Association française pour l’enseignement du français

La Lettre de l'AFEF

  • 11
    Mai

    La Lettre de l’AFEF n° 60 - Mai 2016

    Edito - Appels - A la Une- Agenda - Ressources...

    La Lettre de l’AFEF

    n° 60 - Mai 2016

     

     Édito

    Le paragraphe qui ouvre Manifeste Debout l’École ! pourrait être repris, certes, par beaucoup d’associations militantes et de mouvements pédagogiques : « Le système éducatif français est à l'image de la société qui l'a construit : violent et inégalitaire. Inégalitaire car il ne se contente pas de refléter les inégalités sociales existantes mais les perpétue et les aggrave. Violent car cette reproduction, le tri et le dressage qu'elle opère, sont oppressifs pour les élèves de la maternelle à l'université. » 

    Ses accents bourdieusiens résonnent clairement aux oreilles de tous ceux qui, comme nous, proclament depuis des années que les inégalités scolaires sont le produit, certes, d’une société inégalitaire, mais aussi de l’école elle-même. Le dressage que pointe le Manifeste n’est pas opéré seulement par le système éducatif, mais par les choix pédagogiques, ou par les non-choix. 

    L’AFEF, en choisissant pour cette année scolaire comme fil rouge « Enseigner l’oral ? » s’est remise dans les pas de Bourdieu qui, dans son intervention « Ce que parler veut dire », au Congrès de Limoges de 1977 posait déjà cette même question. Mais notre angle de vue actuel n’est plus exactement le même. Certes, nous pourrions encore reprendre ce qu’écrit Bourdieu sur la légitimité et les rapports de domination : « C'est pourquoi l'expérience de l'oral est tout à fait passionnante. On ne peut pas toucher à cette chose si centrale et en même temps si évidente sans poser les questions les plus révolutionnaires sur le système d'enseignement : est-ce qu'on peut changer la langue dans le système scolaire sans changer toutes les lois qui définissent la valeur des produits linguistiques des différentes classes sur le marché ; sans changer les rapports de domination dans l'ordre linguistique, c'est-à-dire sans changer les rapports de domination ? » 

    Nous pourrions aussi reprendre à notre compte ses phrases d’introduction, quand il justifie son point de départ afin de donner à son « discours un enracinement aussi concret que possible et d'éviter (…) que celui qui a la parole, qui a le monopole de fait de la parole, impose complètement l'arbitraire de son interrogation, l'arbitraire de ses intérêts. » « Pourquoi dans certaines circonstances historiques, dans certaines situations sociales, ressentons-nous avec angoisse ou malaise ce coup de force qui est toujours impliqué dans la prise de parole en situation d'autorité ou, si l'on veut, en situation autorisée, le modèle de cette situation étant la situation pédagogique ? » 

    Mais quand nous nous posons aujourd’hui la question Enseigner l’oral ? , il s’agit moins de savoir quel oral enseigner (légitime ou illégitime) que de se demander si l’oral est enseignable ; si oui, comment faire ? Et pour quoi ? 

    Cette préoccupation du pour quoi est essentielle, car c’est bien elle qui tente de répondre à l’accusation de dressage portée par le Manifeste Debout l’école ! à l’encontre du système scolaire. 

    Enseigner l’oral, ou enseigner l’écrit ou la lecture d’ailleurs, ce n’est pas seulement expliciter aux élèves les enjeux des tâches, les méthodes, les modèles à mettre en œuvre, c’est d’abord les mettre en travail, en tâtonnement, en discussion, en débat. C’est les laisser chercher leurs propres points de vue, leurs propres stratégies, leur en faire défendre la validité et  les amener à en changer au besoin.  C’est mettre les élèves dans toutes les disciplines et tâches dans des situations de production langagière qui leur permettent de développer leur pensée et leur compréhension et ce faisant d’expérimenter la diversité des discours nécessaires à l’école. C’est passer du : « attends, je t’explique » à « vas-y et explique-nous comment tu t’y es pris et ce que tu as compris ». C’est seulement si les élèves sont pleinement autorisés à utiliser les langages pour penser et interagir qu’ils pourront exercer leur esprit critique, entrer dans une communication effective et apprendre. Car apprendre suppose une dynamique : la mise en mouvement d’une pensée qui s’élabore ; une dynamique dans des formes langagières scolaires à repenser où le point de vue singulier se frotte au collectif, aux tâches et problèmes à résoudre ensemble ; des déplacements, reformulations, conceptualisations qui nécessitent le recours aux formes  et usages divers de l’écriture comme de la lecture. 

