On croit savoir que le service de découpage de l'Elysée, de concert avec son service de traduction, devrait bientôt déposer sur le bureau du président de la République un texte de nature à bouleverser sa stratégie en matière de politique sociale. Un article du New York Times lui avait en effet échappé car, s'il est de notoriété publique que le chef de l'Etat épluche systématiquementce qui s'y publie à la rubrique littéraire, il fait l'impasse sur sa rubrique « Santé »dans laquelle ce texte est paru récemment. Or ce qui est désormais en jeu à la lumière de cet article n'est rien moins que son instrumentalisation de La Princesse de Clèves.
On se souvient que M. Sarkozy, ayant souffert dans sa jeunesse sur Mme de Lafayette(sic), lui gardait un chien de sa chienne; c'est pourquoi, lors de sa campagne électorale et depuis qu'il est au pouvoir, il en a fait sa tête de Turc sans discontinuer, avec une rare inélégance, estimant que la connaissance de ce classique des classiques ne servait à rien aux futurs employés de l'administration, notamment celle des Postes, et particulièrement les guichetiers ; les questions relatives à ce chef d’œuvredevaient donc être supprimées du concours d'entrée des fonctionnaires en raison du traumatisme de l'élève Nicolas, de son effet perturbateur sur sa personnalité une fois parvenu à une relative maturité, et de la désorganisation qu'il entraina dans son économie psychique (sidération, excitation).
Le texte américain en question fait état de la nécessité pour un certain nombre de métiers, notamment les médecins, d'inclure la littérature dans leurs études. Un rapport montre en effet que l'exposition d'internes normalement constitués au rayonnement de grands textes de prose peut à terme modifier leur analyse clinique ; il préconise de leur faire écrire des nouvelles, de brefs essais et de la poésie. Les théoriciens de cette pratique l'appellent narrative medicine. Anton Tchekhov poussa si loin cette logique qu'il abandonna la médecine pour la littérature. Sans aller jusqu'à cette extrémité, ils estiment que le training littéraire des étudiants en médecine, tel qu'ils ont pu l'analyser ces quinze dernières années dans différentes facultés, développe par la suite l'instinct compassionnel des médecins; leur savoir-faire y gagne en empathie, notamment pendant les opérations chirurgicales; ils sont plus enclins à partager, et donc à comprendre, le point de vue et les angoisses de leur patient. Ils se mettent plus naturellement à la place de l'autre.
La lecture d'œuvres de Tolstoï et de Virginia W