs de diversité, de partage, d’ouverture. Le chantier de réflexion qu’ouvre cette biennale pourra-t-il faire bouger les pratiques éditoriales et les usages ?

     

    Viviane Youx

     

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