Association française pour l’enseignement du français

Nos engagements

  • 30
    Jan

    Quelle année se prépare ?

    3 grands débats..
    L’enseignement du français entrerait-il dans une ère nouvelle ? Notre discipline, tout en se targuant d’une position centrale dans le système scolaire, a perdu de sa superbe. La crise d’identité n’est pas nouvelle, quand nous revendiquions d’être enseignants de français autant que professeurs de lettres, nous affirmions déjà la multiplicité des champs qui nous incombent. Depuis quelques années, elle s’est accentuée et les tiraillements sont nombreux : comment faire entrer en littérature des élèves qui maîtrisent si mal la langue française ? comment répondre à nos détracteurs que les compétences de base ne dépendent pas que de notre enseignement, remarque particulièrement vraie pour l’orthographe par exemple ? comment concilier les avancées incontestables de la didactique avec les demandes sociales régressives ? Notre association a subi de plein fouet ces questionnements, qui entrent pour une grande part dans la confusion qui a entraîné la désaffection d’un certain nombre de nos collègues.
    Pouvons-nous faire le pari que l’AFEF est indispensable dans le paysage actuel ? Trois grands débats s’ouvrent à nous pour cette année 2007, et de la manière dont nous nous en emparerons dépendra certainement notre avenir.

    1. La crise de l’enseignement du français
    Nous ne pouvons pas faire comme si tout allait bien ; certaines approches didactiques : l’étude d’œuvres intégrales, la lecture cursive, l’écriture d’invention, l’écriture longue ont développé l’autonomie des élèves, progrès que l’on peut difficilement contester. Mais, en même temps que les démarches didactiques trouvent en lycée un certain consensus (même si certains peuvent toujours critiquer la formulation des programmes), en collège la situation est beaucoup plus délicate : comment s’occuper de tous les élèves dans le temps imparti ? quels choix privilégier ? comment faire cohabiter les approches linguistiques formelles avec la grammaire traditionnelle ? comment faire face au dérèglement de l’orthographe face à une demande sociale croissante ?
    Plusieurs rencontres-débats vous sont proposées à Paris :
    - Jean-Louis Chiss, dont vous pourrez lire l’article dans le n° 156 du Français Aujourd’hui « Enseignement de la langue : crise, tension ? » (parution mars 2007), s’interrogera avec nous sur les causes de la crise : linguistique ? didactique ? il nous proposera d’avoir le courage d’une véritable évaluation et d’un « travail » sur la discipline et son enseignement. (12 mai : le lieu sera indiqué sur notre site et diffusé par courriel)
    - Tzevan Todorov s’inquiète, dans son dernier ouvrage « La littérature en péril » des dérives formalistes et technicistes qui ont envahi l’enseignement de la littérature ; après avoir brossé un panorama tout à fait brillant du rôle et de la place de la littérature au fil des siècles, il nous interpelle sur nos pratiques scolaires. (mars : le lieu sera indiqué sur notre site et diffusé par courriel)

