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    Problématique de la rencontre-débat : Écrire : l’enseigner et l’apprendre ?

    19 janvier 2013 14h-17h30 - 34 avenue Reille Paris 14°

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    Rencontre-débat de l’AFEF
    Samedi 19 janvier 2013 14h-17h30
    Association Reille  - 34 avenue Reille 75014 PARIS

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    Écrire : l’enseigner et l’apprendre ? 

     

    On rapporte que Wittgenstein, face aux demandes réitérées de ses étudiants, désemparés devant leurs difficultés à écrire, ne proposait obstinément que cet unique mode d’emploi : « Écrivez ! ». Écrire, donc, n’est pas facile et écrire, donc, s’apprend par la pratique. À condition que quelqu’un, réel ou figuré, autorise cette pratique, c’est-à-dire lise et entende ce qui s’écrit. À condition qu’il soit en mesure de comprendre qu’un échec apparent, une page blanche ou incompréhensible, n’est pas toujours à interpréter comme le signe d’une difficulté mais au contraire comme la trace que quelque chose de l’écriture travaille le scripteur même balbutiant. Écrire n’est pas facile et faire écrire ne l’est pas davantage. Ce préalable est sans doute nécessaire pour interpréter en partie les constats qui nous sont renvoyés de ce qui se passe dans nos classes, à travers par exemple les rapports de l’Inspection Générale qui soulignent de manière insistante la trop grande rareté de la pratique de l’écrit à l’école, notamment en cours de français. Préalable nécessaire aussi pour mettre en perspective les différents questionnements qui seront développés lors de la rencontre que l’AFEF organise le 19 janvier prochain sur l’enseignement-apprentissage de l’écrit(-ure).

      

    Qu’écrit-on en cours de français ? Pourquoi et pour quoi faire ? Ces questions, au centre de sa pratique, interpellent quotidiennement l’enseignant de français sur les situations qu’il devrait, ou pourrait mettre en place pour aider ses élèves à entrer dans l’écrit et devenir des scripteurs investis et autonomes.

     

    Le laboratoire d’idées réuni par l’AFEF le 17 novembre dernier a tenté, à partir des expériences professionnelles des participants, d’appréhender la complexité des enjeux de l’enseignement-apprentissage de l’écrit. De ces échanges ont émergé plusieurs lignes de questionnement :  

     

    -       Des apprentissages inscrits dans une temporalité : des rythmes et temps nécessaires à l'élaboration de pratiques d'écriture.S’éprouver à l’écriture comme processus passe par une expérience nécessaire du différé, de la reprise qui n’est pas répétition du même, avec parfois une vacance laissée entre deux jets pour qu’un décentrement soit possible. Il apparait que plus les élèves sont en difficulté, moins ils ont tendance à imaginer et à supporter qu’apprendre puisse prendre du temps et emprunter des chemins qui ne soient pas dictés d’avance : « Savoir, oui ; apprendre et penser, non »[1]. Comment rendre alors nécessaire à leurs yeux qu’écrire, c’est réécrire? Quels dispositifs élaborer qui rendent possible et supportable ce geste de réécriture ? Que mettre en place entre deux jets d’écrit pour aider à relire le premier avec un autre regard et le reconfigurer? Le système scolaire, peu enclin à cette temporalité dépliée, a ouvert une brèche en lycée professionnel où l’on peut dire que l’écriture longue, dans le cadre de l’obtention du CAP, est institutionnalisée en tant que telle. Ce travail, évalué en en cours de formation, suppose des étapes successives de réflexivité et de réécriture sur plusieurs semaines. Et cette expérience mérite d’être observée dans ses conséquences sur les compétences et l’investissement des élèves par rapport à l’écrit.

     

    -       Le rapport aux normes linguistiques : les programmes du premier et second degré, mis en place en 2008, assignent fortement à la pratique de l’écrit l’objectif d’un bien-écrire orienté surtout dans le sens d’une conformité aux normes de la langue. Si on ne méconnait pas qu’un des rôles de l’école est soumis à cette dimension, comment faire pour que les élèves s’autorisent cependant, en phase d’apprentissage, à opérer des cheminements dans la pratique de l’écrit qui ne soient pas seulement évalués sous l’angle de la correction de la langue ? Comment gérer sereinement ce rapport aux normes et ne pas confondre, dans leur nature comme dans leur mise en œuvre, opérations de réécriture et de révision, en rabattant les unes sur les autres ? 

     

    -       S’auteuriser. Quelle(s) conception(s) du sujet scripteur sont à l’œuvre dans les modèles didactiques de l’enseignement de l’écriture qui, implicitement ou explicitement, imprègnent le quotidien du cours de français ? Texte libre ou expression écrite d’un côté, rédaction ou production écrite de l’autre, on voit bien, à travers ce rapide survol diachronique des différentes désignations de l’activité d’écriture en cours de français, comment on oscille sans cesse entre deux pôles, entre l’instance qui produit ou l’objet produit, avec l’éternel retour de ce qui est nommé (mais pas toujours défini) « sujet », envisagé comme brimé par le formatage et le technicisme scolaires. Comment penser alors des situations d’écriture en tentant de dépasser cette dichotomie entre un écrit scolaire assigné à l’ennui, une absence d’enjeux et la seule conformité aux normes, et un écrit supposé plus véritable parce que permettant à une subjectivité de s’y exprimer ? Concernant le scripteur, ne gagnerait-on pas à essayer de définir d’un peu plus près ce qu’on entend par « sujet », qui ne se confond pas avec le « moi » ?

