Association française pour l’enseignement du français

Collège

  • 25
    Avr

    Éducation nationale et mouvement pendulaire ?, de Dominique Seghetchian

    Analyse comparative du nouveau diplôme national du brevet, et de l'ancien...

     

    Le brevet nouveau est annoncé pour la rentrée prochaine. Il est présenté dans la note de servicen°2012-029 du 24 février 2012 (BOEN n°13 du 29-3-2012). Voici une proposition d’analyse comparative en ce qui concerne l’épreuve de français. On notera en avant-propos, cette phrase de la présentation des objectifs de l’épreuve : « [Les acquis à évaluer] portent sur l’intégralité du programme pour la série générale et exclusivement sur sa partie relevant du socle commun de connaissances et de compétences pour la série professionnelle. »

    Elle me semble révélatrice de la perte de boussole de nos pilotes : le socle commun n’est plus un ensemble de capacités et de compétences mettant en œuvre de façon intégrée des connaissances, c’est une sorte de « noyau » (de pépin ?) du programme. En effet, si en mathématiques, et en science, les programmes font apparaitre ce qui relève du socle, dans notre discipline, il n’en est rien.

    Dominique SEGHETCHIAN

    BO n°31 du 9 septembre 1999

    BOEN n°13 du 29 mars 2012

    1ère partie, 1h30

    1ère partie, 1h30

    Un texte de 20 à 30 lignes, d'un auteur de langue française

    Un texte d'une trentaine de lignes maximum, d'un auteur de langue française

    […] questions visant à évaluer la compréhension. L'une au moins de ces questions porte sur le lexique et s'attache au sens de mots importants pour la compréhension, envisagés en contexte. Des questions de grammaire portent sur le fonctionnement du discours et la situation de communication, l'organisation du texte, la structure des phrases. Certaines questions peuvent porter sur l'orthographe, envisagée comme élément constitutif du sens (orthographe syntaxique, ponctuation).

    La compréhension du texte est évaluée par une série de questions qui prennent appui sur le texte distribué. Certaines de ces questions sont d'ordre lexical et grammatical. D'autres engagent le candidat à réagir à sa lecture en justifiant son point de vue

    Les questions visent à contrôler l’acquisition d’une capacité de lecture qui mette en œuvre de façon intégrée des connaissances. Le questionnement repose une conception de la lecture comme construction du (d’un ?) sens qui n’est pas donné a priori. Tout texte est doté d’une épaisseur, d’une dose d’opacité et la compréhension repose sur la maitrise des pratiques du discours et de la communication. En somme ce qui est visé c’est la validation d’une compétence sociale de maitrise de la langue dans le domaine de la lecture.

     

    Les questions visent potentiellement à un contrôle de connaissances. La rédaction du texte laisse à penser que comprendre serait comprendre le sens des mots et identifier les phénomènes lexicaux et grammaticaux mis en œuvre. En somme apprendre serait emmagasiner des connaissances et comprendre consisterait à aller piocher dans un stock disponible de connaissances pour plaquer une « grille de lecture » sur un texte. Dans cette conception les textes sont  univoques, ils se donnent à lire aisément. Dès lors un lecteur saura quasi automatiquement ce qu’il convient de penser et ressentir. Il faut penser à toutes les problématiques de l’ « inclusion » sociale, de la normalisation, qui veulent qu’éduquer soit transmettre : « ce que nul n’est censé ignorer en fin de scolarité obligatoire sous peine de se trouver marginalisé. » (Décret du 11 juillet 2006). Verra-t-on refleurir les notes comme celles des célèbres « Lagarde & Michard » d’antan, façon : « Admirez avec quelle habileté l’auteur… », « hyperbole dont l’expressivité est particulièrement remarquable », « notez la duplicité… », « cette expression est particulièrement choquante… ». Dès lors que la lecture est pensée comme à sens unique, la différenciation, la distinction –au double sens du terme- s’opèrera par la capacité à exprimer cette réception du texte autrement dit par le style.

     

    Enjeux :

    Une compétence, un usage social –le fonctionnement du discours et la situation de communication- est certifié à travers des usages littéraires. Cela implique un niveau d’abstraction plus élevé que dans la communication réelle où le sujet peut prendre appui sur son expérience. Cela demande la capacité à se détacher de soi en tant que sujet, à adopter une distance analytique, et à identifier les problématiques humaines, sociales … en jeu. Complexe pour des adolescents. Impossible pour tous ceux qui sont empêchés de se décentrer.

