Association française pour l’enseignement du français

Notes de lecture

  • 16
    Jan

    Dominique BUCHETON et alii, Refonder l’enseignement de l’écriture, Vers des gestes professionnels plus ajustés du primaire au lycée

    Note de lecture du FA 195, Marie-France Bishop

    Dominique BUCHETON et alii, Refonder l’enseignement de l’écriture, Vers des gestes professionnels plus ajustés du primaire au lycée, Paris, Retz, 2014 (304 p., 21,70 euros).

    Dans cet ouvrage publié en 2014, D. Bucheton se propose d’ouvrir un chantier important, celui de la refondation de l’enseignement de l’écriture. Ce projet d’envergure prend appui sur tout un ensemble de travaux récents en didactique des disciplines, en psychologie cognitive et du développement, en didactique professionnelle et en clinique de l’activité, entre autres. Il s’agit bien d’une véritable refondation au sens le plus fort du terme, puisque les pratiques d’écriture scolaires sont totalement revisitées, tant du côté de leur apprentissage que de leur enseignement.

    L’ouvrage se présente en quatre parties qui abordent chacune l’un des aspects de l’apprentissage et de l’enseignement de l’écriture à l’école : la complexité de la tâche d’écriture pour les élèves ; l’évaluation et les écrits dans toutes les disciplines ; les gestes professionnels des enseignants ; la présentation de pratiques innovantes qui offrent des exemples concrets de mise en place aux différents niveaux scolaires.

    L’ensemble de cette démarche repose sur quelques principes fondamentaux qui en constituent l’ossature. Le premier de ceux-ci est que l’enseignement de l’écriture doit être repensé en prenant en compte un nouveau modèle pédagogique qui place le sujet apprenant au centre de son activité. Considérer l’élève comme un « sujet écrivant » nécessite de considérer que l’écriture est une activité complexe pour laquelle chaque individu mobilise ses connaissances sur la langue et sur le monde, des éléments de son histoire personnelle, ses représentations, mais aussi ce qu’il s’imagine devoir faire en fonction du contexte dans lequel il écrit et des pratiques langagières qu’il maitrise ainsi que du domaine référentiel dans lequel se situe l’activité. Dans cette conception de l’écriture scolaire, la réception des travaux des élèves nécessite une nouvelle approche, entièrement modifiée. C’est là le second élément fondateur de cette démarche : l’évaluation repose sur le principe que l’écriture n’est pas un savoir à atteindre, un objet à enseigner et à connaitre, mais plutôt un savoir en construction que l’enseignant accompagne par une évaluation qui n’est pas une notation, mais un ensemble de gestes d’accompagnement et de régulation. Ceux-ci nécessitent de prendre en compte différentes dimensions dans l’écriture des élèves : les indicateurs quantitatifs, les dimensions énonciatives, pragmatiques, sémantiques et symboliques, ainsi que la construction du rapport aux normes linguistiques et langagières. Le troisième élément fondateur de cette étude est l’élargissement de l’apprentissage de l’écriture. Celui-ci ne concerne pas le seul enseignement du français, il se déroule dans tous les domaines scolaires. L’écriture est une compétence transversale qui s’apprend dans toutes les disciplines et qui nécessite une adaptation explicite aux différents domaines conceptuels et aux pratiques propres aux différents champs de savoirs. L’écriture dans toutes les disciplines est un apprentissage long, jamais achevé, qui s’élabore progressivement, dans la durée, grâce aux écrits intermédiaires qui sont des aides à la conceptualisation. Le dernier élément essentiel pour envisager une refondation de l’enseignement de l’écriture est la prise en compte des processus d’ajustement entre gestes d’enseignement et « gestes d’étude » (p. 204) des élèves, entre postures du maitre et postures des élèves. Considérant l’espace de la classe comme un lieu où se régule sans cesse les comportements des acteurs, où les postures des uns et des autres sont en constant ajustement, D. Bucheton suppose que la refondation de l’écriture ne peut se faire que si les gestes deviennent conscients et maitrisés, entrainant ainsi, du côté des élèves, des postures propices à un réel apprentissage de l’écriture.

    Enseigner et apprendre à écrire, est une pratique scolaire ancienne qui nécessite d’être repensée, renouvelée et étayée par des principes solides et justifiés. C’est ce que propose cet ouvrage stimulant qui s’appuie sur l’analyse de productions d’élèves ou d’entretiens et qui apporte des exemples éclairants de démarches innovantes. Les apports théoriques sont explicites, les notions utilisées sont clairement définies dans des encadrés. On retrouve dans ces pages les apports des travaux de D. Bucheton, des plus anciens aux plus récents. Les recherches convoquées sont rassemblées pour défendre un engagement fort en faveur des élèves qui ont le plus besoin d’une école qui leur rend les apprentissages accessibles et qui prend en compte non pas des résultats quantifiables, mais des compétences en voie de construction, c'est-à-dire des apprentissages inscrits dans la durée. La refondation de l’enseignement de l’écriture est possible, elle repose sur une modification profonde des conceptions de l’écriture scolaire et des représentations des enseignants, de leurs pratiques et de leurs gestes professionnels. Il s’agit d’un enjeu important pour l’école qui nécessite un investissement dans la formation des maitres, acteurs principaux de cette refondation. L’ouvrage de D. Bucheton marque une étape importante dans la rénovation de l’enseignement de l’écriture.

    Marie-France BISHOP 

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