Association française pour l’enseignement du français

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    Oct

    Compte-rendu de la rencontre-débat du 1er octobre 2011 : "Entrer dans la langue de l'école..."

    Rédigé par Isabelle Henry

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    AFEF – Rencontre Débat du 01-10-2011.

    «Entrer dans la langue de l’école : un enjeu pour les élèves allophones (et les autres) ».

    Ouverture par Jean-Louis Chiss, animateur de la rencontre-débat.

    Français langue de scolarisation - Quels apprentissages dans la discipline ?

     

    Intervention de Jean-Pierre CUQ :

    Nécessité de définir l’objet « français langue seconde » et de l’interroger.

    Le français est avant tout une discipline pour les élèves alors qu’elle est également transversale.

    Le concept de langue situe l’enseignant de français dans la catégorie des professeurs de langue (au même titre que les enseignants dits « de langue vivante »). Même chose pour la didactique de la discipline qui fait partie des sciences du langage.

    Distinction entre les linguistes pour lesquels la langue est un objet de description et les didacticiens, pour lesquels elle est un objet d’enseignement et d’apprentissage. Cependant, il convient de s’interroger sur la façon dont une langue s’apprend, se transmet dit également quelque chose sur la langue elle-même.

    Le français langue seconde suppose une idée de classement : il y a une langue avant, quelque fois même deux ou plus, dans le répertoire verbal des élèves.
    Le français langue première permet d’éviter de parler de langue maternelle.
    Rappeler que le « second », c’est aussi l’adjuvant, celui qui aide, seconde. Le français langue seconde devrait donc aider les enfants plutôt que de les enfermer dans les difficultés scolaires.  
    Renvoi à un article de Jean-Charles Pochard (2005) où il distingue le Français Langue Etrangère et le Français Langue parlée et donc langue première.

    Passer de la notion au concept : expliquer conceptuellement et non pas en rester à des appréhensions par l’expérience (expérience peu reproductible).
    Une notion peut être appréhendée par l’expérience.
    Le concept permet d’appréhender les éléments invariants dans le Français Langue Seconde : une langue de nature étrangère pour celui qui l’apprend, qui n’est pas la langue de première socialisation et qui joue un rôle dans le développement intellectuel, psychique de l’apprenant.
    L’élève allophone a été en quelque sorte l’élève de base de l’école républicaine à l’origine : langue régionale
    (patois, créole) était la première langue.  L’école a fait son travail d’intégration des allophones, la situation de diglossie s’atténue progressivement. 

    Langue et Discours :

    - En FLE proprement dit : on développe les compétences discursives sans les savoirs déclaratifs.
    - En Français Langue Maternelle, on suppose les compétences discursives acquises (ils savent parler) ; on apprend les savoirs déclaratifs. 
    - En FLS, on mêle les compétences discursives et les savoirs déclaratifs. La difficulté pour les élèves réside dans le fait de maîtriser les discours de l’école et la culture de l’école (parallèle avec le langage des tribus ; reconnaissance / exclusion selon que l’on maîtrise ou pas ce dont on parle). Ces discours ne peuvent pas être véhiculés uniquement par les enseignants de français mais doivent être pris en charge par chaque discipline en tant qu’une discipline véhicule son propre discours lié aux savoirs à enseigner.

    Exemple du professeur de mathématiques qui n’arrive pas à ses fins sur l’objet mathématique à enseigner parce qu’il n’arrive pas à ses fins avec le discours propre aux mathématiques. De quoi les professeurs de mathématiques ont-ils besoin en français ? En quoi la langue est-elle un obstacle quand le professeur de mathématiques doit étayer ? On ne peut distinguer l’objet mathématique du discours mathématique.
    Un commentaire est apporté sur le fait qu’il y a eu des réussites là où on a réfléchi au partage des tâches.

     

    Intervention de Valérie SPAETH.

    Ouverture par sa position sur la langue de scolarisation ou seconde, soulevant le problème d’une kyrielle de dénominations.