    C’est ce que prétendent faire les pédagogies émancipatrices évoquées par le Manifeste Debout l’école ! C’est le sens des critiques portées aux dogmes des « pédagogies explicites » dans l’excellent dernier numéro de Dialogue, la revue du GFEN, Expliciter pour faire comprendre ? C’est le sens aussi des propositions de Vers un nouveau Manifeste de l’AFEF.

    Le français n’est pas une discipline de contenus, c’est une discipline de langages. C’est une discipline où faire, c’est écrire, parler, lire. C’est en parlant, lisant, écrivant, que les élèves peuvent construire leur liberté dans ce sens du collectif qu’exige le rapport aux autres. C’est en lâchant un peu de notre position dominante d’enseignants que nous pouvons les accompagner, et retrouver une autorité juste, une autorité qui autorise.

    Viviane Youx

     

    Appels et information

    • Ils ferment les frontières, ouvrons nos écoles, appel de RESOME (Réseau Etudes supérieures et orientation des migrant-e-s et exilé-e-s)« Nous prenons acte de l’impuissance de l’Europe à mettre en place des politiques d’accueil respectant la dignité et l’intégrité des exilés. Nous constatons les pratiques déshumanisantes des pouvoirs publics qui refusent de considérer ces femmes et ces hommes comme des individus animés de projets et de désirs, mais parlent de flux, de chiffres, de menaces, au mieux de potentiels, qu’il faudrait gérer, optimiser, contenir. (…) Se tient donc un lieu : l’école. Une certitude : que la langue et la connaissance sont les fondements de la dignité et de la reconstruction de soi. Une revendication : la liberté d’étudier et de développer ses projets sur le sol où l’on vit. Nous avons décidé de répondre à cette nécessité. »
       
    • LibresEnsemble, campagne de l'OIF pour la paix, la liberté, la diversité, la solidarité
      « Depuis ses origines, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) est résolument engagée en faveur de la paix, de la diversité, de la liberté et de la solidarité. Face à un monde dans lequel progressent la tentation du repli sur soi, la peur et le rejet de l’autre, l’OIF souhaite réaffirmer ses valeurs avec tous les jeunes francophones qu’elle place au coeur de ses priorités »
       
    • Décès de Jean Auba, ancien directeur du CIEP. Lire l'hommage de Raymond Le Loch« Directeur du Centre international d'Etudes pédagogiques, de 1966 à 1983, Jean Auba est mort... Il allait avoir 100 ans, et c'est une des grandes figures de la francophonie qui disparait. »

     

     À la Une

    • 28 mai - Journée de la Régionale de Montpellier - « Quelle place pour l'oral dans les apprentissages des élèves, leur développement cognitif, social, linguistique, moral ? » Journée de discussion à partir de témoignages, pratiques innovantes, vidéos de classes… organisée par l’AFEF34, à Grabels. 
       
    • 11 juin - Journée d’ateliers « Enseigner l’oral ? ». Les quatre expériences présentées (Cercles de lecture et cahiers d’idées, en primaire - Langage du corps : danser et parler avec Samuel Beckett, en ULIS -  Oral, apprentissages et EMC, en cycle 3 - Des pratiques de l’oral en lien avec l’écrit) permettront aux participants de questionner et se questionner afin d’élaborer collectivement durant la journée des réponses à cette questions : « Comment l'oral peut-il être, non pas un instrument de formatage et de conditionnement, mais un instrument de la pensée singulière de l'élève ? ». (Retrouver ci-dessous des ressources sur l'oral en cycle 1 et 3 dans Ressources Générales)
      Lire la présentation des ateliers. S’inscrire à la journée.

     

    Évolution de l’AFEF

    • Vous avez été nombreux à répondre à la consultation par vote électronique  sur une proposition de changement de nom de l’association, et nous vous en remercions. Vous avez voté massivement pour la modification en « Association française pour l’enseignement du français » (sigle inchangé : AFEF). Cependant, la vérification de nos statuts nous impose de différer la décision définitive qui doit être prise en assemblée générale. Convoquer une assemblée générale extraordinaire est une opération lourde, la sagesse nous conduit à attendre l’assemblée générale qui se tiendra début 2017. Nous vous prions de nous en excuser.
       
    • Le site de l’AFEF a été revu et restructuré pour répondre mieux aux attentes de nos visiteurs ; les onglets sur la page d’accueil ont été renommés, des rubriques ont changé de place, la page d’accueil a été revue, et le moteur de recherche par mot-clef a été affiné. Nous espérons que vous y trouverez ce que vous cherchez. N’hésitez pas à nous envoyer vos suggestions.

