Association française pour l’enseignement du français

Rapports

  • 06
    Fev

    Agir contre le décrochage scolaire : alliance éducative et approche pédagogique repensée

    Rapport à Monsieur le ministre de l’Éducation nationale, Madame la ministre déléguée chargée de la réussite éducative, coordonné par Anne Armand, Claude Bisson-Vaivre, et Philippe Lhermet

     

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    "Introduction

    Depuis les années 1990, la question du décrochage scolaire est devenue prioritaire dans nos sociétés. La loi d’orientation de 1989 affirme que nul ne doit quitter l’école sans qualification. La terminologie a évolué et le concept du décrochage s’est imposé progressivement par transfert en France du terme utilisé au Québec. Il est malgré tout intéressant de noter qu’après avoir utilisé ce vocable, le Québec y a substitué celui d’ « abandon » scolaire moins stigmatisant, car moins violent. Aujourd’hui, pour marquer encore plus nettement une orientation politique, on y utilise de plus en plus fréquemment le terme de « persévérance scolaire ». Nous sommes passés ainsi en quelques années d’une approche relativement passive selon laquelle l’élève était principalement responsable de son échec à une approche plus active qui veut prendre en considération, outre les causes extérieures du phénomène, les facteurs internes, propres à la formation initiale. Tous les acteurs de l’école sont toutefois loin de partager cette approche. À coup sûr, le sujet fait débat, renforcé depuis quelque temps par la publication d’une profusion d’ouvrages et essais divers. À y regarder de près, chaque écrit reprend les contenus des précédents ou privilégie une autre entrée pour fonder son développement. Tout n’a sans doute pas été écrit sur ce sujet, mais beaucoup de choses l’ont déjà été. Sur les dix dernières années, la mission a recensé pas moins de cent soixante-cinq préconisations dans le champ des politiques publiques pour venir à bout du phénomène. Ce rapport n’a pas pour ambition ni d’analyser l’effet de ces préconisations ni d’ajouter une réflexion totalement nouvelle dans la multitude des actions en cours, mais il veut contribuer à faire évoluer l’approche de la prévention du décrochage en insistant sur le fait que des responsabilités sont d’abord à trouver et à exercer à l’école et que celle-ci doit collaborer mieux avec d’autres services publics. 

    Le thème de notre mission nous a conduits à focaliser nos réflexions sur la prévention du décrochage scolaire, c'est-à-dire sur les actions qui, à l’école, visent ou tendraient à réduire ce phénomène. Si la lutte contre l’absentéisme est un des éléments de la prévention du décrochage, elle n’est pas la seule. À l’approche administrative qui a longtemps prévalu, notamment dans la lutte contre l’absentéisme, notre conviction est qu’il faut ajouter une démarche pédagogique et éducative globale seule en mesure de porter des fruits durables.

    Tous les pays développés sont confrontés au décrochage, parce que les facteurs externes aux systèmes éducatifs sont présents partout, mais l’intensité du phénomène varie selon les états et notamment en raison des facteurs dits internes, autrement dit de la dimension éducative et pédagogique apportée par le système éducatif lui-même.

    L’Union européenne a adopté une politique commune de réduction du taux des « sorties précoces » dans le cadre de « Europa 2020 ». Elle s’est fixé l’objectif de le réduire progressivement à une moyenne européenne de 10 % en 2020.

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    La France a décidé d’atteindre, à cette échéance, le taux de 9,5 %3. Plus récemment, en 2012, le Président de la République a fixé comme objectif la réduction de moitié des sorties de formation initiale dans les cinq prochaines années.

    Comment faire évoluer nos pratiques actuelles pour atteindre cet objectif, c’est la question qui se trouve au centre de notre présente réflexion.

    Dans une première partie, nous aborderons les fondements de la prévention du décrochage, puis nous traiterons de la connaissance du phénomène dans une deuxième partie. En effet, sur ce point, les définitions divergent suivant les acteurs et une stabilisation s’impose. Dans une troisième partie, nous développerons les réponses de prévention à mettre en place ou à développer dans l’immédiat et dans une quatrième partie les actions à moyen terme à engager pour réduire de manière durable le décrochage.

    Cette trame explique nos choix méthodologiques.

