Deux récents rapports, le Bilan de la Mise en œuvre des programmes issus de la réforme de l'école primaire de 2008 et le programme d'évaluation PISA-2012, visant largement "le français" nous rappellent, s'il était nécessaire, combien notre discipline est toujours en première ligne quand il s'agit de pointer les défaillances de l'école française. Sans vouloir entrer dans les détails de ces deux textes déjà largement commentés dans la presse, généraliste et spécialisée, quelques points méritent notre attention :
1. Dans le Bilan de la Mise en œuvre des programmes issus de la réforme de l'école primaire de 2008, nous ne nous arrêterons pas à certaines critiques, voire attaques, contre les enseignants, dont le développement se révèlerait stérile et risquerait de nous faire oublier deux éléments essentiels :
- Séparer bilan de mise en œuvre et contenus des programmes s'avère artificiel : si les enseignants du primaire ont eu du mal à mettre en œuvre ces programmes de 2008, n'est-ce pas à cause des programmes eux-mêmes qui, écrits après la loi sur le socle commun, s'articulaient mal avec ses compétences ? Les enseignants se sont trouvés, en quelques années, à devoir gérer en même temps des programmes pléthoriques et un livret de compétences sans lien explicite avec les contenus listés par les programmes. Et avec un volume horaire insuffisant pour des apprentissages toujours présentés comme premiers.
- Si le Bilan pointe une répartition inégalitaire entre les différents domaines dufrançais, insiste-t-il assez sur l'insuffisance de formation des enseignants ? En formation initiale, d'abord, pour des professeurs des écoles, qui n'ont pas, à priori, une formation en Lettres ; en formation continue, ensuite, pour les aider à faire évoluer leurs pratiques par un regard réflexif et des connaissances issues de la recherche.
L'urgence, après ce Bilan, serait certainement de mettre à plat programmes, livret de compétences et pratiques, afin de proposer un cursus de l'école obligatoire qui tiendrait compte des réalités sociales et des besoins des élèves plus que d'enjeux politiques fluctuants. C'est ce point de vue que défendra l'AFEF devant le Conseil Supérieur des Programmes en janvier.
2. Le programme d'évaluation PISA-2012, s'il montre une légère amélioration dans la "compréhension de l'écrit" signale surtout l'extrême inégalité du système français :
- en "compréhension de l'écrit", la France a retrouvé son niveau de 2000, mais avec un creusement de l'écart de performance entre les élèves les plus performants et les élèves les moins performants ;
- ce niveau global de performance en "compréhension de l'écrit" est dû à la progression des filles, alors que la proportion d'élèves en difficulté a augmenté chez les garçons ;
- la corrélation entre milieu socioéconomique et performance est forte, la résilience des élèves de milieux défavorisés faible, l'écart de performances se creuse entre élèves issus de milieux favorisés et défavorisés ; les élèves issus de l'immigration sont au moins deux fois plus susceptibles de compter parmi les moins performants ; le système est plus inégalitaire en France que 9 ans auparavant ; le taux de préscolarisation, susceptible de combler les écarts, est aussi plus faible dans les milieux défavorisés ;
- en France, les apprentissages des élèves sont gênés par l'anxiété, le manque de confiance en soi ; la motivation est moindre dans les systèmes à filières que dans les systèmes n'y recourant pas ;
- enfin, si les enseignants français sont qualifiés, le niveau de leurs salaires est proportionnellement plus bas que dans la moyenne de l'OCDE.
Le creusement des inégalités dans le système éducatif français que pointe le PISA-2012 rejoint le constat formulé par l'AFEF : "L'idée centrale d'un cursus de la Maternelle à l'Université dont le socle commun serait le noyau nous amène d'abord à affirmer quelques principes (…) autour des inégalités, (…) autour de la formation…" Lire et commenter : "Vers unNouveau Manifeste pour l'enseignement du français"
Pour conclure, le rapport "L’évaluation des retombées des actions partenariales et innovantes sur la maitrise de la langue" ouvre des perspectives plus encourageantes. Faisant le point sur les actions menées dans des établissements de différents niveaux, en partenariat local ou national, les auteurs mettent l'accent sur les bénéfices constatés chez les élèves, tant au niveau de la motivation, confiance en soi, que pour la recontextualisation des activités. Ils insistent sur :
"l'expérience, fortement symbolique, voire décisive : comprendre en somme que la langue n’est pas une activité scolaire, artificielle, à soigner seulement dans des exercices qui requièrent sa qualité, mais qu’elle est un mode d’être et d’échange en situation ; comprendre qu’elle sert à s’exprimer, réellement, et qu’elle ne sert pas seulement à être évalué."
Largement interdisciplinaires, ces actions d'ouverture culturelle permettent aux élèves de développer ou consolider des compétences, tant en maitrise de la langue, en culture humaniste, qu'en compétence sociale, autonomie et initiative. Ces pédagogies du détour, de l'écart remettent du jeu dans la langue, et en permettant "un nouveau rapport à la langue", donnent place à la créativité dans l'école.