Association française pour l’enseignement du français

Lycée professionnel

  • 07
    Jan

    Consultation sur les programmes de la voie professionnelle

    Propositions de l’AFEF à l’attention du CSP

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    REMARQUE LIMINAIRE 

    Les horaires d’enseignement général – et singulièrement celui du bloc français-histoire-géographie-EMC - se trouvant réduit significative, il est important d’affirmer très nettement la place du professeur de français (PLP lettres-HG ou langue vivante-lettres) dans les dispositifs pluridisciplinaires et celle des contenus qu’il enseigne.

     

    LA CO-INTERVENTION 

    Faut-il préciser un programme à ce qui est une modalité pédagogique, donc du ressort d’un document d’accompagnement ?

    L’expérience des dispositifs pluridisciplinaires précédents (PPCP, EGLS…) montre qu’une inscription dans un programme donne de la pérennité à une modalité pédagogique qui, dans un système où « une réforme chasse l’autre », tend à passer au second rang, à être moins légitime qu’un enseignement disciplinaire. Ce peut être aussi un moyen de montrer à des enseignants mécontents de voir leur horaire disciplinaire réduit que cette modalité contribue à renforcer leur discipline.

    Il nous semble donc important de trouver un moyen d’identifier dans le programme de français des contenus (linguistique, textuels…) qui trouveront une place pertinente dans la co-intervention. On pourra s’appuyer sur l’exemple des « ateliers rédactionnels » du baccalauréat Gestion-administration où la DGESCO avait réalisé des outils où, à propos de différentes tâches (prendre des notes à partir d’une conversation téléphonique, rédiger un mél de réclamation, par exemple…) des connaissances linguistiques et textuels avaient été identifiés pour y être enseignés.

    Si un bloc du programme intitulé « co-intervention » ne semble pas pertinent, un pictogramme à côté de ces contenus identifiés comme pouvant être enseignés dans le cadre de la co-intervention nous parait intéressante et efficace.

    Par ailleurs nous demandons que le co-enseignement (deux enseignants installés dans une même salle devant un seul groupe d’élèves) ne soit pas systématique : si la co-intervention est un moyen pertinent pour démarrer une situation d’apprentissage (présentation d’une situation problème, formulation d’objectifs…), le professeur de français doit pouvoir revenir à une situation plus classique pour traiter un point précis à caractère linguistique ou textuel.

    Enfin il convient de noter qu’une précision de ces contenus dans le programme sera utile pour la formation des enseignants, en particulier la formation initiale dont ce sera un levier pour préparer les jeunes enseignants à la pluridisciplinarité.

     

    LE « CHEF D’ŒUVRE »

    De notre point de vue cette pratique – au-delà d’une formulation plus ou moins heureuse car elle ne renvoie pas à toutes les filières – relève de la « pédagogie de projet ». En ce sens la contribution du professeur de français à la préparation, la réalisation, la médiatisation du « chef d’œuvre » est indispensable et les PLP d’enseignement général et professionnel ont une longue habitude de ces projets (PPCP, Classe à PAC, EGLS etc.) dont ils ont su faire une pratique efficace pour développer des compétences liées à l’expression écrite et orale de leurs élèves. Si des documents ressources rédigés par les groupes de travail de la DGESCO pourront aider les enseignants dans cette pratique, comme pour la « co-intervention », le repérage dans le programme de français de savoirs ou de compétences (savoir rechercher des informations, savoir rédiger différents textes de présentation, expliquer à l’oral, savoir présenter un travail, une production…) sera utile pour légitimer la participation du professeur de français. Comme pour la co-intervention ce repérage sera un levier pour la formation initiale et continue.

     

    LES COMPETENCES ORALES

    La maitrise de l’oral est fondamentale pour les titulaires de l’enseignement professionnel : le monde économique l’exige de plus en plus, l’évolution professionnelle des salariés et leur vie personnelle aussi. 

    Or, alors que les jeunes issus des familles populaires n’ont pas toujours les codes de la communication orale - du moins celle exigée par la vie professionnelle et sociale – l’oral est peu enseigné, même dans les cours de français.

