Association française pour l’enseignement du français

Nos engagements

  • 25
    Mai

    Défendre la filière littéraire ou valoriser la littérature ?

    Plutôt que d’enfermer les « littéraires » dans un ghetto – mouroir, pourquoi ne pas réformer les études au lycée en offrant un tronc commun qui donne à tous une formation équilibrée ?
    Alors que le rapport publié en juillet 2006 par le groupe de travail Forstmann – Becchetti-Bizot « Evaluation des mesures prises pour revaloriser la série littéraire au lycée » soulignait, dès son introduction, « une érosion marquée de ses effectifs. En quinze ans, ils ont baissé de 28 % cependant que ceux de la série ES augmentaient de 18 %, ceux de la série S de 4 %. », pourquoi n’avons-nous pas encore sorti nos étendards ? Fallait-il répondre à l’appel de la Maison des Ecrivains en nous excusant de ne pas être intervenus plus tôt en faveur de la filière littéraire ?

    Le postulat tacite, qui pose la filière L comme le garant de la littérature, était réaliste quand les lettres gouvernaient les courants de pensée, quand les positions de pouvoir se fondaient sur une culture humaniste classique.
    Mais des changements profonds ont eu lieu. Depuis les années 60, la sélection a paru plus aisée par les mathématiques, y compris dans des domaines de formation humaine comme la médecine. Le Bac C, puis S est devenu peu à peu la panacée dans tous les domaines, tant pis si nombre de lycéens devait en souffrir. Plus récemment s’est affirmé le primat de l’économie, de la géopolitique : ces disciplines, au centre du Bac ES, tout en se situant dans le champ des idées, présentent un versant utilitariste qui satisfait les partisans de l’efficacité.

    Aujourd’hui, la réalité de la filière L, qui attire moins de 10 % des élèves, est pour le moins sinistre. Bien souvent, elle est devenue la section « dépotoir » dans laquelle sont relégués, pour moitié ou 2/3, les élèves qui n’ont pas été « sélectionnés », qui n’aiment pas lire et rencontrent même de réelles difficultés pour comprendre un texte. Les « bons élèves », le tiers qui reste, dont on exige un niveau fort élevé pour décrocher une mention, méritent-ils la dépréciation qu’ils vont subir à leur sortie s’ils osent s’aventurer ailleurs que dans la voie toute tracée de l’enseignement ? Nos ministères successifs ont laissé s’installer cette situation de relégation qu’il ne suffit pas de déplorer pour lui trouver magiquement une solution.
    Prôner la sauvegarde de la filière littéraire risque de réveiller de dangereux fantasmes : en criant à sa disparition, on postule que la littérature serait son pré carré, comme si on voulait réserver les lettres aux littéraires. Soit parce qu’on voudrait les réserver aux « bons élèves », ce qui dans les faits n’est plus le cas. Soit parce qu’on souhaiterait, à terme, vider nos cursus scolaires de la littérature, ce qui risque malheureusement de se produire si nous n’y veillons pas.

    Au lieu de nous en tenir à un combat d’arrière-garde, nous proposons de nous mobiliser pour que tous les élèves aient une formation littéraire solide ; l’enjeu démocratique est là, dans une exigence de qualité pour tous. Cet enseignement littéraire gagnerait à s’ouvrir à :
  • une dimension anthropologique (sociologie, philosophie, psychologie),
  • une dimension fonctionnelle de l’écriture (presse, écrivains, métiers de la communication),
  • une dimension de pratique culturelle et artistique pour tous.
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    Plutôt que d’enfermer les « littéraires » dans un ghetto – mouroir, pourquoi ne pas réformer les études au lycée en offrant un tronc commun qui donne à tous une formation équilibrée ?

    Une discrimination positive est amorcée envers les littéraires : dans le cadre de l’opération Phénix, 7 grandes entreprises proposent des CDI à des titulaires d’un Master 2 en Sciences Humaines (Nouvel Observateur n° 2219 du 17 au 23 mai 2007, p. 105).
    Est-ce le signe que les littéraires sont véritablement sinistrés ?
    Ou qu’une formation littéraire développe des compétences mal reconnues, qui seraient nécessaires pour tous ?

    Viviane Youx, présidente de l'AFEF

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