    Le Français Langue de scolarisation nécessite de clarifier la position sur la langue et les discours  (tensions et brouillages). Il est important de constituer un horizon partagé par tous les élèves, aussi bien horizon d’intégration scolaire que d’insertion sociale.
    Définir ce qu’est l’espace de l’école, qui s’avère très large (lieu, parents, copains, à l’école) : ce qui se passe à l’école et pour l’école.

    Le Français Langue de Scolarisation renvoie à des processus sociaux et politiques beaucoup plus larges ; à une mondialisation de l’école qui passe principalement par ses formes écrites.
    FLS permet de distinguer le point de vue social, collectif avec des enjeux scolaires des points de vue personnels ; discours ambigus : il faut maitriser la langue française, mais qu’est-ce qu’on fait de la langue de ces élèves
    On constate une tension plus ou moins manifeste pour tous les élèves entre la langue familiale, de la maison et la langue de l’école ), et une tension à l’école même, entre les discours oraux (disciplinaires ou non disciplinaires et les discours écrits disciplinaires.
    Les écarts que vivent les enfants dont le français n’est pas la langue 1ère entre la manière dont ils sont scolarisés dans leur langue et scolarisés en français sont plus importants encore.

    L’école est le lieu de tous les contacts ; le lieu du plurilinguisme.
    1953 UNESCO : entrer dans la littératie dans sa langue maternelle.

    Hypothèse du Français Langue d’enseignement : l’école est le lieu de l’écrit. Exemple du Bénin : la formation des maitres s’effectue en français ; toute la scolarisation se fait en français, à l’écrit, alors que les enfants ne parlent pas français en arrivant à l’école et que les enseignants, à l’oral, mélangent les langues.
    Exemple des classes bilingues : tension entre les contenus d’enseignement cognitifs et la forme linguistique de ces enseignements. Un danger de simplification de la langue  dans l’enseignement de l’histoire ? Pas de nuances dans la langue.
    Une réponse a été apportée pendant les débats sur ce point, soulignant que les textes dans les manuels d’histoire étaient certes très courts mais contenaient une grande densité d’informations (contrairement aux textes narratifs longs).

     

    Intervention de Laurence LE FERREC :

    Recentrage sur les discours d’enseignement.

    Langue de scolarisation : formation explicite pour que les élèves puissent entrer dans les apprentissages scolaires. Cela pose problème car il s’agit d’une culture de l’écrit qui nécessite l’apprentissage de normes. Or c’est plutôt un curriculum caché : les apprentissages sont implicites dans l’enseignement des pratiques langagières dans le cadre scolaire.

    Définir le concept de langue de scolarisation. Distinction de JL Chiss sur la présence du français à l’école.

    1° langue de communication ; des interactions didactiques, des échanges formels et informels
    Comportements communicatifs régulés.

    2° langue des apprentissages : consignes, explication, évaluation ; brouillons ; pas les genres scolaires de l’écrit, outils d’aide au travail. Interactions didactiques : construction collaborative des apprentissages = FAIRE FAIRE.

    3° langue d’enseignement, discours d’enseignement : contenus disciplinaires.
    Véhicule la transmission des connaissances : nouvelles / à réactiver / langue écrite (manuel). Sert à prendre ses distances par rapport à son expérience (langue de communication) et installe un rapport réflexif au monde, aux objets de savoir ; langue de commentaire : parler DE (et non parler à). Il y a donc une orientation cognitive, un renvoi permanent à des classements, des organisations = FAIRE SAVOIR.
    Apprendre la langue à l’école relève de toutes les disciplines qui doivent réfléchir sur les usages spécifiques qu’elles font de la langue => décloisonnement didactique ; collaboration interdisciplinaire / rapport aux différentes approches possibles

     

    Interventions - Débat :

    Jean-Louis Chiss signale la question de l’étrangeté des discours (littérature, philosophie : discours étrange/r) et la question de la culture éducative.

