Discours de M. le Président de la République à la suite de la
concertation sur l'Ecole
Clôture de la concertation sur l'Ecole - Paris (la Sorbonne) - Mardi 9 octobre 2012
Monsieur le Premier ministre,
En entrant dans cette salle, je me suis demandé si le Conseil des ministres n'avait pas été délocalisé. Car je retrouve l'ensemble du Gouvernement. Non pas que j'interdise à tous ceux qui ne sont pas encore au gouvernement de le rejoindre à un moment ou à un autre, mais la présence d'autant de ministres témoigne bien de ce que vous avez voulu, Monsieur le Premier ministre. C'est-à-dire engager l'ensemble des administrations, des responsables publics dans la concertation.
Je salue ici, les rectrices, les recteurs, les personnels de l'éducation qui ont été représentés et tous ceux qui se sont associés à cette idée lancée en début de mandat qui pouvait donner une nouvelle fois, l'impression que l'on allait parler et non pas décider.
La concertation est faite pour qu'il y ait des choix qui soient préparés, et qui ensuite, puissent être considérés comme utiles au pays.
Je vous retrouve ce matin dans ce grand amphithéâtre de la Sorbonne, un lieu où il y a eu tant de discours prononcés, tant de cours magistraux délivrés, pour que nous soyons conscients de l'instant que nous vivons. Vous avez voulu tous, participer à cette délibération, nous impliquer dans la décision qui sera prise. Vous l'avez fait en conscience, parce que vous aviez le sentiment qu'ici se jouait l'essentiel. C'est-à-dire l'avenir.
Notre pays s'interroge depuis longtemps, avec plus d'intensité ces derniers mois ou ses derniers jours, sur sa place, son destin. Notre pays veut savoir s'il a les capacités de surmonter la crise, d'affronter la mondialisation, de tenir son rang dans la compétition. Il s'interroge aussi, sur ses atouts. Est-il capable de vaincre le chômage ? Et de préserver son modèle social ? C'est pour répondre à cette interrogation première que le Gouvernement de Jean-Marc AYRAULT a engagé le redressement. Dans ce redressement, il y a la formation, la qualification, l'instruction, l'éducation. En d'autres termes, une école de haute qualité.
Notre pays s'inquiète aussi pour sa cohésion nationale, les conditions de la vie en commun, pour le lien civique. Chacun mesure les dangers du défaut d'intégration, du déclassement et des ruptures de toutes sortes qui peuvent déboucher sur des violences. Et là encore, beaucoup de Français attendent de l'éducation nationale, de ce qu'elle peut offrir comme garantie, comme sécurité, comme bien-être. Chaque fois que cette Education Nationale connaît un échec, subit une agression, peine à atteindre ses objectifs, c'est tout le pacte républicain qui est mis à mal.
Depuis l'invention même de la République, la France a toujours eu un rapport fusionnel avec son école. Dès la Révolution Française, c'est à Condorcet qu'il est demandé de travailler sur l'école. Lorsque le République est rétablie, après le Second Empire, c'est à Jules FERRY qu'il échoit cette belle mission d'engager l'avenir de l'école dans la République. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, quand il s'agit de reconstruire, c'est à Paul LANGEVIN et Henri WALLON qu'il est demandé, une nouvelle fois, de penser l'école et aujourd'hui encore, nous avons à le faire.
La France a toujours eu un rapport passionné avec son école, puisqu'elle fait de l'enfant un citoyen en devenir, lui apprend à vivre en société, à en connaître les règles notamment celles de la laïcité, à en accepter les contraintes. La première vocation de l'école c'est de transmettre un savoir, une connaissance, mais c'est aussi de donner le goût d'apprendre, d'éveiller à la culture et de cultiver aussi l'esprit civique. Bref, son rôle est de parvenir, génération après génération, à conforter la Nation. C'est pourquoi j'ai donné mon plein accord au projet d'enseigner la morale laïque. Ce n'est pas vouloir enrégimenter, imposer des dogmes, une orthodoxie, une raison d'Etat : c'est l'inverse. C'est permettre à chacun de construire sa vie en liberté dans le respect de celle de tous les autres. Nous mesurons bien, face aux dérives que nous connaissons, à quel point il nous faut être intransigeants et déterminés sur nos valeurs. Tout commence par l'école.
