Association française pour l’enseignement du français

Notes de lecture

  • 07
    Jan

    Anthologie de la littérature contemporaine française. Romans et récits depuis 1980

    Dominique VIART. Armand colin - SCEREN-CNDP. Note de lecture de Viviane Youx

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    Anthologie de la littérature contemporaine française – Romans et récits depuis 1980, Dominique VIART, Armand Colin – SCÉREN-CNDP, octobre 2013 (296 pages)

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            Note de lecture de Viviane Youx

     

    Difficile entreprise que celle de Dominique Viart : réaliser une "Anthologie de la littérature contemporaine française", qu'il a certes restreinte en la limitant aux "Romans et récits depuis 1980", mais qui suppose des justifications qu'il développe dans son introduction "Quand la littérature se réinvente…". La justification, d'abord, de ses choix qui distinguent la littérature de la "production livresque" de notre temps ; mais la distinction est difficile, tant le critère de notoriété populaire est difficile à manier, de grands auteurs contemporains sont aussi populaires, alors que des écritures plus difficiles ne sont pas toujours un gage de postérité. La question de la délimitation "littérature française" interpelle aussi le lecteur, et l'auteur la justifie par sa propre incapacité et par l’impossibilité matérielle d'écrire une anthologie de littérature francophone. S'il introduit des noms aux consonances étrangères, c'est qu'il s'agit d'écrivains devenus français, dans un pays dont il ouvre très légèrement les dimensions hexagonales. Il pose aussi la question de la délimitation du champ, le restreignant à la littérature narrative, roman et récit, même si la catégorie "récit", énorme, reste bien difficile à contenir, ainsi que celle de la périodisation, qui va être reprise dans l'organisation générale de l'ouvrage, repérant un "tournant des années 1975-1984", comme celui de "la dernière mutation esthétique d'importance" "lorsqu'après s'être consacrée, pendant près de trois décennies, à une exploration formelle de ses possibilités, la littérature s'est à nouveau tournée vers le monde."

     

    À partir de ce tournant de la fin des années soixante-dix, l'ouvrage s'organise en trois parties qui cernent trois séquences d'une évolution en marche.

    -       Une première : "Inflexions des œuvres modernes", rassemble des auteurs dont les œuvres étaient déjà commencées dans les décennies précédentes ; mais, qui "connaissent, au passage des années 1970 aux années 1980, une inflexion qui les réoriente, dans la fidélité à eux-mêmes et la prise en compte de nouveaux enjeux." Parmi ces enjeux : "l'écriture de soi", "un profond souci de l'Histoire", "le gout pour des constructions romanesques", alors que perdure "la part réflexive des textes". Le choix des auteurs, dont les pages retenues s'étendent de 1975 (Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes) à 2007 (Modiano, Dans le Café de la jeunesse perdue), s'il privilégie encore largement des héritiers des esthétiques des années soixante, ouvre aussi l'espace à de grands narrateurs, Le Clézio, Kundera, Modiano, Tournier, Glissant…

    -       "Inventions de formes et enjeux contemporains", dans cette partie centrale rassemble les auteurs qui tiennent une place dominante dans ce tournant littéraire : sortant "des esthétiques de la rupture [qui] laissaient profondément impensées les questions historiques et le legs d'un XXème siècle particulièrement violent", ils "souhaitent au contraire pouvoir à nouveau parler de l'Histoire, de l'homme dans le monde." S'appuyant sur la littérature qui les a nourris, ils redécouvrent des formes romanesques qui leur permettent à la fois d'élucider leur propre histoire et leur place dans l'Histoire. Se distinguant des "héritiers" au sens bourdieusien, ils racontent des générations muettes, mais ils disent aussi le monde du travail, du quotidien, des guerres, de la maladie, de la noirceur humaine… De 1982 à 2012, ces œuvres jalonnent les grandes voies de la création romanesque, de Pierre Bergounioux à Antoine Volodine, de François Bon à Jean-Philippe Toussaint… selon l'ordre alphabétique choisi par l'auteur.

    -       La troisième partie "Innovations et libres variations" ne marque pas de changement fondamental avec la précédente, si ce n'est que les auteurs retenus, qui continuent à se nourrir de leurs prédécesseurs lointains ou proches, vont aussi puiser des influences plus lointaines, géographiques, mais aussi cinématographiques. Leur liberté de ton est plus grande, voire provocatrice, notamment chez Houellebecq, Jauffret, Darrieusecq. Leurs thèmes se renouvèlent en même temps que les sociétés et frontières s'ouvrent. Le pari est difficile de capter une littérature en train de s'écrire, dont certains noms sont inconnus alors que d'autres font la une des journaux, de Pierre Alféri à Martin Winckler pour s’en tenir, là encore, à l'ordre alphabétique.

     

    Que faire d'une anthologie comme celle que nous propose Dominique Viart ? C'est à la fois un objet précieux, qui, sous une couverture argentée, nous offre un très grand nombre d'extraits d'une page, calibrage volontairement identique pour tous ; et une source de joies vite suivies de frustrations : jeté à cors perdu dans cet ouvrage, un lecteur assidu et au fait de la production romanesque de ces trente dernière années ne manquera pas de s'étonner : pourquoi a-t-il choisi un-e tel-le et non un-e tel-le ? Pourquoi a-t-il continué à privilégier des auteurs comme Georges Pérec qui a droit à deux extraits, alors que Jonathan Littell est absent ? Pourquoi ne préfère-t-il pas, chez Thierry Beinsteingel, un extrait de Ils désertent (2012), chez Mathias Enard, un extrait de Rue des voleurs (2012), plus accessible que Zone ? Pourquoi certains romanciers majeurs de ces dernières années n'ont-ils pas leur place, Andrei Makhine, Jean-Christophe Rufin, Jérôme Ferrari, Jeanne Benameur… ?

    Il nous invite à remplir les pages blanches qui suivent. Une idée de travail à mener en classe… Où il serait intéressant de comparer la table des matières de cet ouvrage avec les candidats et lauréats des prix littéraires de ces dernières années, et avec des statistiques de vente en librairie, ou de lecture en bibliothèque. Tous les auteurs plébiscités par les lecteurs à un moment en resteraient exclus car vite oubliés, mais certains, bien que populaires, pourraient y trouver une petite place.

     

    Présentation sur le site de l'éditeur

     

    Table des matières

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