Comme chaque année, ce Forum a été l'occasion de belles rencontres, avec des personnes engagées et passionnées, porteuses de projets variés, mais surtout humains. Beaucoup d'émotion, de rires, de pleurs, et surtout toujours de magnifiques propositions...
"Une centaine d’enseignant.es sont invité.es à l’ESPE de Paris pour présenter des projets pédagogiques qu’ils ont menés avec leurs élèves. Contrairement à d’autres événements similaires, les enseignant.es présents ont été sélectionné.es non pas par l’institution, mais par le Café pédagogique et par leurs collègues des associations professionnelles enseignantes (Afef, Udppc, Apbg, Apeg, Aphg, Aplv, Apses, Apv, Ageem, Assetec, Cyberlangues, Apmep, Aeeps, Pepsteam, Apemu). Laurent Petit, professeur à l'ESPE de Paris, et Philippe Meirieu, spécialiste des sciences de l’éducation et de la pédagogie, participent aussi au Forum pour mettre en perspective les travaux des enseignants." Lire la suite dans le Café pédagogique du 26/1/2018 : FEI : Le festival de la créativité enseignante
Voir quelques projets : 10ème Forum des enseignants innovants : une vivacité pédagogique infatigable - Café pédagogique 5/2/2018
Quelques éléments de l'ouverture et de la clôture du #FEI10 :
François Jarraud
Pour les dix ans du Forum, François Jarraud assure qu’il a bénéficié, pour ses premières années, d’une chance : l’innovation n’intéressait personne, il n’y avait pas de pression politique. Le soutien des élus locaux a permis les premiers Forums, FJ rappelle l’émotion de celui de Roubaix, lors du discours du maire très engagé dans l’École pour une population qui souffre.
Depuis 2010, le ministère s’est intéressé à l’innovation pédagogique, et a signifié que le forum gênait. Une période de grâce a eu lieu entre 2012 et 2017, avec la participation et l’engagement des ministres, Peillon, Pau-Langevin, Vallaud-Belkacem. Le champ politique s’est déplacé, l’innovation pédagogique n’intéresse plus dans les mêmes termes, elle s’est déplacée vers les neurosciences…
Les enjeux de l’innovation pédagogique sont, pour certains politiques, de monter des projets à grande échelle et gros budgets, pour ensuite dupliquer et diffuser des bonnes pratiques.
Au Forum, ce n’est pas ce à quoi on croit ; il ne s’agit pas de trouver des bonnes pratiques, de solutions miracles. Mais c’est de trouver des moyens qui conviennent à des contextes propres, de favoriser des rencontres, de faire remonter ce qui se fait dans les classes. C’est une logique ascendante, non descendante.
Le Forum se décale de la pensée officielle, de ce qu’on voit se mettre en place dans la parole officielle. Il est fondamental que les enseignants soient reconnus comme des experts.
Tous les ans au Forum, on voit des profs « maltraités », très seuls dans leur établissement. L’enseignant innovant dérange dans son établissement.
Il faut un endroit où on vous dise que ce que vous faites est bien et important, que vous soyez reconnus en tant que personnes humaines qui travaillent avec de vrais élèves.
Les associations partenaires participent, comme jurés, à la valorisation des projets en mettant en avant l’interdisciplinarité.
Philippe Meirieu, après avoir fait un tour de quelques projets présentés, énonce 4 exigences :
- Relier : générations, parents et école, permettre de faire une société moins ghettoïsée, se retrouver dans un collectif plus large qui fait société
- Décloisonner les disciplines sans dissoudre les savoirs – donner plus de force, de sens aux savoirs en reliant les disciplines entre elles, on met en relief la nécessité des connaissances – dialectique entre le global et l’élémentaire
- Rencontrer le réel, les objets, le monde – c’est une grande tradition de l’école républicaine – ce n’est pas le lieu où on impose une croyance contre une autre croyance, c’est le lieu où l’on met en place des expériences qui permettent à l’élève de découvrir la vérité – relation de l’enfant à l’objet (Mathieu Crawford) : relation équilibrée au monde, non de toute-puissance – processus qui rassemble l’apprentissage et l’émancipation
- Accompagner : pas pour dépister ni externaliser – pour intégrer et développer des formes d’entraide pour dépasser ses difficultés par la force du groupe, pour être meilleur que soi-même et non meilleur que les autres (Jacquard) ; aider chacun à devenir meilleur que lui-même
Deux principes :
- Cohérence : les institutions scolaires ne sont pas très cohérentes, les textes officiels sont écrits pour nous exonérer de ce qu’ils proposent. Il faut prendre au pied de la lettre les finalités de l’école de la république, de la démocratisation du savoir. Les acteurs et porteurs de cohérence sont subversifs. Ce sont les constructeurs de cohérence qui font progresser l’institution.
- Exigence : les innovateurs au sein de l’École massivement laxiste sont fondamentalement exigeants ; ils incarnent l’exigence de précision, de justesse et de vérité pour que les élèves se les approprient. Ils pratiquent la bienveillance avec beaucoup plus d’exigence que ceux qui pratiquent la pédagogie bancaire (Freire)
C’est revigorant de voir la cohérence et l’exigence remises à leur véritable place.
Il n’y a pas de science de l’enseignement
Une institution publique doit permettre l’engagement de la personne, et nous ne devons pas externaliser le dévouement ; l’Éducation nationale doit permettre aux acteurs de s’engager.
Il y a un paradoxe institutionnel que ce doivent être les innovants qui se justifient et prouvent par l’évaluation qu’ils ont raison, alors que les autres peuvent faire ce qu’ils veulent sans évaluation ni justification.