Elle est le lieu-même où se prépare la France de demain. Faire progresser l'école, c'est faire avancer la France. Un projet éducatif est, par définition, un projet de société.
C'est dans cet esprit que j'ai annoncé, non pas une réforme, mais une refondation de l'école.
J'ai pris un engagement devant les Français et rien ne m'en détournera : c'est la priorité éducative.
Pourquoi cette priorité ? Pourquoi cet engagement ?
Parce que j'ai une conviction et vous la partagez : l'investissement dans l'éducation est la meilleure façon de répondre aux grands enjeux de notre pays : le redressement économique, la cohésion nationale, la promesse républicaine.
Aujourd'hui, l'école n'est pas encore suffisamment préparée à de tels défis. Elle a subi tant de réformes qui l'ont davantage accablée que confortée. Elle a vécu douloureusement tant de mises en cause, d'accusations, de mauvais procès : trop lourde, trop chère, trop immobile. Elle a été tellement amoindrie dans ses budgets, asséchée dans ses recrutements, affaiblie dans ses prérogatives, qu'elle a forcément affronté avec de plus en plus de difficultés les missions qui lui ont été confiées.
Et dans le même temps, elle accueille aussi en son sein les problèmes de la société française : les ruptures familiales, la violence, la pauvreté, les difficultés de l'intégration, les discriminations. Elle a fait face
Et pourtant, malgré ce contexte, cela a été rappelé, l'école a été capable de très belles réussites. L'accès de tous à l'éducation s'est élargi, le nombre de bacheliers a progressé chaque année, des établissements -- même dans des zones réputées fragiles ou en tension - connaissent des performances remarquables, qui sont saluées comme des exemples, ici en France et à l'étranger. Nous avons été capables de conjuguer l'excellence avec la massification.
Mais l'école connaît aussi des échecs. Regardons la réalité en face. La France est l'un des pays où l'écart de résultats entre les élèves de statuts sociaux favorisés et défavorisés est le plus important des pays de l'OCDE.
La réalité, c'est que trop d'élèves, à la fin de l'école primaire ne maîtrisent pas les connaissances de base.
La réalité c'est que les inégalités territoriales se sont creusées le taux de réussite de l'Académie de Créteil est inférieur à celui de Nantes.
La réalité, c'est également que l'école peine à prendre en compte les mutations profondes de notre société, y compris les nouvelles technologies. La réalité, c'est que trop de jeunes sortent du système éducatif sans diplôme ni qualification, vous les avez chiffrés à 140 000, 140 000 dans une génération sans le passeport d'un diplôme, sans la fierté d'avoir obtenu un résultat au terme d'un parcours scolaire et qui connaissent l'échec, forcement l'échec, au lendemain de la sortie du système éducatif.
La réalité, c'est le décrochage, formule nouvelle qui s'est introduite dans le débat mais qui renvoie à une vérité, c'est-à-dire une sortie, avant même la fin de la scolarité obligatoire. Echec humain insupportable, mais aussi un gâchis économique, risque social.
Alors si nous partageons ce constat - celui que vous avez dressé, d'une école qui a été capable de réussir, alors même que lui étaient discutés les moyens, d'une école qui a été confrontée à des problèmes lourds de notre société, qui connait aussi des échecs que nous ne pouvons pas accepter -, tirons en la conclusion : l'école doit changer. Ses personnels y sont prêts, et ils le montrent encore en cette rentrée. Les parents l'espèrent, et demandent à s'y impliquer davantage, les élus locaux sont disposés à accompagner les mutations s'ils sont convaincus que c'est dans l'intérêt de l'enfant.
