Association française pour l’enseignement du français

Culture professionnelle

  • 20
    Nov

    Partager, adhérer, militer… Rêves d’Outre-Atlantique, par Viviane Youx

    ...nos colonnes vous sont ouvertes, et plus nous serons nombreux à écrire, plus la Lettre de l'AFEF rencontrera d’intérêt...

     

     

    A peine rentrée du Québec où j’étais invitée, début novembre, par l’Association Québécoise des Professeurs de Français, je me suis demandé quelles tendances masochistes m’avaient poussée à assister pour la deuxième fois à son Congrès. Ma première participation, il y a deux ans, m’avait plongée dans un questionnement tellement teinté de jalousie que je risquais bien de rouvrir la même plaie nostalgique, si tant est qu’elle se fût vraiment cicatrisée. Pourquoi les professeurs de français québécois sont-ils aussi nombreux à faire confiance à leur association, alors que, en France, nous peinons à susciter des adhésions et recruter des bénévoles volontaires pour faire vivre nos associations ? « Nous visons les mille membres », me dit simplement une collègue du Conseil d’Administration, ne se doutant pas une seconde, probablement, combien elle me fait souffrir en citant des chiffres. Le budget de l’association, et celui du Congrès, m’avaient déjà fait friser l’apoplexie. Là, c’en était trop ! Pourtant les enseignants de français au Québec doivent bien être moins nombreux qu’en France…

    Quelles raisons, que nous n’aurions pas, peuvent bien pousser les professeurs québécois à adhérer à une association ? Ou à participer à son congrès ?
    En Amérique du Nord, à ce que j’en ai perçu, être membre d’une association de sa discipline et assister à son congrès, et d’une certaine manière l’avancement dans la carrière, sont intimement liés. Il y a certes une différence entre participer à un congrès et organiser cette grosse machinerie dévoreuse d’énergie. Resituons le cadre : lors de chaque congrès annuel, pris en charge à tour de rôle par une des trois régions du Québec, les enseignants s’inscrivent dans les prises en charge autorisées par la commission scolaire de leur région ; s’ils sont retenus, soit comme participants, soit comme animateurs d’un atelier pour faire connaitre leurs pratiques et recherches, ils sont déchargés de cours et défrayés pour leur participation au congrès, l’association devenant ainsi un véritable opérateur de formation. Leur inscription les enregistre automatiquement comme membres de l’association. Des représentants des commissions scolaires, voire du ministère, sont présents au congrès, sans que cela assujettisse l’association. On a même vu des ministres ou représentants dans leurs petits souliers lors d’interventions plénières. Et pour la récente préparation d’une « progression des apprentissages au secondaire », volet didactique de la mise en application des programmes, l’association a su et pu imposer au ministère les noms d’enseignants qu’elle souhaitait comme concepteurs et cheville ouvrière du projet.

    L’association a toute facilité pour se faire connaitre auprès des enseignants, puisque l’information est relayée par les commissions scolaires et qu’il est plutôt valorisant de participer à un congrès, non seulement pour rencontrer des collègues et puiser des informations et expériences, mais aussi parce que la carrière tient compte des participations à des formations, dont les congrès font partie. Les enseignants qui se font connaitre pour leurs innovations ou leurs pratiques transférables peuvent être repérés par leurs conseillers pédagogiques ou leur commission scolaire pour aller présenter leurs travaux au congrès de l’association.

