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Communiqué de l’ASL à propos de la polémique sur le prédicat
L’Association des Sciences du Langage observe non sans inquiétude que l’École fait l’objet d’une nouvelle polémique sur les contenus d’enseignement à propos de ce que d’aucuns nomment « l’affaire du prédicat ». Cette situation appelle plusieurs commentaires sur le fond comme sur la forme.
· Sur le fond
Le prédicat n’est pas une idée farfelue qui aurait germé dans le cerveau-enflammé-de-pédagogues-ou-de-didacticiens-acharnés-à-compliquer-la-vie-des-élèves-et-de-leurs-parents : le site de publications scientifiques Persée recense pas moins de 6577 articles sur le prédicat !
Certes, la notion est complexe : ce n’est pas un fait observable comme le sont des traits qui servent à distinguer objectivement tel son de tel autre, son objectivation dépend du cadre théorique qui le pense. Alors que le prédicat logique (remontant à l’Antiquité) distinguait ce qu’on dit du sujet de ce dont on parle (sans faire la distinction entre des compléments essentiels et d’autres non essentiels), le prédicat grammatical reprend à son compte la séparation entre ce dont on parle et ce qu’on en dit, tout en séparant la fonction du groupe verbal du groupe complément de phrase. Le prédicat grammatical se construit autour du verbe et est constitué de tous les éléments sous sa rection, indépendamment des éléments qui appartiennent au groupe sujet et au groupe complément de phrase (syntaxiquement déplaçable, supprimable, etc. malgré l’importance des informations sémantiques apportées).
Cette notion est utile pour la compréhension par les élèves du fonctionnement grammatical de leur langue. En effet, le verbe désigne une classe de mots (comme celle des adjectifs, des noms…) tandis que le prédicat désigne une fonction syntaxique. Il offre un cadre intégrateur permettant de le distinguer des autres grands groupes fonctionnels de la phrase puis, dans une phase ultérieure, de procéder à des analyses plus détaillées de leurs composants. C’est pourquoi le Canada a depuis plusieurs années introduit ce « nouveau » métalangage sans que cela n’ait produit les effets catastrophiques annoncés par d’aucuns.
· Sur la forme (du débat public)
On ne saurait tenir pour rien le travail des spécialistes, linguistes et didacticiens, au fait des recherches portant sur l’enseignement de la langue, qui ont participé à l’élaboration des programmes, qui ont été très attentifs aux questions de terminologie scolaire. Les projets de programmes ont été soumis aux organisations professionnelles, puis à une consultation nationale, enfin au Conseil Supérieur de l’Éducation auquel participent les organisations syndicales, avant d’entrer en vigueur à la rentrée 2016.
Assurément, les innovations terminologiques sont délicates. Elles nécessitent des documents d’accompagnement (qui existent), une formation initiale et continue des enseignants qui sont, par nature, toujours perfectibles. Il y a sans doute à progresser ici, mais le travail est en cours, et il est en ces matières important de se donner du temps (et des moyens) pour que les innovations soient bien comprises dans leurs enjeux.
Cependant, on voit se répandre dans les médias comme sur internet des propos émanant de personnes peu informées ou de mauvaise foi, menant une campagne malhonnête sur le thème qu’on n’enseignerait plus la grammaire, que tout serait « négociable ». Alors que les rumeurs, les amalgames, les mensonges ont joué un rôle détestable dans l’élection présidentielle américaine, il ne faudrait pas que ces polémiques malhonnêtes viennent abaisser le débat légitime qu’appelle, notamment sur les questions éducatives, la future élection présidentielle française.
Paris, le 26 janvier 2017
Alain Rabatel, Président de l’ASL
Contacts - 06 75 13 24 31 Alain.Rabatel@univ-lyon1.fr Alain.Rabatel@ens-lyon.fr a.rabatel@free.fr