Il y faudra du temps et des moyens.
Du temps, car je n'ignore rien du scepticisme français, j'entends déjà les voix de ceux qui murmurent : encore une réforme, une de plus. L'éducation nationale a en effet été échaudée. La France aussi. Que d'annonces ont été faites, aussi vite oubliées que solennellement formulées. C'est pourquoi je propose une feuille de route qui donne de la lisibilité aux acteurs et qui assume de donner du temps à la mise en uvre de la refondation.
Du temps mais aussi des moyens, non pas pour céder à la facilité du quantitatif, non pas pour complaire à des catégories, non pas pour réparer les dégâts des choix budgétaires précédents. Des moyens, parce que nos enfants ont besoin, c'est une vérité, de professeurs. C'est dans cet esprit que s'inscrit mon engagement de créer 60 000 postes sur le quinquennat. Dès cette année et malgré les difficultés budgétaires, et pour chacune des cinq années à venir, ce sont près de 10.000 postes qui seront créés.
Un tel objectif exige que les étudiants qui ont la volonté de servir leur pays en se consacrant à l'éducation des enfants puissent le faire. Qu'est-ce qu'une nation qui n'est pas capable de mettre des enseignants devant les élèves et qui décourage les vocations? ça ne peut pas être la France. La France a confiance dans son école. Ce mot de confiance, vous avez souhaité qu'il soit non seulement prononcé, mais traduit. C'est pourquoi j'ai demandé au Gouvernement et au ministre de l'Education Nationale que les conditions d'entrée dans le métier soient améliorées et que des pré-recrutements puissent avoir lieu. C'est ce qui aura lieu, dès janvier prochain, avec 6000 emplois Avenir Professeur et la mise en place, au printemps, d'un deuxième concours et, dès la rentrée 2013, une rentrée progressive dans le métier.
Nos enfants ont besoin de professeurs. Ils ont aussi besoin de professeurs bien formés.
Enseigner, c'est un métier exigeant, qui expose, parfois durement, à des risques réels, comme l'ont cruellement rappelé les incidents de ces dernières semaines.
C'est aussi un métier qui s'apprend. La formation des professeurs sera rétablie. Il ne s'agira pas de revenir aux écoles normales, pas davantage aux IUFM. Nous allons faire du neuf : avec les écoles supérieures du professorat et de l'éducation, autour de l'idée de la professionnalisation.
La professionnalisation, à la fois dans les contenus et dans les modalités, avec une vraie place pour les stages pratiques, avec une prise en compte des spécificités comme pour les maîtres de maternelle. La professionnalisation, c'est également celle des concours. Je veux éviter tous les malentendus. Connaître ce métier, c'est d'abord maîtriser sa propre discipline. Mais le savoir, évidemment indispensable, ne peut suffire à préparer les futurs enseignants à la réalité de leur exercice professionnel devant les élèves, qui exige un certain savoir-faire.
Voilà la condition indispensable pour refonder l'école : un encadrement plus élevé, des professeurs mieux formés et un budget sanctuarisé. Mais faut-il encore fixer clairement des objectifs.
J'en dégage deux principaux :
1/ Le premier, c'est la réussite pour tous.
Je veux remettre tout simplement, le système à l'endroit et donner la priorité au primaire. Là où sont acquises les bases solides qui détermineront la suite du parcours. Il ne s'agit pas d'imposer les cycles les uns aux autres, il s'agit de prendre les systèmes scolaires dans sa logique même. On l'a dit, on l'écrit depuis des années. Cela n'a pas empêché le sous-investissement chronique et inconséquent dans le premier degré.
Aussi, j'assume pleinement, ici devant vous, le choix de cibler les moyens, de les concentrer là où ils seront le plus utiles.