    2.Les choix politiques actuels
    Le serpent de mer du socle commun de connaissances et de compétences est revenu ; accusé, depuis quelques années, à la fois de vouloir niveler par le bas et de poser des objectifs trop élevés pour les 20 % d’élèves le plus en difficulté, il est repris par le Ministre de Robien sous une nouvelle forme, le saucissonnage. Nous aurions pourtant pu mettre d’importants espoirs dans cette tentative toute nouvelle en France de fixer le minimum au-dessous duquel nous n’acceptons pas que nos élèves sortent du système scolaire. Mais le texte, tel qu’il vient d’être publié, suscite une amère déception.
    Pourtant, si nous regardons depuis notre lorgnette d’enseignants de français, nous devrions nous estimer particulièrement flattés de voir, parmi les 7 piliers retenus, la maîtrise de la langue française figurer comme le premier, à la fois dans la liste et dans l’importance. Que notre ministre, que la nation tout entière affirme cette priorité, ce n’est peut-être pas nouveau, mais en tout cas suffisamment important pour qu’il nous fasse oublier combien, au fil des dernières décennies, les enseignements scientifiques et technologiques ont pris le pas sur les humanités.
    Mais, ne nous trompons pas pour autant : le socle commun ne se veut pas une succession de programmes disciplinaires, l’approche retenue, et la seule admissible, est celle d’une transversalité. « Chaque compétence qui le constitue requiert la contribution de plusieurs disciplines, et, réciproquement, une discipline contribue à l’acquisition de plusieurs compétences ». Alors, comment se met en place une approche interdisciplinaire autour de la langue française ? Comment les autres disciplines peuvent-elles contribuer au socle commun ? Quelle relation ce socle entretient-il avec les programmes de français ?
    Nous pouvions nous attendre à ce que des réponses soient apportées dans les directives d’application. Et même si le texte publié en décembre 2006 peut nous paraître vague tant il ne pose pas de degrés d’exigence précis, ni de compétences véritablement évaluables, nous pouvions penser que les textes complémentaires suivants préciseraient ce qui pouvait rester flou dans le texte de base.
    Mais alors, pourquoi la « Mise en œuvre du socle commun de connaissances et de compétences », publiée au B. O. n° 3 du 18 janvier 2007 titre-t-il sur « l’enseignement de la grammaire » ? Faut-il penser que le socle commun se recentre sur les disciplines, confondant la 1ère compétence avec le programme de français ? Même si c’était le cas, l’affirmation de la grammaire comme priorité n’est pas neutre. Elle parle à tous, et le grand public peut enfin exprimer les rancoeurs accumulées contre la linguistique, l’évolution de la terminologie, les abus formels. D’accord, nous acceptons les reproches ; nous avons nous-mêmes déjà critiqué ces dérives et recentré l’enseignement du français sur une didactique rigoureuse privilégiant la maîtrise de la langue, la recherche du sens et l’autonomie des élèves. Mais nous ne pouvons croire qu’il suffirait de leçons et d’exercices systématiques de grammaire pour résoudre les problèmes de langue ; nous ne disons pas qu’il ne faut pas reconsidérer l’enseignement de la grammaire, mais cette focalisation a une allure de pensée magique bien inquiétante. L’apprentissage de l’orthographe et de la grammaire, annoncé dans le 1er point, se réduit en fait à un long développement sur la grammaire seule, comme si elle suffisait à résoudre tous les problèmes. Et l’orthographe, préoccupation majeure de nos contemporains, passe une fois de plus à la trappe.
    Et, tout aussi inquiétant, si toutes les disciplines doivent contribuer au socle commun, cela signifie-t-il que tous les enseignants devront faire des leçons de grammaire ? Puisque, rappelons-le, le texte publié n’est pas rattaché à l’enseignement du français, mais à la mise en œuvre du socle commun de connaissances et de compétences.
    L’interdisciplinarité de la grammaire ? Peut-être un oxymoron qui a de l’avenir… Si la simplification de l’orthographe est renvoyée aux calendes grecques, la grammaire, au moins, semble avoir de beaux jours devant elle.

    3.La place de la langue française
    Adhérente à la FIPF (Fédération Internationale des Professeurs de Français) depuis son origine, notre association se trouve au cœur d’une réflexion sur la francophonie. Quand, en France, on parle de francophonie, on pense au prestige de la langue française, à sa diffusion dans le monde. Mais, qu’en est-il de l’idée de francophonie en France ? Nous pouvons affirmer, en bons républicains, que la pratique courante de la langue française est le ciment de notre nation. C’est pourtant évacuer bien vite les langues auxquelles sont confrontés nos élèves. Développer la maîtrise de la langue française pour tous répond à des choix : l’école de la République a longtemps, au nom de l’unité, fait l’impasse sur les diversités linguistiques, avant d’admettre qu’elle réussirait mieux si elle en tenait compte ; nos élèves sont aujourd’hui en relation avec des langues multiples, à la fois par une diversité sur notre territoire vécue par tous, pas seulement par les migrants, et par une globalisation croissante qui rend nécessaire la mîtrise de plusieurs langues.
    Le n° 158 du Français Aujourd’hui « Enseignement des langues d’origine » coordonné par Marie-Madeleine Bertucci, nous permettra d’aborder cette question lors d’une journée débat à la fin de cette année 2007.
    Et, sans nous cantonner à la francophonie en France, nous nous interrogerons aussi sur sa place et son rôle à l’étranger. Le prochain Congrès de la FIPF qui se tiendra à Québec en juillet 2008 nous permettra de confronter nos perspectives, d’autant plus qu’il accordera une place importante au français langue maternelle, ou langue 1ère. La situation de la France, dont le français est la seule langue officielle, est intéressante à comparer à celle des pays francophones qui ont plusieurs langues. Et le choix de la ville de Québec, dont ce sera le 4ème centenaire, n’est pas sans signification.
    Si ces trois grands débats trouvent leur place dans notre année, nous aurons peut-être gagné notre pari. Pour cela, nous avons besoin d’être nombreux à nous rassembler ; nous avons besoin aussi que tous nos sympathisants pensent à prendre ou renouveler leur adhésion ; une association est forte de ses idées, mais aussi du nombre de ses adhérents ! A bientôt.
    Viviane Youx, présidente de l’AFEF

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