    Les douze inspecteurs généraux qui ont assuré cette mission se sont rendus dans onze académies et ont focalisé leurs démarches sur les dispositifs mis en place dans certains établissements pour prévenir les décrochages. Ils se sont également entretenus avec des élèves décrocheurs, des personnels de direction, des équipes enseignantes et d’éducation, des représentants de collectivités territoriales et du milieu associatif dont les propos ont contribué à apporter une dimension qualitative aux seules données chiffrées. Ils ont également exploité les différents travaux menés parallèlement dans le cadre d’autres missions confiées aux inspections générales et relatifs à des questions qui recoupent fortement le thème. Il s’agit notamment des travaux sur l’échec scolaire, sur l’orientation, sur l’évaluation des élèves, sur la mise en place des réformes récentes de l’enseignement du second cycle ou de l’école primaire.

    Dans le rapport nous utiliserons le terme de décrocheur pour des élèves engagés dans un processus de décrochage afin de les distinguer des décrochés qui ont, du moins momentanément, rompu avec un dispositif de formation. La prévention du décrochage concerne donc ici des décrocheurs ainsi définis."

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    "Conclusion

    Le décrochage scolaire est un processus qui résulte de la combinaison de multiples facteurs externes et internes. Son coût social très élevé, auquel s’ajoute un coût humain non mesurable dans ses effets désastreux, fait de la nécessité absolue de prévenir le décrochage un projet de société fort.

    Si des dispositifs ou des structures tels que les établissements publics d’insertion de la défense (EPIDE) ou les écoles de la deuxième chance concrétisent cette prise de conscience et se placent délibérément à côté des réponses scolaires mais à l’extérieur de notre institution, ils ont aussi un coût et des fonctionnements qui ne peuvent pas être sous-estimés et qui doivent être mis en regard des effectifs qu’ils accueillent et des résultats qu’ils obtiennent. La mission ne s’est pas emparée de cet axe qui mériterait à lui seul une évaluation à part entière compte tenu du fait que ces structures, davantage dédiées au raccrochage, s’inscrivent dans des politiques publiques.

    Ces remarques mettent en avant la nécessité que l’école se mobilise le plus en amont possible dans la scolarité du jeune, pour introduire la prévention du décrochage et la lutte contre l’absentéisme, qui en est le premier symptôme, dans ses orientations fondamentales.

    L’école ne porte pas seule la responsabilité des causes du décrochage, elle ne peut donc pas à elle seule y apporter une réponse. Il lui faut accepter de collaborer avec toutes les institutions qui, chacune dans leur champ de compétences, peuvent et doivent partager les réponses globales à mettre en œuvre pour chaque décrocheur. L’intégration d’alliances éducatives qui ont fait la preuve de leur efficacité s’impose. La redéfinition de la formation dans le cadre de la loi de refondation de l’École de la République est l’occasion d’introduire cette dimension.

    Mais, dans son champ de compétence pédagogique et éducative, l’école doit s’atteler à réviser ce qui est repéré comme conduisant certains élèves à quitter leur formation sans diplôme. Elle doit être attentive aux signaux que l’élève envoie.

    La mise en place récente du système interministériel SIEI permet un vrai progrès dans le repérage des décrocheurs. Il faut désormais passer à une deuxième étape qui est celle de la construction de réponses aux situations rencontrées et de la mesure des effets obtenus. Les expériences diverses effectuées dans des dispositifs doivent être capitalisées et promues sans attendre pour répondre au décrochage de manière efficace.

    Il convient également d’engager des corrections, sinon des réformes de fond, s’agissant de pratiques pédagogiques et de conceptions de l’enseignement qui favorisent et même conduisent au décrochage.

    Aucune réforme de l’enseignement ne devrait être engagée désormais sans qu’elle ne contienne des modalités de prévention du décrochage. L’objectif de réduire à 9,5 % les sortants sans qualification d’ici 2020 peut être atteint, comme peut être atteint celui de diminuer de moitié dans les cinq prochaines années le flux des décrocheurs. Cette politique volontariste doit engager toute la Nation et ne concerne pas seulement l’école et ses partenaires naturels. Elle doit être expliquée à nos équipes pour qu’elles en comprennent les enjeux qui correspondent si bien à leurs valeurs."

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