D'abord, la scolarisation des enfants de moins de trois ans, qui doit être centrée sur les apprentissages premiers et notamment le langage oral. C'est dans le très jeune âge que se nouent souvent des inégalités qui deviennent rapidement irréversibles. L'école maternelle peut les atténuer et les corriger. Encore doit-elle offrir une scolarisation adaptée à l'âge des enfants et à leurs besoins psychologiques et physiologiques spécifiques. Cette politique s'engagera dès la rentrée 2013 dans les territoires en difficulté.
Ensuite, l'école élémentaire, sa mission est de transmettre les premiers éléments des savoirs fondamentaux. Elle doit bénéficier d'une pédagogie nouvelle et de la mise en place du principe du « plus de maîtres que de classes ». Cet apport d'enseignants dans les établissements qui en ont le plus besoin facilitera justement le travail en commun, introduira de nouvelles méthodes de suivi personnalisé des élèves et permettra de prévenir les premiers retards.
Je fais miennes vos propositions. Sur les redoublements qui ne sont pas toujours utiles et dont le nombre devra être réduit.
Sur la notation, dont l'objet - précieux, nécessaire - est d'indiquer un niveau plutôt que de sanctionner un élève.
Egalement sur les devoirs qui doivent être faits dans l'établissement plutôt qu'à la maison si l'on veut accompagner les enfants et rétablir l'égalité.
Je veux aussi que soient facilitées les articulations entre les différents niveaux de scolarité, pour assurer une plus grande fluidité des parcours scolaires. C'est un point essentiel. Des expériences existent: elles sont probantes. Je pense à la liaison entre le CM2 et le collège, mais mon propos va au-delà : le passage au lycée général comme professionnel ou technologique, l'accès à l'enseignement supérieur peuvent donner lieu à des transitions parfois trop brutales. La réponse passe par la coopération entre les établissements, l'échange des pratiques, l'ouverture vers d'autres acteurs, l'implication des enseignants. Nous dessinerons ainsi un nouveau visage à l'école avec plus de continuité et moins de ruptures.
Le collège est une étape décisive. Son caractère unique est devenu une apparence, pour ne pas dire un faux semblant. Et c'est là que s'accentuent les différences, se marquent les échecs, se concentrent les inégalités, aggravées encore par la mise en cause de la carte scolaire. Je considère que son rôle est d'assurer le socle commun des connaissances. Mais à condition de lui permettre d'organiser plus librement sa pédagogie et ne plus avoir un modèle trop rigide d'organisation pour ses activités.
Pour le lycée, je veux insister sur la voie professionnelle à ce stade. Car en ces temps où notre pays doit engager un sursaut productif et conforter son industrie, ma volonté est de valoriser cet enseignement et les diplômes qu'il prépare : depuis le CAP jusqu'à la formation post baccalauréat.
Des réformes seront donc nécessaires. J'en vois deux à mener rapidement :
La complémentarité entre les formations en apprentissage et celles sous statut scolaire
La définition d'une carte des formations que les régions prépareront en dialogue avec l'Etat.
Elles seront utiles pour les élèves, pour l'Etat et aussi pour les entreprises.
Plus largement, c'est toute l'orientation des élèves qu'il convient de revoir. L'objectif, c'est de passer d'une orientation subie souvent liée à l'origine sociale, à une orientation choisie débouchant sur une perspective professionnelle et à terme sur un métier.
Ce sera le sens du service public régional de l'orientation qui coordonnera les dispositifs existants et qui proposera lorsque c'est nécessaire une deuxième chance.
J'ai évoqué le décrochage et je veux regarder cette réalité, là aussi, bien en face. Elle est souvent sous-estimée, parfois niée ou par d'autres stigmatisée, comme l'échec de l'école. Nous devons y répondre.
Ce phénomène a de multiples causes mais il a une seule conséquence : c'est d'abord le retard, le redoublement, puis la sortie prématurée et donc l'abandon.