                Bon, cessons de rêver. La situation n’est certes pas idyllique, la mise en place de la Progression des apprentissages au secondaire semble aussi problématique que celle de notre Livret de compétences du Socle commun de connaissances et de compétences. J’ai été très intéressée par les ateliers que j’avais choisis, autour de l’écriture créative et de l’enseignement de la littérature, qui témoignaient d’une grande qualité de réflexion, mais reflètent-ils la totalité des présentations de ces deux jours ? Difficile de le savoir, tant la variété était grande. Mais surtout parce qu’aucun temps collectif ne permettait de structurer le congrès, seul le titre « Le français au Québec, une énergie renouvelable » donnait le ton. Les organisateurs avaient choisi de ne faire pas de conférence, ni pour introduire ni pour conclure, ainsi les positions théoriques, idéologiques, politiques de l’association n’ont jamais été formulées explicitement. Même si les ateliers montraient certainement une grande qualité de recherche, rien ne permettait aux participants de se construire une vue d’ensemble sur la didactique du français en action dans ce congrès, ni sur les fondements politiques de l’association. Seule l’assemblée générale était censée ouvrir le débat sur les grandes orientations si, une fois les nombreux aspects formels traités, elle ne s’était vidée de la plus grande partie de ses participants, obligés d’aller déjeuner s’ils ne voulaient pas rater le premier atelier de l’après-midi. Exit donc le questionnement collectif fondateur d’une ligne directrice, et les responsables de l’association planchent sur les moyens de réhabiliter le débat au sein de leur association, tant les membres (terme qu’ils utilisent plutôt qu’adhérents, le mot a-t-il son importance ?) semblent peu concernés par ces questions générales.

                Pourrions-nous aller jusqu’à dire que se retrouvent Outre-Atlantique certaines difficultés que nous connaissons bien en France ? N’exagérons pas, la situation institutionnelle est clairement différente, et c’est bien elle qui justifie le titre de ce billet. Comment imaginer que notre Ministère de l’Education Nationale, par l’intermédiaire des Rectorats d’Académie, relaie l’information des associations de spécialistes sans s’arroger le droit d’intervenir sur le fond ? Comment imaginer que des journées associatives de formation, d’information ou de débat, puissent empiéter sur le temps scolaire et être comptabilisées comme des journées institutionnelles prises en compte dans la carrière ? Cette situation, qui peut surprendre aujourd’hui, a bel et bien existé, l’AFEF elle-même a été opérateur de formation. Mais est-ce encore possible aujourd’hui ? Si c’était le cas, quel serait notre positionnement alors que nous exprimons des désaccords profonds avec l’actuelle politique de formation du Ministère ? Une autre question est celle des moyens de diffuser nos informations à un public enseignant aussi vaste. L’accès direct aux adresses de l’ensemble des collègues nous est impossible, nous ne pouvons que parier sur les réseaux qui se constituent, soit présentiels, soit virtuels, mais une grande partie des enseignants, par manque de temps ou de connaissance du système, en est exclue. N’oublions pas non plus que, ni la taille de notre territoire, ni l’étendue de nos forces ne permet d’en imaginer un maillage géographique complet.

                Et même si nous arrivions à faire mieux connaitre l’AFEF, cela suffirait-il pour faire affluer les adhésions ? Il semble bien qu’en France, adhérer à une association soit devenu un acte sensible, et que régler une cotisation s’assimile à un engagement profond. Si nous cherchons à accroitre notre nombre d’adhérents, c’est d’abord pour y voir une reconnaissance d’une certaine audience et d’un poids social, mais l’adhésion fait peur, comme si elle conduisait automatiquement à s’impliquer corps et âme dans les activités de l’association. Nous ne pouvons que remercier ceux qui, en nous suivant dans notre engagement idéologique, nous rassurent sur le bien-fondé de la ligne que nous avons choisie. L’engagement militant est certes difficile et exigeant. Evidemment, si certains (ou certaines, comme c’est souvent le cas) ont encore un peu d’envie, de temps ou de disponibilité, ils ou elles sont les bienvenus ! Mais, sans aller jusque-là, vous pouvez aussi, tout simplement, convaincre vos collègues d’adhérer à l’AFEF, juste pour soutenir notre action… Et prendre le temps d’écrire un billet sur vos pratiques, vos questionnements, vos réflexions pour notre Lettre de l’AFEF : nos colonnes vous sont ouvertes, et plus nous serons nombreux à écrire, plus notre Lettre rencontrera d’intérêt.

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