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  • 03
    Oct

    Roland Goigoux répond à Céline Alvarez : « Beaucoup de choses présentées comme nouvelles par Céline Alvarez ne le sont pas »

    LE MONDE IDEES | 29.09.2016 - Propos recueillis par Luc Cédelle

    "Dans les milieux enseignants, on parle beaucoup, depuis la rentrée, du livre de Céline Alvarez, Les Lois naturelles de l’enfant (Les Arènes, 464 pages, 22 euros). Pendant trois ans, dans une maternelle située en ZEP, à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), cette jeune institutrice a testé sur une même classe une méthode pédagogique fondée sur les principes Montessori et sur l’apport des neurosciences." 

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    Lire quelques extraits :

    Céline Alvarez promet une « révolution de l’éducation ». Qu’en dites-vous ?

    Que beaucoup de choses présentées comme nouvelles ne le sont pas, mais que la transformation proposée de la forme scolaire bouleverserait en effet l’organisation de l’école maternelle.

    La philosophie générale du propos est une sorte de synthèse entre une pédagogie dite « naturelle » – censée être déterminée par le potentiel cérébral des enfants – et une pédagogie qu’on pourrait dire « révélée », au sens de « fondée sur l’amour ». Malgré une référence constante aux neurosciences, ce livre est saturé de mysticisme et de croyance dans la bonté naturelle de l’humain.

    L’auteure emprunte beaucoup au dalaï-lama, et on n’est pas très loin de la quête par Thomas d’Aquin d’une harmonie entre foi et raison. La différence est que le saint cherchait encore la vérité, alors que Céline Alvarez l’a trouvée. Il ne lui reste plus qu’à aider, je cite, « l’être humain à révéler sa belle et lumineuse nature »

    Néanmoins, elle se prévaut de résultats « extraordinaires », notamment en écriture et en lecture, lors des trois années passées, jusqu’en juin 2014, dans sa classe de maternelle. Cela vous paraît-il crédible ?

    Je dois faire deux réponses distinctes. Oui, il est possible qu’elle ait obtenu des résultats très positifs, car ce qui est décrit dans son livre et à travers les vidéos de son site Web est cohérent avec ce que l’on sait des conditions favorables aux apprentissages des jeunes enfants. Et non, je n’en sais rien, car l’administration de la preuve n’a pas été faite.

    On ne peut pas se prévaloir de résultats généralisables à l’issue d’une expérience aussi singulière, réalisée une seule fois et avec aussi peu d’élèves. Est-ce la technique pédagogique qui a fait la différence ou les conditions extraordinaires réunies par les deux personnes impliquées – car il y avait une maîtresse bis – dans la classe ? 

    (...)

    Peut-on analyser toutes les acquisitions de connaissances par le biais de la plasticité cérébrale et du « câblage » du cerveau, ce qui est le leitmotiv du livre ?

    Les neurosciences montrent que tout apprentissage nouveau conduit à une réorganisation neuronale. Céline Alvarez le sait, mais elle recourt aussi à l’idée de « câblage » pour répéter que les enfants sont programmés pour apprendre, et surtout que l’école s’acharne à les en empêcher.

    Pour mieux valoriser son expérience, elle incrimine l’école publique et fait passer ses ex-collègues pour des victimes ou des ignorants. Les neurosciences permettent de mieux comprendre pourquoi les vieilles intuitions des pédagogues étaient fondées et pourquoi les options systématisées par Céline Alvarez marchent : l’engagement actif des enfants dans les tâches, la centration de leur attention sur un petit nombre d’informations à la fois, etc. Ce sont ces conditions que toutes les pédagogies devraient chercher à réunir. C’est déjà le cas dans de nombreuses classes, même si Céline Alvarez semble l’ignorer. 

    (...)

    Et où en est-on sur l’opportunité d’enseigner la lecture dès la maternelle, ce qui est suggéré par l’expérience de Céline Alvarez ?

    Il est établi que si l’on enseigne plus tôt la lecture, une partie non négligeable des enfants y parvient, ce qui fait plaisir à beaucoup de parents. Mais seront-ils meilleurs lecteurs quelques années plus tard ? Des études ont conclu qu’il n’y avait pas de différence dans la durée, mais il n’y a pas, pour l’instant, de données vraiment probantes, ni d’arguments décisifs dans un sens ou dans l’autre. Et le risque d’accentuer ainsi l’hétérogénéité des classes dans une école à deux vitesses doit aussi être pris en compte. C’est sans doute pourquoi, par exemple, l’enseignement de la lecture aux Etats- Unis, comme dans d’autres systèmes éducatifs, ne commence qu’à 7 ans. 

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