Je propose d'utiliser face au décrochage toute la gamme des instruments, de l'alerte jusqu'au traitement personnalisé à travers un encadrement dans l'établissement, et parfois hors de l'établissement, permettant ensuite un retour. Mais c'est en amont que l'efficacité peut être la plus grande. Je retiens, là encore, une proposition de la concertation : celle d'un référent présent dans les collèges et les lycées professionnels où nous connaissons un fort taux d'absentéisme.
Reste la question des inégalités territoriales et donc de la justice. Nous avons des progrès à réaliser. Comment comprendre que selon l'établissement, parfois selon la filière, il y ait la certitude de réussite ou la prévisibilité de l'échec ? Nous devons donc faire en sorte qu'il ne puisse pas y avoir de fatalité et que les établissements ne soient pas marqués comme étant ceux de l'excellence ou ceux du risque.
Le système éducatif a accumulé les dispositifs, souvent résumés à autant d'acronymes plus ou moins heureux : ZEP, Eclair, ZRR et bien d'autres. Et ce faisant, la « labellisation » n'a pas toujours su éviter le piège de la stigmatisation. Nous n'avons pas toujours su bien traiter, dans leur diversité, les difficultés territoriales, qu'elles soient urbaines ou rurales, du fait d'une rigidité souvent excessive, d'une concurrence souvent mal maîtrisée entre les différents « labels », et finalement de priorités qui n'étaient pas assumées.
Je préconise une autre approche. Elle est sortie aussi de vos échanges. Celle de « l'aide personnalisée » aux établissements. Il s'agira de différencier, dans le cadre de leur contrat d'objectifs, les moyens en fonction des spécificités territoriales, sociales, et scolaires de chacun des établissements. Cette méthode aura l'avantage, en plus d'associer les collectivités locales, de redonner de la souplesse et d'en terminer avec un système qui s'est essoufflé.
Dans le même temps, je propose d'affecter dans les territoires en difficulté, des enseignants expérimentés, sur la base du volontariat et de garantir une grande stabilité des équipes parce que c'est ce qui est le plus efficace. En contrepartie, je suis prêt avec le Premier ministre et le ministre de l'Education nationale à accorder de meilleures conditions de travail pour ceux, celles qui sont confrontés à des situations éprouvantes.
Voilà l'enjeu, voilà la règle, voilà la méthode si nous voulons permettre la réussite de tous. Je préfère ce beau mot de réussite que celui de lutter simplement contre l'échec. C'est pour la réussite des enfants, pas simplement contre l'échec, que nous avons à nous mobiliser. Et pour la réussite de tous. Nul ne doit penser que son enfant, parce qu'il n'est pas bien né, parce qu'il n'habite pas le quartier supposé favorisé, parce qu'il n'est pas accompagné, n'a pas de chance de réussir sa vie à travers un parcours scolaire. C'est l'ambition de la République de permettre la réussite de tous et si nous cédons par rapport à cet objectif, alors c'est le pacte que nous avons depuis des générations conclu qui se trouve abîmé et peut-être déchiré.
Le second grand enjeu, au-delà de la réussite de tous, c'est de préparer l'école du futur.
L'école du futur ça commence par les nouvelles technologies. Je ne veux pas céder à l'illusion du tout numérique, mais il est clair que cette nouvelle donne modifie le rôle de l'enseignant, transforme les savoirs et affecte les pédagogies. Nous pouvons nier le phénomène, il s'impose à nous, il s'introduit même dans les établissements. Il concurrence, y compris la construction des savoirs, et s'il n'y a pas l'esprit critique, des informations douteuses peuvent arriver jusqu'à la conscience des élèves. Le rôle de l'éducation c'est de saisir ces nouvelles technologies et en même temps d'avoir l'esprit critique pour les dominer. Donc nous devrons, vous devrez adapter vos façons de faire et utiliser ces technologies comme un levier de changement, d'ouverture. Cela suppose, là encore, la formation des enseignants et de mettre à disposition les matériels mais aussi les ressources, les réseaux dans chaque établissement. Je demande au Gouvernement de prendre rapidement les initiatives pour donner à ce que l'on appelle l'e-éducation, la dimension qui doit être la sienne. Le Gouvernement donnera tous les moyens pour déployer ces ressources et réussir à relever ce beau défi du numérique. Nous ne manquerons pas le rendez-vous. Et nous devrons inscrire la devise de la République, présente sur les frontons de toutes nos écoles, dans les territoires numériques éducatifs du XXI siècle. La République n'a pas de frontière, elle ne connait pas de limites : le savoir, la connaissance, la curiosité doivent être mises à la disposition de tous.