    Enjeux :

    L’évaluation fait une place importante à la restitution et un certain formatage est possible dans la préparation à l’examen. En effet les élèves sont soulagés en grande partie de tâches à forte charge cognitive comme l’identification de la catégorie de problème, la recherche en mémoire des connaissances formalisées est facilitée. Par ailleurs, cela correspond sans doute mieux aux représentations que les milieux populaires et une partie des élèves en difficulté se font des objectifs de leur scolarisation. Cela correspond aussi à des pratiques de lecture plus élémentaires : lire pour oublier, se perdre, se retrouver en terrain connu…

    Cependant cette conception avait été battue en brèche parce qu’elle conçoit l’apprentissage de la langue comme l’intégration de normes plutôt que d’usages. L’absence de sens des apprentissages était un obstacle réel.

    réécriture, en fonction de diverses contraintes grammaticales, d'un passage ou de plusieurs passages du texte initial. Le sujet donne des consignes précises sur les modalités de cette reformulation (modification de formes verbales, changement de l'ordre des mots, de genre, de nombre, etc...). Elles entraînent des transformations orthographiques que le candidat doit effectuer en réécrivant le texte initial

    réécriture, en fonction de diverses contraintes grammaticales, d'un passage ou de plusieurs passages du texte proposé au candidat. Le sujet donne des consignes précises sur les modalités de cette reformulation (modification de formes verbales, changement de l'ordre des mots, de genre, de nombre, etc.). Elles entraînent* des transformations orthographiques que le candidat doit effectuer en réécrivant le texte initial

     

    * Noter que, alors que les programmes recommandent d’enseigner l’orthographe rectifiée, la littérature institutionnelle s’en dispense.

    A noter que l’innovation était aussi dans l’introduction d’une évaluation sensée sanctionner positivement la manifestation de savoir-faire. Cette vision idyllique a souvent été perturbée par les erreurs de copie.

    Pas de changement significatif.

     une courte dictée.

    dictée d'un texte de 600 à 800 signes, de difficulté référencée aux attentes orthographiques des programmes.

    L’évaluation de la dictée était aussi fortement modifiée puisque celle-ci était divisée en différentes parties auxquelles était affectés un nombre limité de points. Autrement dit la note finale ne dépendait plus du seul nombre d’erreurs mais aussi de leur répartition.

    L’allongement de cette dictée est présenté comme une des principales innovations de l’épreuve…

     

    Reviendra-t-on aussi au « 5 fautes = 0 », en vigueur jusqu’au début des années 70 ?

    2ème partie, 1h30

    2ème partie, 1h30

    - Série collège : un sujet de rédaction prenant appui sur le texte initial est proposé au candidat. Il l'amène à produire un texte mettant en œuvre une ou plusieurs des formes de discours étudiées au collège. La situation de communication dans laquelle doit s'inscrire le texte à produire est indiquée dans le sujet.- Séries technologique et professionnelle : deux sujets de rédaction au choix sont proposés aux candidats de lycée professionnel. Ils prennent l'un et l'autre appui sur le texte initial, l'un fait essentiellement appel à l'imagination, l'autre demande une réflexion sur une question ou un thème constituant un élément clef du sens du texte.

    Deux sujets de rédaction au choix sont proposés aux candidats. 
    L'un fait essentiellement appel à l'imagination et prend appui sur le texte initial ; l'autre demande une réflexion sur une question ou un thème en relation avec le sens du texte. 
    Les candidats doivent produire un texte correct et cohérent, d'une longueur de deux pages au moins (environ trois cents mots). Ce texte doit être structuré, construit en paragraphes, correctement ponctué.
    Dans l'évaluation de la rédaction, il est tenu compte de la maîtrise de la langue (orthographe, syntaxe, présentation).

    En fait l’épreuve de rédaction de la série technologique était restée très proche de ce qu’elle était avant la réforme de 2000.

    Lors de son introduction, la nouvelle forme de rédaction pour la série collège, dont la consigne inclut l’indication d’une situation de communication, a pu être présentée comme une innovation susceptible de correspondre aux besoins des élèves en difficulté en se rapprochant des usages sociaux de l’écriture. En fait, on se retrouve avec une « vraie fausse situation » d’écriture : comment un adolescent du XXIème siècle peut-il « être » Le Bret consolant Cyrano ou un spectateur d’une séance de cinéma muet au début du siècle précédant, scandalisé ou amusé par le comportement d’une grand-mère analphabète et sourde !

    Le retour de la possibilité de choisir entre deux sujets est présenté comme la deuxième grande innovation du brevet 2013.

    La réintroduction d’un « sujet de réflexion » est sans doute une bonne chose. Celui-ci permet de structurer la pensée et le travail de composition est bien plus aisé à comprendre et à acquérir sur ce type de sujet où l’élève peut s’appuyer sur ses propres idées sans devoir en plus « devenir » un personnage.

    Une question : le retour du qualificatif « sujet d’imagination » signifiera-t-il le grand retour de la « suite de texte » ?

