Association française pour l’enseignement du français

Langue

  • 03
    Déc

    Des cuistres aux donneurs de leçons'

    Réponse à la chronique de Jacques Julliard dans le Nouvel Observateur du 30 novembre « Sauver la grammaire »

    Que de véhémence, M. Julliard, dans votre chronique sur la grammaire ! Dès le titre, le verbe sauver renvoie aux courants les plus réactionnaires dont la référence appuyée dans les colonnes du Nouvel Obs, si elle échappe au lecteur ordinaire, ne peut qu'agresser les enseignants de français que je représente comme présidente de l'AFEF . Qui cette chronique vise-t-elle ? Les « linguistes en folie » ? Les « cuistres de collège » ? Parmi les « linguistes en folie », Alain Bentolila, pourtant encensé par vous, M. Julliard, doit en avaler son stylo, lui qui reconnaît bien avoir participé à des excès et à des déplacements du « modèle de l'expert à l'apprenti ». Que l'enseignement du français ait été perverti par l'entrée en classe de termes qui n'auraient jamais dû quitter les sphères de la recherche et de la formation des enseignants, nous en sommes bien d'accord. Mais les linguistes ont-ils jamais prétendu que leurs recherches dussent être appliquées telles quelles ? Et le rapport sur la grammaire, dont le projet n'est pas de revenir aux « bonnes vieilles méthodes », n'est-il pas justement un aboutissement nécessaire de la recherche en linguistique ? Quant « aux cuistres de collège », il est évidemment facile de les fustiger, comme s'ils étaient les concepteurs de programmes qu'ils s'efforçaient d'appliquer au mieux, malgré des termes parfois abscons au regard desquels ils n'avaient pas toujours la formation continue qui leur aurait permis de prendre du recul, malgré des horaires, en chute libre depuis 30 ans, qui ne leur permettaient pas de prendre le temps nécessaire avec les élèves les plus démunis. Là où vous voyez des cuistres, je vois des passionnés de langue, de littérature, de culture, peu à peu découragés par la lourdeur de leur tâche face à des enfants, des jeunes qu'ils ne cessent de vouloir faire progresser. Clarifier la terminologie, établir une progression, c'est un v'u des enseignants de français depuis plusieurs années. Mais pas à n'importe quel prix, pas au risque de voir éclater une discipline qui a tant besoin de cohérence ; peut-on séparer, dans un texte, la grammaire, le lexique, l'orthographe, les références culturelles ? Qu'est-ce que la grammaire si elle n'est pas insérée dans un réseau de signification ? Si la grammaire, véritable enjeu national semble-t-il, a bien besoin d'être dépoussiérée, ne disqualifions pas d'emblée le travail des professionnels qui, au quotidien, trouvent des aménagements didactiques pour la rendre accessible à des élèves dont ce n'est pas le souci premier. Et si le Nouvel Observateur veut aller sur la voie de la simplification, nous aimerions rappeler un précédent rapport, publié au Journal Officiel en 1990 ; nous aurions aimé trouver la même virulence à défendre ce rapport sur « l'orthographe recommandée », présenté par Maurice Druon. Cette simplification orthographique, aussitôt vouée aux gémonies, ne suffisait peut-être pas pour conserver à notre langue sa stature internationale de premier plan ; elle aurait au moins soulagé le travail dans les classes. Les cuistres apprécieront. Viviane YOUX, présidente de l'AFEF

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