Toujours l'école du futur, c'est celle qui saura conjuguer tradition et modernité à travers l'autonomie des équipes pédagogiques et les initiatives locales. L'éducation nationale, contrairement à bien des préjugés, a fait preuve, toujours, d'une grande capacité d'adaptation, d'innovation, d'expérimentation dès lors que la confiance lui a été accordée.
Il ne s'agit pas, de remettre en cause le caractère national de l'éducation. J'y suis profondément attaché comme vous tous. Mais l'uniformité, c'est le contraire de l'égalité. Je veux que, sur l'ensemble de notre territoire, les enseignants, les personnels de l'Education, les chefs d'établissement puissent inventer de nouvelles méthodes, se fixer de nouveaux objectifs, élaborer des instruments pédagogiques. Je souhaite même que les collectivités locales, qui représentent 25% de la dépense intérieure de l'Education, puissent également s'investir et s'impliquer dans ce bel objectif de l'école du futur.
L'école du futur, c'est aussi les lieux qui assurent de bonnes conditions de vie, les plus propices pour apprendre, pour comprendre, pour maitriser.
Tout commence par la sécurité : si elle n'est pas garantie alors c'est la mission même de l'école qui s'en trouve empêchée. Des premières mesures ont été prises avec la création des assistants de prévention et de sécurité dans un certain nombre d'établissements et dès cette rentrée, la mise en place d'une délégation ministérielle à la lutte contre les violences. Mais l'Etat devra répondre à cette menace de la violence, à cette réalité de la violence en liaison avec tous les acteurs, tous les ministères et avec à la fois vigilance et intransigeance dans l'intérêt même de l'enfant.
La santé scolaire a également son rôle à jouer pour dépister, informer, signaler. Faut-il encore qu'on lui renforce un certain nombre de ses moyens car la santé scolaire a été dégradée ces dernières années alors même qu'il y a des risques sanitaires et aussi des trafics qui se sont introduits dans l'école.
Ensuite, l'école du futur c'est une école accueillante.
L'éducation culturelle, artistique et scientifique s'inscrit dans cette perspective. C'est un enjeu pédagogique car l'éveil artistique valorise les enseignements traditionnels. C'est un enjeu d'épanouissement, de confiance et de fierté de l'élève pour lui-même. L'objectif, c'est de pouvoir à la fin de la mandature avoir été capable de généraliser les programmes d'éducation culturelle de la maternelle à la terminale.
Le système éducatif doit être accueillant aussi pour les élèves en situation de handicap. Là aussi je mesure les avancées, elles sont significatives, mais aussi combien le chemin est encore long pour que l'école soit véritablement inclusive. La formation des enseignants intègrera cette dimension. Je considère également comme essentielle la valorisation du métier des personnels, non enseignants, qui accompagnent les élèves handicapés, souvent sans reconnaissance et avec des contrats de travail précaires.
Enfin, l'école du futur, c'est celle qui introduit les rythmes scolaires en fonction du besoin des enfants.
Je sais les attentes mais aussi les inquiétudes pour une réforme qui touche à la vie quotidienne, non seulement des élèves mais des Français. Il convient désormais d'avancer.
Certains points me paraissent aller d'eux-mêmes.
D'abord, l'objectif est de permettre aux enfants de faire autant qu'il sera possible leur travail personnel sur le temps d'accueil de l'école.
