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    CONFÉRENCE-DÉBAT AUTOUR DU LIVRE DE ROGER FRANÇOIS GAUTHIER

    Organisée par l’Institut de recherches, d’études, et d’animation du SGEN-CFDT à la Bourse du Travail de Paris le 19 novembre 2014

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    CONFÉRENCE-DÉBAT AUTOUR DU LIVRE DE ROGER FRANÇOIS GAUTHIER[1]

     

    Organisée par l’Institut de recherches, d’études, et d’animation du SGEN-CFDT à la Bourse du Travail le 19 novembre 2014

     

    M. R-F Gauthier, Inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, est aussi membre du Conseil supérieur des programmes.

    Dans cet ouvrage qu’il présente, il défend l’idée que l’on doit se poser la question des contenus d’enseignement. Cet ouvrage vient après d’autres études qu’il a produites depuis des années sur la question, en particulier pour l’OCDE. Il a également dirigé un numéro de la revue du CIEP : Revue internationale d’éducation sur « le curriculum dans les politiques éducatives » (n°56, 2011).

     

    Il constate que le débat ne vient pas facilement sur ce thème en France, la tendance étant à faire comme si cela allait de soi, que les contenus n’aient pas être discutés. Ainsi, lors de la réforme du collège en 1975, aucune réforme des contenus n’a été opérée. De même au sujet du baccalauréat, aucun débat n’est ouvert sur ce que doit être un bachelier.

    Cette question est pourtant centrale si l’on entend réellement contribuer à lutter contre les inégalités.

    Une seule exception à cette absence de prise en compte au niveau politique de la question des contenus : le Socle commun. La commission Thélot a réussi à faire passer  le Socle par la voie législative, il y a donc eu un début de prise en compte au niveau politique. Mais avec quelle implication ? 9 ans plus tard, il est permis de douter. Le Socle a peu circulé, est peu connu du « grand public » et a été très vite caricaturé en « minimum culturel ».

    A l’heure actuelle, le socle est en redéfinition, mais le travail d’explication et de débat politique n’a pas (encore ?) eu lieu.

    Il est habituel de dire que l’école française fonctionne assez bien pour 50% des élèves, mais est-ce vraiment le cas ?

    Beaucoup de parents entendent, légitimement, que leurs enfants soient dans ces 50%. Ils ignorent le plus souvent ce que recouvre un « livret de compétences », l’admettent si on explique mais veulent la réussite maximale pour leurs enfants. ET ne comprennent donc pas l’idée d’un « socle ».

    Si l’on se centre sur les élèves qui ont des difficultés à acquérir les compétences au collège, on écarte les autres. Comment faire ?

    La question autour des savoirs scolaires est centrale, elle concerne tous les élèves, pas seulement les plus faibles ;

    Certains prétendent que l’école est inutile, les savoirs étant disponibles ailleurs. Mais pour R-F Gauthier, l’école n’a pas que ce rôle de « transmission » de savoirs : l’école doit aussi permettre à tous de mieux vivre ensemble, d’acquérir les notions liées à la citoyenneté et aux valeurs de la République. Il constate que même dans des pays où le système scolaire a toujours été très sélectif  (Singapour par exemple) la question de l’échec scolaire est maintenant posée.

     

    R-F Gauthier développe ensuite plusieurs questions et réflexions :

    - Si on demande dans la rue à quoi sert l’école, on répondra sur la « transmission ». Mais on n’a jamais « transmis », on a toujours réinterprété, adapté et évolué, sinon on en serait encore au silex taillé ! Du passé, on retient certains points, mais lesquels ? Pourquoi ?

    - Comme le disent certains, les savoirs sont disponibles d’un clic, donc l’autorité scolaire n’aurait pas à décider. On peut effectivement se poser la question de savoir quelle liberté laisser aux élèves et au système pour se déterminer par rapport à la culture, aux habitudes, aux croyances, aux connaissances propres à chacun et aux familles. Dans une « société de la connaissance », la question des savoirs scolaires est importante, mais la question de la place de la conscience et de la signification pour l’homme reste posée. Et reste relative.

    - Définir les savoirs scolaires impose également de se poser la question de la vérité. On vise un certain état de vérité et une manière d’y accéder, il faut séparer cet état des notions issues des croyances et des religions.

    - La question du rapport au savoir et de la nation doit également être posée. Elle l’a été avant 1914 avec une réponse quasi-unanime (sur certains points au moins), mais où en est-on maintenant ? Tous les pays écrivent et réécrivent leur histoire, mais cette vision de l’histoire doit être discutée.

