Association française pour l’enseignement du français

Culture professionnelle

  • 18
    Oct

    « Alors, vous n'avez pas appris à faire un cours ? », par Joëlle Thébault

    Appel à témoignage sur l'entrée dans le métier

        Cette question, entendue « dans le poste », s’adressait à une jeune enseignante, recrutée dans le cadre de la toute nouvelle législation[1], la veille de la rentrée. Puisque la formation professionnelle a été réduite à quelques journées organisées par les inspections, la réponse était non, bien sûr. Il n’en allait peut-être pas très différemment dans le passé, lorsque les IUFM accompagnaient dans la découverte de leur métier les nouveaux titulaires du CAPES ou de l’agrégation. Mais le problème n’est pas vraiment là : ce que révèle la question, peut-être faussement candide, c’est l’ignorance de ce qu’est en réalité le métier d’enseignant. Car préparer un cours, ce n’est pas simple, mais ce n’est pas le plus difficile…

        Les difficultés les plus aisément perceptibles, bien des stagiaires ont eu l’occasion d’y être très vite confrontés : une fois le cours préparé, on se trouve devant des élèves qui ne sont peut-être pas prêts à le suivre, pour des quantités de raisons, bonnes ou mauvaises. Il fut peut-être un temps où avoir des connaissances et faire sérieusement son travail de préparation pour les transmettre suffisait. Ce n’est plus tout à fait ainsi que l’enseignement se conçoit aujourd’hui ! Cette vision purement transmissive se heurte à la réalité de la classe, devant laquelle bien des enseignants débutants se disent seulement, mais en vain : « Pourvu qu’ils m’écoutent…[2] ».

        Pour enseigner, il ne faut pas tant faire un cours que percevoir de quoi les élèves sont capables et de quoi ils ont besoin, les évaluer, les mobiliser…Cela implique de s’être interrogé sur comment ils apprennent,  et de leur proposer de les emmener quelque part, c'est-à-dire d’avoir programmé son enseignement… Comment parvenir à cela sans aide, quand on est surchargé par la préparation de ces fameux cours, la veille pour le lendemain, parce que la charge d’un temps complet dès la première année est énorme ? 

        L’article du Monde[3] donne une idée assez claire du quotidien de beaucoup d’enseignants, et pas seulement des débutants. Le métier est de plus en plus difficile. Les déceptions s’accumulent : au lieu du cours prévu, chahut, punition et rapports divers… Quelqu’un qui voulait réellement faire ce métier, se passionnait pour ce qu’elle souhaitait faire découvrir, passe en un mois de l’enthousiasme à la désillusion.

        Et c’est là que l’institution lâche les débutants en rase campagne….

        Comme le dit clairement la jeune femme qui témoigne dans l’article cité, devant les questions savantes posées à un inspecteur et surtout devant sa réponse,  « il suffit d’un peu de jugeote », comment poser les vraies questions ?

         N’en déplaise à ceux qui ne voient dans la formation professionnelle qu’une dépense inutile, on voit ce qui manque à présent : un véritable accompagnement dans la réflexion sur « ce qui ne va pas », pour analyser les multiples sources du malaise et mieux y faire face. Devenir professionnel, dans ce domaine comme dans d’autres, ne s’improvise pas, même quand on a les connaissances, la motivation et le sérieux indispensables. En envoyant aux stagiaires en difficulté une lettre impersonnelle les invitant à « bien peser leur décision de s’engager dans ce métier », bref en les invitant à la démission, on se trompe cruellement : on piétine leurs efforts, leurs compétences, leur désir d’enseigner. On les renvoie à une vision naturalisante de l’enseignant, dont la réussite tiendrait simplement à la personnalité ou au  charisme (en avoir ou pas ?). On les décourage au moment où ils auraient besoin de soutien, et on se prive de compétences précieuses, car les difficultés rencontrées en débutant, si elles sont surmontées, peuvent déboucher sur une réelle professionnalité… Et ceux qui refusent de les supporter seront peut-être les meilleurs enseignants de demain !

        Sensible à cette situation, l’AFEF souhaiterait donner la parole à tous ceux qui vivent cette situation, en tant que stagiaire ou bien à côté de stagiaires, comme tuteur, collègue ou chef d’établissement. Tous les témoignages sont précieux, pour mieux comprendre. N’hésitez pas à apporter votre contribution : contact@afef.org



    [1] http://www.afef.org/blog/index.php?2010/05/27/569-dans-le-cadre-de-la-reforme-quelle-formation-pour-les-enseignants

    [2] « Pourvu qu’ils m’écoutent… » - Discipline et autorité dans la classe – Mémoires d’enseignants-stagiaires (collège, lycée) à l’IUFM de Créteil, présentés et coordonnés par Annick Davisse et Jean-Yves Rochex, CRDPde Créteil 1997.

    [3] Le Monde, 9 octobre 2010, Journal d'une professeure : " Il paraît qu'à la Toussaint on peut commencer à travailler ". Une jeune enseignante de français raconte ses quatre premières semaines au sein d'un collège sans histoires de l'académie d'Aix-Marseille. Voir aussi d'autres témoignages de jeunes professeurs sur lemonde.fr

     

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