D'autres évolutions sont sans doute plus délicates. C'est le cas notamment de l'organisation de la journée, de la semaine, selon l'âge des enfants, et là encore nous avons besoin de nous concerter.
Pour ma part, je suis favorable au retour à une semaine de neuf demi-journées. Nous ne pouvons pas nous plaindre de la baisse de nos résultats dans les classements internationaux et ne pas voir que 144 journées de classe par an, alors que nos partenaires européens sont à plus de 180, c'est un handicap et c'est une explication. Cette organisation a conduit, en plus, à surcharger les journées des élèves. La réforme des rythmes scolaires n'est pas la clef de tout, ce n'est pas elle qui va être le sésame pour régler l'ensemble des difficultés que nous connaissons mais c'est le levier de la réussite. Ce projet exigera que les élèves ne soient pas livrés à eux-mêmes à partir du milieu de l'après-midi et que les inégalités d'accès aux activités éducatives, culturelles ou sportives ne s'en trouvent pas creusées. Donc il y aura à accompagner les élèves dans des activités périscolaires, à développer la pratique culturelle et sportive et à faire l'accompagnement aux devoirs dans l'établissement. Cette réforme de la semaine de 4 jours et demi doit pouvoir être engagée -- je dis bien engagée - dès la rentrée 2013.
Sur ce sujet majeur, l'Etat prend ses responsabilités. Mais il ne peut pas agir seul. Les collectivités locales seront donc associées dans le cadre des projets éducatifs territoriaux et les personnels également mobilisés.
Je veux terminer sur la méthode et sur le calendrier : c'est-à-dire sur le quand et le comment.
Dès jeudi, le ministre de l'Education nationale présidera une session extraordinaire du Conseil supérieur de l'éducation. Il présentera les orientations. Dans les jours qui suivront, des discussions vont être engagées, sous sa responsabilité, en liaison étroite avec le Premier ministre, avec les représentants des personnels, des parents d'élèves et des collectivités locales et le travail interministériel sera à ce moment-là mené pour déboucher sur une loi de programmation et d'orientation qui sera présentée en conseil des ministres avant la fin de l'année. Le temps de la décision est venu et le temps de la concertation n'est pas achevé.
Le choix de recourir à une loi d'orientation et de programmation a un sens. La refondation de l'école ce n'est pas une décision d'une année, ce n'est pas une facilité budgétaire de circonstances, ce n'est pas un choix qui traduirait simplement un engagement électoral. La refondation de l'école, cela doit être une garantie qu'elle ne sera plus une variable d'ajustement selon les variables budgétaires, que même s'il y a des imprévus - et il y en aura sur le plan financier forcément - rien ne devra remettre en cause l'objectif que nous aurons fixé, les réformes que nous aurons engagées.
Nous devons aussi aller vite et je sais l'ampleur des attentes. C'est pourquoi, plusieurs choix seront faits dès 2013.
Le premier, c'est le rétablissement de la formation des maîtres. Ce sera chose faite dans les prochains mois puisque les écoles supérieures du professorat et de l'éducation ouvriront à la rentrée 2013.
Nous n'attendrons pas non plus pour mettre en uvre la priorité donnée au primaire, cette réforme irriguera l'ensemble du système éducatif dans les années à venir.
La rentrée 2013 sera également marquée par l'amélioration des rythmes éducatifs, de l'allongement du temps scolaire, de l'allégement de la journée et de la mise en place du temps éducatif complémentaire.
De même, sans perdre de temps sera mis en place le service public territorialisé de l'orientation, sera lancée l'ambition numérique et une nouvelle gouvernance plus collégiale permettra de réfléchir au programme et d'évaluer notre école.
D'autres chantiers prendront plus de temps. Je pense à la réflexion sur le métier d'enseignant, à la réforme du lycée ou à la construction du parcours éducatif et en particulier la liaison entre école et collège. Mais la loi de programmation sera une étape décisive pour la refondation de l'école.