     

    Agenda

    18-19 mai - "Enseignement et pratiques d'écriture numérique", Ecritech 7,  Nice Sophia-Antopolis

    19-20 mai - "ORIENTATION, FORMATIONS, INSERTION : QUEL AVENIR POUR L’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL ?", Conférence internationale Cnesco sur l'enseignement professionnel, Paris

    20 mai - "Approches linguistiques de l'écriture à l'école - Hommage aux travaux de Sylvie Plane", Journée d'études ConSciLa, ESPE Molitor, Paris

    24-25 mai - "Fraternité en éducation, éducation à la fraternité, un enjeu pour l'école du 21ème siècle", Université-ESPE de Montpellier, Montpellier

    27 mai - "Regards croisés sur les brouillons d’écrivains pour la jeunesse : de la génétique à la didactique", Journée d'étude, ESPE de Bourgogne, Mâcon

    1-2-3 juin - "Enseigner la littérature en dialogue avec les arts", 17èmes rencontres des chercheurs en didactique de la littérature, Lyon

    3-4-5 juin - "La force de la réciprocité et de la coopération pour apprendre", Rencontres internationales des Réseaux d'échanges réciproques de savoirs, Evry

    17 juin - "Textes et Cultures bibliques : réécritures et relectures des mythes d’origine biblique dans la littérature d’enfance et de jeunesse (XVIIIe-XXIe siècle)", Séminaire doctoral Centre Robinson, Arras 

    14-21 juillet - « Le français, langue ardente », Congrès international de la FIPF, Liège, Belgique

     

    Ressources de l’AFEF

    • Théâtre - Quelle actualité pour l’étude de ces « textes du répertoire » ?, par Dominique Seghetchian. Avec la présentation de trois mises en scène : Tartuffe par Luc Bondy, La Dispute de Marivaux par Jacques Vincey, Trissotin ou les Femmes savantes par Macha Makaïeff : trois spectacles qui, dans leur représentation de 2016, démontrent ou interrogent l’actualité de textes du répertoire.
       
    • La journée AFEF du 12 décembre : "Pourquoi et comment mettre en oeuvre les programmes de collège ?" a permis aux participants de s'inscrire dans une démarche constructive et positive : comment partir des expériences pour opérer la rupture nécessaire ? Commencer petit ; partir d'un diagnostic partagé ; accompagner, reconnaitre, développer le "pouvoir d'inventivité ordinaire" ; penser les finalités avant les dispositifs ; inscrire les enseignements transversaux dans les activités langagières...  Compte-rendu de la journée d’étude de l’AFEF du 12 décembre.
       
    • La Formation IFÉ-AFEF : « Des langages pour penser et communiquer en français, histoire des arts et dans les projets interdisciplinaires au collège » des 4-5-6 avril 2016. Les ressources, documents et diaporamas sont accessibles en ligne

     

    Ressources générales

     

    Note de lecture

    OuLiPo L’Abécédaire provisoirement définitif, Sous la direction de Michèle AUDIN et Paul FOURNEL et pour l’illustration Étienne LÉCROART - Par Ande Poggi - Lire le billet

    Note précédemment publiée dans le Français Aujourd’hui n° 189 - 2015/2

    « À supposer qu’il faille convaincre les profanes de l’OuLiPo (que nous sommes tous peu ou prou) de découvrir le contenu de l’ouvrage, il faudrait dire que ce catalogue classe environ soixante contraintes d’écriture par ordre alphabétique de classiques (l’acrostiche, le pantoum) à drôles (le sardinosaure, le langage cuit) en passant par étranges (la boule de neige, la quenine « visuelles »). »

     

    Publications

    dialogue_160.jpg  Expliciter pour faire comprendre ? Dialogue n° 160, revue du GFEN. Lire la présentation
    "Dans la mode des « labels » pédagogiques, celui de « pédagogie explicite » nous est présenté par ses thuriféraires comme la panacée pour résoudre les difficultés scolaires. Un dossier sur le site de notre mouvement a déjà opéré une clarification salutaire. Dialogue développe la réflexion sur cette question. Une explicitation qui consisterait à découper les phases d'apprentissage, soi disant du simple au complexe, en entraînant l'élève à la reproduction de ce que montre le maître, ne serait, au mieux, qu'une illusion, au pire, une escroquerie. 
    Nous reviendrons, dans ce numéro, sur la notion, sous-jacente, d'implicite. Quels implicites ? Portés par qui ? Pour nous demander si tout doit être explicité ? N'y aurait-il pas comme une prétention à vouloir, ou prétendre, tout expliciter ?
    Nous nous demanderons également qu'est-ce qui doit être explicité ? Le cadre, la conduite... de la démarche d'apprentissage, de construction du savoir ? Ou le donné fini de celui-ci, privant l'élève de tout plaisir de sa (re)découverte ?
    Qui doit expliciter ? Le maître seulement ? Ou les élèves également, dans un mouvement d'appropriation des connaissances et savoirs travaillés ? Et comment, quelles conditions créer dans la classe, pour que cela soit possible et efficace ?
    Tout cela posant la question pour quoi expliciter ?
    Et si la question de l'explicite dans la pédagogie était une question mal posée ?"

