Dernièrement la télévision a diffusé un reportage sur les championnats du monde de pâtisserie. Elle y suivait deux équipes, l’équipe de France (bien sûr) et une nouvelle venue dans cette compétition : une équipe de Côte d’Ivoire. Le championnat comporte plusieurs épreuves dont celle sur laquelle était plus particulièrement centré le reportage : l’épreuve de sculpture sur glace. Oui, sculpter un bloc de glace, un très gros glaçon qui n’a rien à voir avec la crème glacée ou les sorbets, il paraitrait que cela relève des compétences pâtissières… Admettons.
L’équipe de France était entièrement masculine, avec des tenues bien « pro » et bien propres, blanches des chaussons à la toque, haute et plissée. Elle s’entrainait ferme et régulièrement. Le sculpteur travaillait en chambre froide. A l’approche de l’épreuve, elle se voyait organiser des « championnats blancs », pour peaufiner la technique, la matière, le geste, le temps. L’équipe d’Afrique s’en remettait, pour la sculpture à une. Dans sa cuisine celle-ci portait blouse et tablier blanc impeccable, les cheveux emmaillotés dans une humble charlotte. Pour s’entrainer à son chef-d’œuvre, faute de glace, elle se rendait au village de sculpteurs le plus proche, avec comme vêtement de travail jean et T-shirt, et apprenait à manier le bois. C’est en arrivant en France, une semaine avant l’épreuve mondiale, qu’elle découvrira la toque, la glace et la tronçonneuse. Pour que tous les candidats soient à égalité, un « coach » français lui en apprendra le maniement.
L’équipe de France avait choisi de travailler sur la thématique du sport automobile. La sculpteuse voulait représenter une femme enceinte amputée d’un bras pour dire le sort de trop de femmes africaines. Le coach a décidé qu’elle représenterait une girafe !
Le jour de l’épreuve, la belle toque haute et plissée fournie à notre sculpteuse a pris feu, la tronçonneuse mise à sa disposition est tombée en panne, elle a néanmoins poursuivi l’épreuve jusqu’au bout, s’efforçant de façonner à la main son immense bloc de glace.
L’équipe de France a été championne du monde pour cette année.
Si la refondation se fait en ignorant les matières, leur didactique, le rapport qu’entretiennent avec elles des élèves issus de milieux différents, si elle n’intègre pas dans les programmes les avancées de la recherche disciplinaire, l’école « refondée » continuera à sacrer les héritiers, les Obélix tombés dans la marmite dès la naissance. Le français continuera à être pour beaucoup une matière hostile qu’on leur interdit de s’approprier et qu’on leur impose de travailler avec des outils qui ne sont pas à leur main, pour des réalisations éloignées de leurs propres enjeux.