    Une enseignante de sciences physiques au lycée souligne les différences d’approche importantes qu’elle a constatées  dans ses classes, selon la scolarité des pays d’origine de ses élèves : différences de culture éducative qui produisent un rapport différent aux sciences, à l’expérimentation, obstacle parfois plus grand que celui rencontré par des élèves non scolarisés au préalable.
    Notion de culture empirique ou culture conceptuelle, Valérie Spaeth.
    Evocation par Jean-Pierre Cuq du projet CECA culture d’enseignement – culture d’apprentissage : www.CECA.auf.org (banque de données de classes filmées en français et en mathématiques).
    Difficulté des divergences méthodologiques très fortes entre des cultures éducatives différentes (exemple manuel d’histoire franco-allemand).
    Un commentaire est apporté par Jean-Louis Chiss sur le fait que ce qui est apprécié à l’étranger, plus que la langue française, c’est la culture éducative française et l’expertise éducative qui va avec.

    Projet IEF. L’interdisciplinarité a permis des progrès chez les élèves mais à un moment, il y a besoin de spécialistes (enseignants de français). Est ainsi posée la question des rituels à mettre en place : exemple de la répétition qui permet de progresser.
    Valérie Spaeth soulève la question de la temporalité : quel temps nécessitent ces rituels d’écriture ?
    Jean-Pierre Cuq souligne que la difficulté est, pour tous les élèves, l’accès à l’écrit, celui-ci ayant été longtemps le seul support d’apprentissage et social. Il y a aujourd’hui une délégitimation de l’écrit social : l’écrit est concurrencé par l’oral.
    Valérie Spaeth poursuit sur la question de l’écrit qui est liée au rapport personnel que l’on a à la langue, pour certains, c’est comme s’il n’y avait pas de rapport intime à l’écrit.

      Muriel Molinié : question de la segmentation, des termes nouveaux créés => nécessité de formations spécifiques face aux besoins spécifiques.  JP Cuq rappelle la défaillance de la formation en France : il faut bien que d’autres le fassent / renvoi aux associations : poser le problème au ministère, faire des propositions. Au cas où il y aurait une formation non seulement disciplinaire mais professionnelle sérieuse ; le FLS ne concerne pas uniquement les enseignants de français. V Spaeth pose la question de langue d’insertion/intégration : question de marché qui exploite les recherches faites par les universitaires et leurs anciens étudiants pour un marché juteux pour la formation des adultes.  Interroger les croyances : aujourd’hui on est dans l’ère du « pluri is beautiful », mais ce n’est pas aussi simple ; interpeller les croyances : qu’est-ce que le FLS, le bilinguisme… pour vous

    Dominique Seghetchian : problème d’immersion dans les classes ordinaires. Accès à la langue nécessite d’avoir des papiers.

    JP Cuq : marché de la langue française pour les étrangers à voir aussi en positif.

    V Spaeth : problème politique de va-et-vient entre ouverture et fermeture dans la classe : voir l’article de Pierre Encrevé, La politique linguistique de la France, entre ouverture et fermeture (en filigrane dès le XVIIIème siècle).

    JP Cuq : question du temps : qu’est-ce qui est le plus performant sur une durée donnée pour obtenir des résultats ? difficultés pratiques organisationnelles, certes, mais le saucissonnage sur l’ensemble de la scolarité laisse peu de temps de parole à chaque élève, et ce temps saucissonné est moins productif que quand il est concentré pour ensuite être redéployé.

    IFADEM : AUF site de l’IFADEM : références, sources, travaux

    JL Cuq : travaux menés en didactique : Français – math, histoire-géo mais pas de relations entre français et langues ; représentations des langues à interroger en France

    V Spaeth : quand on parle de langue d’origine on masque peut-être la réalité des enfants, est-ce la langue que parle un enfant, ou ses parents, ou ses grands-parents, elle fige quelque chose qui est toujours dynamique  // JL C appellation de langue identitaire : quel type de débat derrière ?

    Le concept de langue de référence avait été proposé et peut présenter de l’intérêt. Plusieurs termes peuvent être admissibles selon le contexte

     

    Références bibliographiques :

    Immigration Ecole et Didactique du français, Coordonné par JL Chiss, Didier

    Plusieurs ouvrages aux éditions Riveneuve :

    L’expérience de lecture et ses médiations

    Plurilinguisme et Enseignement : identités en construction

    Discours d’enseignants sur leur action en classe. Enjeux théoriques et de formation

    Le français, discipline d’enseignement, histoire, champ et terrain

     

     

     

     

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