Association française pour l’enseignement du français

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  • 04
    Nov

    Compte-rendu des Assises de la Pédagogie du CRAP - 20 octobre 2014

    Le changement, c’est maintenu ?

    Assises de la pédagogie organisées par le CRAP-Cahiers pédagogiques le 21 octobre 2014 à Paris

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    Compte-rendu de la table ronde animée par Philippe Pradel avec l’AFEV, l’ ICEM, Françoise Lantheaume (chercheure) et Florence Castincaud.

    Qu'est-ce qui a changé ou pas?
    Au niveau éducatif?
    La représentante de l’AFEV fait part d’une enquête révélatrice de la panne sociale dans ce domaine.  En ce qui concerne les loisirs éducatifs – aller en vacances, à des spectacles, l’accès à la lecture... 10 à 15% des enfants sont totalement dépourvus. Il en va de même pour le suivi des devoirs.
    Paradoxalement, l’AFEV s’alerte de ce que les enfants de  ZEP, qui ont plutôt un bon vécu par rapport à l’école, entrent "la fleur au fusil" au collège alors que les enfants des milieux aisés en mesurent les enjeux. Ce sont les enfants de milieu populaire qui paient au prix fort la conception du collège sur le modèle du petit lycée et l’absence d'engagement pour la réduction des difficultés du fait que pour une moitié des élèves tout va très bien.
    Enfin elle souligne qu’il faudrait que l'école repense concrètement la relation aux familles (horaires des réunions par exemple) et définisse mieux ses attendus par rapport à elles.

    Dans l'exercice du métier enseignant ?
    F. Lantheaume rapporte qu’une enquête récente montre des enseignants très désorientés, situation à relier aux aléas politiques et à des réformes qui amènent à interroger ce qu'est une institution ; la réforme des rythmes brouille les territoires en instaurant un partage de l'espace scolaire, générant des tensions entre des logiques professionnelles différentes. Les identités sont également ébranlées par la proportion en hausse des précaires et des intervenants ainsi que par la nécessité de négociations. Cette désorientation est un obstacle au débat.
    D’autre part l'innovation, devenue norme, renormalise le travail en posant comme principe premier que le changement en soi est bon, que c'est l'organisateur du travail, ce qui constitue aussi un obstacle pour se poser pour réfléchir et débattre.
    La formation continue est réduite à la portion congrue alors que, pour les plus anciens, on constate un besoin énorme de ressources issues de la recherche ce qui impose de penser les liens entre formation / recherche / pratique et alors qu’elle serait aussi utile contre les modes et lobbies autour desquels on essaie de structurer la recherche en éducation.
    Enfin un obstacle au changement démocratique réside dans les arbitrages politiques : 30% du budget de l’éducation va aux classes préparatoires et aux  grandes écoles : l’éducation prioritaire ne l’est que de nom.

    Dans la pédagogie ?

    La représentante de l’ICEM constate qu’après près d'un siècle d'expérimentation par des pédagogues, il y a bien peu de changements et qu’il est ardu de promouvoir une pédagogie de la coopération à l'heure du pacte de compétitivité. Elle fonde toutefois des espoirs sur deux types de clés : la bienveillance d’abord, fondée sur la valorisation de l’épanouissement personnel, que les pédagogues peuvent orienter vers la coopération et l’échange de savoirs à travers la valorisation de tous les talents et, d’autre part, les projets qui peuvent sous-tendre des moments de parole institués, modifier le statut de l'erreur...


    Autour de la transition école- collège, de l’école du socle et de la transdisciplinarité
    Se voulant résolument optimiste, Florence Castincaud, directrice de publication des Cahiers pédagogiques, fait observer que le socle commun entraine de plus en plus de réflexion collective et qu’il en va de même de l’arrivée au collège d'élèves qui devraient être en ULIS ou en SEGPA et que, même s’ils se sentent en difficulté, les enseignants ont à cœur d’accueillir avec le meilleur de leur professionnalisme. Elle souligne que le collège a des progrès à faire sur les rythmes des apprentissages, la vigilance sur les petits décrochages de 6ème, la réflexion sur quels oraux, quels écrits... Face à la problématique de l’inadéquation entre le temps disponible pour l’enseignement-apprentissage et la masse des prescriptions elle invite enseignants et équipes à travailler à distinguer l'essentiel de l'accessoire dans ce qui est demandé, en mettant en œuvre ce qu’Astolfi nommait "la pédagogie du sablier" : quels sont les 2 ou 3 progrès attendus lors de chaque séquence, cela dégage du temps et de l'espace pour les apprentissages.

    Les questions ont permis aux participants de préciser quelques points.
    1- F. Lantheaume distingue l’accompagnement tout au long de la carrière en vue d’un développement professionnel continu, de l'encadrement bureaucratique qui serait voué à l'échec. Cet accompagnement doit prendre appui sur les compétences des enseignants, leur créativité et leur apporte un réseau (inspection, formateurs académiques...).

    2- Le rôle des chefs d'établissement consiste en une sorte de traduction entre prescription et milieu local.

    3- En ce qui concerne la relation avec les autres éducateurs, les parents), F. Lantheaume remarque que la question des rythmes a paradoxalement appauvri les projets éducatifs territoriaux et locaux. Au niveau du collège il faudrait faire de la relation aux parents une question professionnelle et non interindividuelle.

    4- Egalement interrogée sur le système d'évaluation, F. Lantheaume préconise de remplacer l’évaluation par la valorisation du chemin parcouru. En ce qui concerne l’évaluation des enseignants, elle participe de la reconnaissance. Elle repose sur trois pieds : la hiérarchie, les collègues et enfin les élèves et leurs parents. Le deux premiers étant défaillants, les enseignants se tournent vers élèves et parents, même si ceux-ci ne peuvent tout apprécier de la qualité du travail professionnel. De ce fait, ils se mesurent à l'idéal ce qui génère doute et dévalorisation renforcés par les discours et évaluations officielles, les enseignants vivant comme un échec professionnel les piètres résultats de leur institution.

    Il faudrait, dit-elle, MOINS PRESCRIRE L’IDEAL ET MIEUX SOUTENIR LE PRÉSENT.

     

    Dominique Seghetchian

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