    Il est donc indispensable de réaffirmer l’importance de cet enseignement pour encourager les enseignants à s’en préoccuper malgré des horaires réduits. Cette importance peut être très mise en valeur dans le programme de deux façons :

    -       en déclinant très précisément en quoi consistent les compétences orales, 

    -       en proposant, pour les développer, des exercices ou des exemples de tâches, en français bien entendu mais surtout  dans les autres disciplines : l’histoire-géographie-EMC en premier lieu mais aussi dans les disciplines professionnelles : la co-intervention et la participation à la réalisation du « chef d’œuvre » tout particulièrement. 

    Cette pratique de l’oral dans ce cadre justifiera la pluridisciplinarité et permettra d’étoffer le temps consacré au développement de ces compétences.

    Mais la meilleure façon d’encourager les enseignants à se préoccuper de l’oral est de les faire participer à son évaluation à l’épreuve certificative du baccalauréat : non pas dans une épreuve spécifique de type oral de l’EAF qui ne correspond ni aux besoins des élèves ni aux pratiques de la voie professionnelle, mais à l’occasion de la soutenance liée au « chef d’œuvre ». Ainsi peut-on légitimer l’implication des enseignants de français dans cette pratique et peut-on montrer aux élèves toute l’importance de cette discipline. 

     

    CONSOLIDATION DES ACQUIS DE LA SCOLARITE OBLIGATOIRE

    Faut-il identifier les savoirs de la scolarité obligatoire à consolider et à approfondir en classe de seconde ? 

    Cela semble difficile tant la voie professionnelle est diverse : diverse dans les filières (quoi de semblable dans les besoins d’un futur menuisier et ceux d’un futur comptable ou d’un auxiliaire de vie ?) et diverse chez les apprenants (âge, itinéraire, statut, scolaire ou apprentis…). Ce qu’il convient de traiter dans les « modules » de consolidation ou d’approfondissement relève davantage des pratiques que des programmes. Pratiques de l’évaluation (où en sont mes élèves ? Que faut-il reprendre avec eux pour qu’ils bénéficient de tel enseignement ?) mais aussi pratiques de différenciation et de diversification : comment revenir sur un savoir grammatical ou textuel déjà appris en amont de la scolarité en donnant du sens à cet apprentissage ? 

    Concernant les modules de terminale (préparation à la vie active VS préparation à l’enseignement supérieur) la distinction est intéressante : on voit bien les écrits ou les outils méthodologiques à enseigner dans l’un ou dans l’autre. Malheureusement l’expérience de l’accompagnement personnalisé en classe terminale montre que les élèves refuseront de choisir et les enseignants de trier. La question des littéracies à maitriser pour poursuivre des études supérieures est à penser. Et il faut avoir en perspective non seulement les attendus de l’enseignement supérieur en matière de langages (notamment oraux) mais aussi les perspectives offertes par la réforme de la formation continue des salariés qui devrait permettre des retours ultérieurs entre métier/entreprise et enseignement supérieur.

     

    LES PROGRAMMES

    Présentation en tableaux (ou en « colonnes »)

    Nous y sommes favorables. Elle permet aux enseignants d’avoir une présentation claire des contenus à enseigner. Par ailleurs cette présentation est habituelle dans la voie professionnelle depuis les programmes de BEP de 1992. Et depuis les années 1980 (avec l’institution de la « délivrance des diplômes par contrôle continu ») la distinction « savoirs/savoir-faire/savoir-être » (ou connaissances, compétences, attitudes) est habituelle. Comme est utilisée dans toutes les disciplines de la voie professionnelle elle facilite la transdisciplinarité et l’évaluation par « champ » ou par compétences, par exemple dans la pédagogie de projet. Enfin si la place du « champ linguistique » se discute, celle du « champ histoire de l’art » est utile dans l’esprit d’un travail en pluridisciplinarité avec les enseignants d’arts appliqués ou du domaine professionnel. 