     

    Lire la rue.jpg Lire la rue, marcher le poème, de Dominique Marcil et Hector Ruiz - Proposition d'un atelier alliant déambulation, écriture et lecture du poème. Lire la présentation
    « Comment initier à la poésie ? Comment la faire apprécier ? Mais surtout: comment rendre accessible sa force sans rien en nier ? La réponse ici offerte par Dominic MARCIL et Hector RUIZ se démarque par son caractère holistique. En effet, ces deux professeurs de littérature au collégial proposent une approche où l'initiation à la lecture du poème passe par l'expérience de la déambulation et de son écriture afin de permettre aux étudiants d'éprouver la puissance transformatrice du poème. »

     

     

    À lire, à voir

    Origine-violence.jpgVu en avant-première : L'origine de la violence, de Elie Chouraqui - Par Serge Herreman - Sortie en salle 25 mai - Lire le billet
    « L’AFEF était conviée le 13 avril 2016 à la « projection presse » du film l’origine de la violence écrit et réalisé par Elie Chouraqui. Ce film est une adaptation du roman de Fabrice Humbert qui a lui-même participé  à l’écriture du scénario. On y retrouve l’essentiel de la trame narrative de l’ouvrage : Un jeune professeur de français, Nathan Fabre, découvre au camp de concentration de Buchenwald une photographie sur laquelle figure un détenu dont la ressemblance avec son propre père, Adrien, le stupéfie. C’est le départ d’une recherche sur ses origines que Nathan va mener seul face au  silence d’Adrien. Pourquoi ce fils d’une grande famille bourgeoise catholique porte-t-il un tel prénom ? Pourquoi subit-il une violence qui le mine et le dépasse ? Que recouvre le silence de la famille Fabre ? »

     

    Merci Patron, de François Ruffin… À voir absolument ! - Par Ande Poggi - Lire le billet
    « Réjouissant, ce pastiche de thriller sur fond de lutte des classes réussit à enchanter les spectateurs que nous sommes, à donner de l’espoir, à se moquer des très riches et en prenant le parti des gens de peu avec beaucoup d’humour et sans condescendance. »

     

     

     


    Le Dernier Gardien d’Ellis Island,
    de Gaëlle Josse - Par Ande Poggi - Lire le billet

    « Après être allée à Elis Island, Gaëlle Josse prend la voix d’un personnage, nous raconte une tranche de vie et celle de l’Amérique à travers elle. L’histoire d’un homme mêlée à celle d’une autre, puis d’une autre encore et à celles de milliers d’autres de passage. Gaëlle Josse signe dans ce petit livre un texte incarné, mélancolique et vibrant sans emphase mais tellement puissant par sa délicatesse et sa sensibilité exacerbées ! Un très beau livre (récemment paru en poche) à lire si ce n’est déjà fait … ou à offrir ! » 

     

     

    De la violence à l’utopie, l’humanité selon Fabrice Humbert - Lectures de L'Origine de la violence, Eden Utopie et la Fortune de Sila - Par Viviane Youx - Lire le billet
    « Il ne m’a pas été donné de lire « la vie » de Fabrice Humbert dans l’ordre. Lectrice constante et obstinée, je n’en désespère pas moins chaque jour de joindre les deux bouts, de faire le tour de ce que je devrais, voudrais, pourrais avoir lu. Pour Fabrice Humbert, je suis passée à côté de son premier roman marquant, malgré ses nombreux prix et la couverture médiatique afférente. Il aura fallu Éden Utopie pour que je fasse le pas. J’aurai donc lu à l’envers cette saga familiale que j’aurais dû démarrer six ans plus tôt avec L’Origine de la violence, après un détour par La Fortune de Sila. Il aura fallu la sortie prochaine du film éponyme (présenté sur le site de l’AFEF) pour que je découvre L’origine de la violence. »

     

     

     

     

     

    Annonces 

    • Co-libr-e, Le premier outil d’écriture collaborative d’œuvres littéraires au service des projets scolaires. Co-libr-e apporte son aide aux établissements scolaires qui veulent mettre en place un projet d’écriture grâce à un outil d’écriture et co-écriture en ligne, mais aussi grâce à un accompagnement sur site avec des écrivains.

    Actions éducatives

     

    Appels à contribution

     

    La FIPF

    La plateforme collaborative de la FIPF, Fédération Internationale des Professeurs de Français

    Le Congrès international de la FIPF, « Le français, langue ardente », du 14 au 21 juillet, à Liège (Belgique)

    Franc-Parler, le site des professeurs de français

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