J'ajoute que les textes, qui seront donc votés prochainement, devront être mis en uvre promptement. J'invite le ministre de l'Education à veiller au suivi des mesures. Une grande ambition peut être gâchée, en tous cas tourmentée, par des détails qui viennent lui nuire et parfois la limiter. Il faut avoir dans ces choses à la fois de grandes idées et aussi la passion des détails.
Mesdames et Messieurs,
Quand je vous parle de l'école, de notre école, je le fais avec respect dû à son histoire, qui est une histoire glorieuse qui se confond, je l'ai dit, avec la République. Je le fais aussi pour ces milliers de dévouements anonymes, de ces hommes et de ces femmes qui ont agi pour nous instruire et qui le font encore, pour tous ceux qui nous ont légué ce bien inestimable qui est notre éducation nationale, et pour tous ceux, enseignants, personnels de l'éducation qui en maintiennent encore l'exigence et la flamme. Je veux au nom de la Nation tout entière, exprimer à tous ces personnels d'hier et d'aujourd'hui, ma reconnaissance et dire à tous ces jeunes qui ont la vocation de servir leur pays en devenant enseignants ou agents de l'école publique, qu'ils seront les bienvenus, qu'ils seront attendus, qu'ils seront utiles au redressement de la France.
Je pense aussi à tous ces enseignants, ces maîtres qui, à un moment dans une classe, ont identifié une jeune fille, un jeune garçon doués de plus de talent que les autres, qui l'ont associé au travail de la classe et qui en même temps ont espéré que celui-ci ou celle-là finissent avec un destin exceptionnel. Et quelle plus grande fierté pour un maître, un enseignant que de savoir que l'un de ses élèves a pu devenir prix Nobel de physique. C'est le cas aujourd'hui pour Serge HAROCHE qui vient d'être récompensé.
Mesdames, Messieurs,
La France traverse une période économique difficile. On ne lui annonce pas des prévisions exceptionnelles et elle n'a pas hérité non plus d'un bilan exceptionnel. Les Français sont donc inquiets, le chômage est en hausse constante depuis 16 mois, la croissance est au ralenti, l'endettement public atteint un niveau record. Quelle est notre mission ? Redresser les comptes publics sûrement, redresser la production nécessairement, mais j'allais dire ce qu'il faut redresser, c'est l'espoir, c'est la conviction que notre pays peut y compris dans ce moment être au meilleur de lui-même. Ma mission, c'est de faire les choix qui répondent à l'urgence, elle est là, elle s'impose à nous, mais c'est aussi de préparer l'avenir. Un avenir qui depuis tant d'années a été sacrifié parce qu'à la dette financière que nous connaissons, s'est ajoutée une dette éducative qui devient une dette morale. J'ai voulu placer la jeunesse au cur de mon mandat en faisant de l'école la priorité de mon quinquennat. Je suis devant vous pour réaffirmer le droit à l'espérance, pour montrer l'horizon, pour définir le but et je vous annonce que la voie la plus rapide pour renouer la promesse républicaine, pour que demain soit meilleur qu'aujourd'hui, la voie la plus rapide, c'est l'école, c'est l'éducation. Le redressement, il exige de la clarté, de la vérité, dire les choses telles qu'elles sont, de la justice dans les choix qu'il convient de faire mais le redressement exige aussi le rassemblement. Il n'y a pas plus beau projet pour rassembler notre pays que l'école du futur, tel est mon cap, tel est le contrat que j'ai passé avec mes concitoyens avec vous. Rien ne m'en détournera parce que si je veux à ce point la réussite de tous les enfants de France, c'est parce qu'ils sont nos enfants et que nous avons des devoirs à leur égard, parce que je veux à travers la réussite des enfants, la réussite de la France tout entière. C'est pourquoi, je crois à l'école, à la République et à la France.
Merci.