    Quant à l’évocation dans ces tableaux des « situations d’apprentissage » (qui n’existe pas dans le programme actuel de baccalauréat professionnel mais que l’on a souvent fait figurer depuis les années 1990) elle a l’avantage de donner une représentation claire des tâches à faire réaliser par les élèves. L’inconvénient est que ces situations ou ces tâches deviennent facilement des objectifs d’enseignement… 

     

    Les objets d’étude et les problématiques

    La seule entrée par genre, qui plus est si elle en un ordre strictement chronologique, ne correspond pas aux besoins des élèves. Nous nous interrogeons sur un modèle qui a émergé dans les années 70 et qui reproduit celui de l’enseignement général. À trop vouloir construire des programmes sur le même modèle, on en arrive à ne plus penser la spécificité de l’enseignement professionnel. Les programmes les moins « légitimes » sont toujours calqués sur les modèles les plus légitimes. Depuis les années 90 nous sommes sortis des programmes organisés par thèmes pour entrer par les genres et les discours, avec des dérives formalistes évidentes. Les derniers programmes sont plus problématiques que thématiques. Si certaines « questions » ou problématique peuvent sembler enfermer, tout programme enferme… Et s’interroger sur une grande question, qu’elle soit esthétique, sociale, philosophique…, à travers et des œuvres littéraires ou des discours variés, correspond aux besoins et aux intérêts du public de la voie professionnelle, « grands adolescents » ou jeunes adultes en contact avec l’entreprise, voire salariés (pour les apprentis). Cette organisation facilite par ailleurs la poursuite d’étude en BTS.

    Enfin concernant la nature des œuvres littéraires à aborder (« Peut-on étudier des textes du XVIIIème? ») c’est la finalité, le projet, la résonance avec l’actualité, ce que les élèves vont faire de ces œuvres qu’il faut envisager. Ce n’est pas en termes de contenus programmatiques qu’on peut répondre aux élèves qui demandent à quoi sert d’étudier une œuvre un peu (ou très) éloignée de leur intérêts spontanés, ce qu’on en fait socialement. Les documents d’accompagnement ne disent pas assez comment faire.

     

    Place des contenus d’étude de la langue

    L’identification des contenus de langue à l’intérieur des objets d’étude est artificielle. Si certains phénomènes linguistiques se réfèrent plus précisément à certains discours (connecteurs et argumentation par exemple ou lexique mélioratif/péjoratif et objet d’étude « Des goûts et des couleurs, discutons-en ! ») la plupart peuvent s’enseigner, se préciser à propos de tout genre de texte ou de discours, à propos de tout thème ou de problématique. C’est un enseignement transversal à la discipline « français » mais aussi à d’autres disciplines. 

    Cependant ces contenus ont toujours été délicats à enseigner en lycée professionnel : non seulement les enseignants ont de moins en moins de formation universitaire en sciences du langage (ils sont aujourd’hui majoritairement des « historiens ») mais il leur faut une vraie réflexion didactique et pédagogique pour réussir à reprendre avec des élèves de baccalauréat issus d’une 3èmede collège (c’est moins vrai en CAP) des savoirs déjà largement enseignés antérieurement en leur donnant du sens. Il conviendra donc que les documents d’accompagnement expliquent pourquoi ces savoirs ont été retirés de la « colonne » objets d’étude et comment on peut les enseigner. Sinon on risque de donner l’impression que leur « indépendance » programmatique entraine des leçons de grammaire déconnectées de tout objectif de lecture ou d’écriture. 

    Les élèves connaissent très bien les enjeux sociaux de la langue, d’un lexique précis (en enseignement professionnel l’approximation lexicale ne pardonne pas !) et ils ont bien le souci de convoquer la langue en fonction des situations, même des situations de classe. Là aussi la situation de communication (entreprise, co-intervention à l’atelier…) contribue à construire ces compétences langagières, sans censure de la part des professeurs, en s’appuyant sur leur lexique, leur structures syntaxiques, pour les aider à être plus justes, plus précis.

     

    Que manquerait-il dans les programmes actuels ?

    Pour l’AFEF manque la présence des textes fonctionnels, documentaires ou des textes d’entreprises. Comment les insérer dans un programme largement centré sur des œuvres littéraires ? L’entrée par les compétences (par exemple « faire une recherche pour illustrer un thème une question… ») peut être une solution.

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