    - Entre – n’ayons pas peur des mots – les savoirs mondiaux et l’élève, il y a un gouffre, qu’il faudrait prendre en compte ; il est nécessaire d’aider les élèves à se repérer dans la complexité du monde ;

    - La question des disciplines scolaires se pose bien évidemment. On sait depuis longtemps que ce sont des constructions qui s’expliquent par l’histoire, que nos voisins n’ont pas nécessairement les mêmes répartitions, mais la formation initiale des enseignants ne traite pas de l’épistémologie des disciplines, et pas de manière critique quand c’est fait ;

    - On a en France davantage l’habitude des « savoirs savants » que de « savoirs d’action », or il faut apprendre à débattre pour décider. Mais se pose également la question de la part de savoirs que l’on laisse à la porte de l’école, à la détermination des familles et de leurs croyances, comme aux USA où cette part est très importante ;

    - D’ailleurs, le terme de culture renvoie à quoi exactement ? étymologiquement, il s’agit d’agir en fonction de certains savoirs : que peuvent faire les élèves dans la cité de manière plus éclairée avec ces savoirs ?

     

    Après toutes ces questions et pistes de réflexion, RF Gauthier propose quelques notions et évolutions, qui font l’objet d’une large part de la discussion avec la salle :

     

    - Les savoirs enseignés doivent être des savoirs efficaces, responsables, qui apportent quelque chose, maintenant, qui doivent être responsables devant la société en fonction des exigences du politique, et aussi devant l’humanité entière, actrice de l’évolution de la connaissance, pour aller vers davantage de solidarité ;

    - L’évaluation a une place prépondérante, pour permettre d’orienter ensuite vers les savoirs  et les compétences d’action ;

    - Les contenus scolaires doivent être discutés et réinventés en dépassant le seul niveau quantitatif : quand on parle de 80% d’une classe d’âge au niveau du bac, que veut-on que ces enfants sachent ? Il faudrait faire sauter la notion de filière en lycée.  Par exemple, quand on parle de filière littéraire à l’étranger, c’est compliqué à expliquer sans refaire toute l’histoire du système éducatif français ! Cette proposition fait l’objet d’un chapitre dans le livre. Certains pays ont mis en place des équivalents du baccalauréat avec quatre à six disciplines évaluées, choisies par les élèves, dont l’enseignement a été renforcé, et non douze comme en France (sans parler des options !). On a admis depuis longtemps que l’on pouvait passer de troisième en seconde sans avoir le brevet des collèges, alors pourquoi s’arquer sur le bac ? En fait, comme tout le monde l’a ou l’aura, l’essentiel est ailleurs : dans les mentions et les notes du livret scolaire pour permettre d’aller en classe préparatoire. Ce qui ne bénéficie qu’à certains.

    - L’introduction de la notion du curriculum dans la redéfinition du socle est une grande visée politique, mais les classes dirigeantes politiques ne la comprennent pas, ne peuvent pas se l’approprier. Des débats et des explications sont nécessaires, vis à vis de ces classes dirigeantes comme de toute la population ; les médias ont également leur rôle à jouer, pour traiter les vraies questions et non seulement les faits divers de l’école ;

    - La nouvelle formule du socle doit également être ouverte et plus explicite sur certains points comme l’oral ou le travail collectif ;

    - La notion de programme national doit également être interrogée : est-il vrai que l’on enseigne partout la même chose ? Bien sûr que non, il y a bien des disparités d’un lieu à un autre mais cette réalité est cachée, non dite. Peut-on laisser davantage de liberté, de manière ouverte et claire, aux acteurs locaux, enseignants et élèves, en fonction de l’environnement, des gouts des élèves et des enseignants… ?

    - La notion de compétence doit également être clairement posée et discutée, à commencer par sa définition. L’histoire culturelle et scolaire française explique que l’on se soit senti obligé en France, de parler de « compétences et connaissances » pour le socle commun en 2005 et même d’y ajouter « culture » dans la loi de 2013, ce qui parait bien ridicule dans de nombreux pays.

    Sur ces dernières notions, RF Gauthier renvoie à JC Forquin, en particulier à sa « sociologie du curriculum » (Rennes, PUR, 2008).

     

    (compte rendu rédigé par Gérard Malbosc)



    [1]« CE QUE L’ÉCOLE DEVRAIT ENSEIGNER – POUR UNE RÉVOLUTION DE LA POLITIQUE SCOLAIRE EN FRANCE » DUNOD, 2014

1 Commentaire

  • WITTERSHEIM

    05 Dec 2014 à 19:17

    Un grand merci à Gérard pour cette restitution, une belle synthèse. Je reconnais bien là l'inspecteur de l'éducation nationale, passionné par son métier. Tout à fait d'accord avec cette analyse du "socle" et de ces innombrables filières au lycée qui ne font plus forcément sens aujourd'hui.
    Merci à vous !

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