    Comment dès lors, par des situations d’écriture, solliciter et former cette figure du sujet scripteur tout autant comme un déjà-là que comme un à-venir ? Comment passer du paradigme de l’expression à celui de la transformation ou de la refiguration ? Passage que Clara, élève de 4ème, analyse très bien dans son journal intime :

    Ce soir, je suis hypercontente ! Ça y est ! J’ai enfin compris ce que la prof veut dans les rédacs ! Faut pas raconter sa vie comme je fais là dans ce journal. Faut S’EN SERVIR (= le TRUC !!) pour faire le devoir ![2]

    Cette question n’est pas anodine, tant il est vrai que du côté des élèves, elle peut        s’avérer source de malentendus quant à ce qui réellement attendu et valorisé à l’école, aussi bien en termes d’écrits à produire que de postures à adopter dans l’écrit. Les recherches récentes sur les littératies universitaires font comprendre à quel point ces malentendus, en prenant des formes spécifiques, relatives aux genres universitaires d’écrits attendus et aux postures qui leur sont relatives, peuvent se manifester encore à ce niveau de la scolarité.

     

    -        Écrire, une compétence ? Cette question de la lisibilité des attentes scolaires et de la formation du sujet scolaire est relancée par prescriptions institutionnelles nouvelles qui promeuvent une approche de l’enseignement-apprentissage fondée sur la notion de « compétence ». On a pu voir, dans les débats occasionnés par la mise en place du Socle commun de connaissances et de compétences, à quel point l’introduction de cette notion a permis de réinterroger le vif des questions. Concernant notre objet, quels cadres de pensée et d’action se donner pour élaborer une voie qui ne soit ni celle de l’écriture conçue comme algorithme  et produit d’une série d’actions taylorisées, ni celle d’une activité dont l’effectuation serait soumise au seul registre du don ou de l’aléa, qui ne pourrait donc être l’objet ni d’un développement ni d’une instrumentation, donc d’un enseignement ?[3]

     

    -       Des usages personnels de l'écriture pour penser, réfléchir, analyser. Permettre aux élèves de développer un rapport à l’écrit, c’est aussi les confronter à des usages qui ne conduisent pas seulement à produire un texte fini, référé à un genre, mais aussi à expérimenter les pouvoirs de l’écrit pour « penser un stylo à la main »[4]. Il s’agit là d’un usage de l’écrit que l’école commence à prendre en compte et qui s’avère d’une grande importance pour que les élèves se constituent une pratique personnelle de l’écrit tout en développant leurs aptitudes à réfléchir, à conceptualiser  Comment le professeur de français peut-il promouvoir  et accompagner les élèves dans cette pratique ?

     

    -       Une amorce de questions posées par les utilisations du numérique pour écrire. Quelles perspectives sont ouvertes par rapport à l’enseignement-apprentissage de l’écriture? En quoi est-on notamment conduit à (ré-)interroger les rapports entre outil, geste et activité aussi bien graphiques que mentaux ? Ces questions, que nous n’aborderons pas directement dans la mesure où une rencontre ultérieure est prévue sur cette problématique, émailleront cependant probablement les débats.  

     

    C’est donc à notre rencontre-débat du 19 janvier 2013, « Écrire : l’enseigner et l’apprendre ? », que nous vous convions, pour écouter et échanger avec Dominique BUCHETON et Isabelle DELCAMBRE, avec la collaboration de Maryse LOPEZ (Anissa BELHADJIN ne peut hélas se joindre à nous pour des raisons personnelles, nous en sommes désolés). Nous les remercions pour leur présence et espérons la vôtre.

     

     

               



    [1]Boimare, S. (1992), « Lire les mythes pour guérir la peur d’apprendre », Les Cahiers pédagogiques, 300.

    [2] Chanfrault-Duchet M.-F., « Subjectivité et apprentissage de l'écriture au collège : pratiques et enjeux », Repères, 34, p.99.  

    [3] « Pour le scripteur novice, les problèmes d’écriture sont donc nombreux et concernent certains processus de mise en texte (mouvements graphiques, orthographe…) largement automatisés chez l’expert mais aussi des activités qui touchent au sémantique et au pragmatique. Cependant, dans le cas de l’écriture, et tout particulièrement de l’écriture littéraire, il s’agit de problèmes « mal définis ». Autrement ditcontrairement à ce qui se passe dans le cas d’un problème logique, il est difficile de définir des algorithmes permettant de résoudre le problème à tout coup. En revanche, explorer, avec l’élève qui écrit, les données du problème – ou plutôt des problèmes – qu’il a à résoudre contribue efficacement à l’apprentissage de la production des textes », Crinon, J., Marin, B. & Lallias, J.-C. (2006). Enseigner la littérature au cycle 3. Paris : Nathan, p.205.

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