Association française pour l’enseignement du français

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  • 28
    Avr

    La norme au service de la sélection à l’école

    Questions de norme orthographique

     

    Les pages ci-dessous sont extraites d’un opuscule rédigé en 1991 par le Syndicat des correcteurs  et intitulé Traits d’union, anomalies et caetera.

    La communication de ces documents n’a surtout pas pour but de faire contrepoint aux trois chroniques sur les mêmes sujets, publiées dans cette lettre et les deux précédentes.  Il ne s’agit surtout pas de renvoyer dos à dos partisans et adversaires des rectifications orthographiques au nom d’une neutralité qui profiterait à la tradition.  En effet on peut penser que celle-ci est en position dominante parmi des professionnels que l’obligation de remettre en cause des acquis anciens insécurise et que la maitrise de la norme conforte dans leur expertise.

    Il s’agit pour nous, au contraire, de permettre à chacun d’entendre l’expression corporativement la plus avertie de cette norme, afin de mieux la discuter.

    Ce qui est dit des traits d’union dans les numéraux montre que l’argumentation normative peut se faire caricaturale. Les auteurs eux-mêmes ont conscience de la faiblesse de leur premier argument qu’ils ont l’honnêteté de modaliser : « …l’usage actuel a [l’avantage] de signaler à l’œil les nombres complexes inférieurs à cent, en principe les plus employés… ». Et que dire des deux exceptions mentionnées en note et de la superbe justification qui en est proposée : « vingt n’étant multiplié que ( ?) par quatre…. » ! Pour soutenir tant de vacuité il fallait bien une dénonciation implicite de ces enseignants qui ne font pas leur travail : « la vraie rectification ne consisterait-elle pas à assurer un enseignement efficace des règles actuelles d’écriture des nombres… ». Il ne suffit pourtant pas d’enseigner des règles pour qu’elles soient accessibles pour quantité d’élèves placés en surcharge cognitive  s’il faut maitriser, pour appliquer la règle, non seulement l’orthographe mais aussi la numération et le sens des opérations.

    D’autres affirmations sont plus subtilement pernicieuses. Ainsi en est-il de la concession « …ne suffisait-il pas de proposer que là où la prononciation des mots a changé, et où la nouvelle norme est réellement majoritaire, en France et dans le monde francophone, on ajuste l’écriture à la prononciation… ». Les élèves de troisième qui dessinent des accents extraplats et qui ânonnent  parce qu’ils ne comprennent pas que le graphème e.n.t. soit tantôt une nasale (cf. le jour précédent) tantôt un e. muet (cf. ils précèdent) sont précisément prisonniers d’une représentation selon laquelle écriture et prononciation sont ajustées. La « transparence de l’écrit à l’oral » leur échappe tellement qu’ils restent prisonniers de l’illusion selon laquelle lire c’est (seulement) déchiffrer et accèdent difficilement à la compréhension de textes.

    D’autres remarques, enfin, plaideraient plutôt en faveur d’une réforme plus radicale. Ainsi en est-il du fait que « [les mesures préconisées pour les verbes en –eler et –eter et leurs dérivés en –ement] comportent elles-mêmes des exceptions et créent en outre des disparités à l’intérieur des familles de mots ». En effet les exceptions et irrégularités acceptées rendent difficile la conceptualisation de la langue française en tant que système phonologique, syntaxique et lexical.

    L’application de la norme orthographique est tellement complexe que l’ancien système primaire, destiné à accueillir le « peuple » (pendant que les enfants des « élites cultivées » fréquentaient le lycée) y consacraient une grande partie du temps scolaire. Aujourd’hui les attentes ont changé, l’étalon du savoir-écrire est devenu la production de textes complexes, même non littéraires, tandis que l’horaire consacré à l’enseignement de la langue française a diminué de façon drastique, en particulier au collège. Dès lors, l’exigence de simplification et de mise en cohérence du code devient une exigence démocratique.  

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