     

3 Commentaires

  • RÉAUTÉ Brigitte

    07 Mai 2012 à 12:15

    Professeur de lettres et par là même soucieuse de l'exactitude des textes, je m'étonne pour le moins de ce que vous écrivez dans cet article.
    Je ne lis pas le même texte que vous dans le bulletin officiel du 29 mars 2012. Il y est écrit : "Pour tous les candidats, l'épreuve évalue les connaissances et compétences définies par le socle commun au palier 3 ... Pour les candidats de la série professionnelle, les sujets sont adaptés." Et non ce que vous prétendez.
    Par ailleurs, sur la dictée, je me suis livrée à un calibrage d'un certain nombre de textes des sessions antérieures : ils tournaient généralement autour de 500 signes espaces compris. Je n'ai pas lu que c'était une "innovation" mais une précision. Quant à ce que vous dites sur la notation de la dictée, cela relève du procès d'intention.
    Par ailleurs nous sommes beaucoup de collègues à applaudir le retour du sujet d'argumentation. Et si pour vous un sujet d'imagination se limite à une suite de texte, c'est que vous manquez singulièrement d'imagination. Je vous remercierais de rectifier vos opinions reposant des sources erronées

  • Seghetchian Dominique

    10 Mai 2012 à 12:38

    Chère collègue,
    Tout d’abord merci d’avoir pris la peine de nous faire partager votre lecture de la circulaire.
    Exerçant depuis 1979 le même métier que vous, je partage le même souci d’exactitude. Les citations sur lesquelles je m’appuie, en italiques dans mon billet, sont bien dans le BO cité en référence, plus précisément dans la partie « NOR : MENE1204539N, note de service n° 2012-029 du 24-2-2012, de la rubrique enseignement primaire et secondaire. Tout comme celle que vous rappelez d’ailleurs. En écrivant « ce que vous prétendez », vous suggérez que je falsifie le texte pour ce qui concerne le rapport au Socle commun de connaissances et de compétences. Je vous invite donc à prolonger votre lecture jusqu’à l’Annexe 1, Épreuves de l’examen, Épreuves communes à l’ensemble des candidats, Épreuve de français, 3. Objectifs de l’épreuve, lignes 2 et 3. Nous nous retrouvons donc devant une des difficultés classiques de la compréhension, c’est-à-dire de l’interprétation des textes. Vous pouvez penser que l’adéquation du programme, de l’examen et du Socle commun va de soi, vous pouvez penser –et démontrer- que je me trompe (cela m’est arrivé !...), merci de ne pas instruire un procès pour mauvaise foi ou menterie !
    En ce qui concerne la dictée, je reconnais que j’aurais dû citer ma source : il s’agit de la présentation de l’épreuve sur le site Eduscol, http://eduscol.education.fr/cid59348/diplome-national-du-brevet-session-2013.html . L’affirmation qui vous a semblé erronée n’est donc pas de moi mais des instances officielles qui pilotent celui-ci, rendons à César…
    Pour le reste, ne prenez pas mes questions pour des interrogations oratoires, encore moins pour des affirmations, des prédictions. Juste, parfois, pour des craintes que j’aspire à voir démenties ! J’enseigne le français depuis 1977, d’abord en lycée professionnel puis en collège. Cela m’amène, par exemple, à une attitude très ambivalente envers la dictée, exercice qui prend différentes formes et s’avère très utile (pour la majorité des élèves) afin de travailler la centration sur des préoccupations orthographiques, sur les représentations, les erreurs, la réflexion grammaticale, l’acquisition d’automatismes… Moins pertinente pour évaluer les compétences orthographiques que l’orthographe dans le cahier de texte, la rédaction ou les épreuves liées à d’autres disciplines… Dès lors, dans ma pratiques personnelles, la question de la longueur est accessoire et je peux, selon mon objectif, dicter aussi bien 1 ligne, qu’une dictée de brevet d’avant 1975 (elle était alors le support des questions et fort longue selon nos actuels critères !).
    En ce qui concerne la rédaction, je partage pleinement votre opinion concernant le retour d’un écrit clairement et spécifiquement argumentatif. D’abord parce que la capacité à argumenter est fondamentale pour l’exercice de la citoyenneté, elle est fondamentale aussi pour la construction d’un esprit critique et donc pour l’accès à toute démarche culturelle ou scientifique. De plus, l’expérience que j’ai de ce type de sujets me fait dire que cette écriture, où l’argumentation et sa construction sont clairement identifiables, est bien plus accessible pour des adolescents (et pas seulement) que la pratique de l’écriture à visées multiples qui prévalait depuis 2000. Ce n’est pas par hasard que la partition entre un sujet d’imagination et un sujet de réflexion avait été maintenue pour les séries technologiques : elle représente pour les candidats un allègement de la charge cognitive. J’y vois aussi d’autres avantages : préparer des élèves à ce type d’exercice permet réellement de les guider dans l’apprentissage de l’expression d’une pensée CONSTRUITE, ainsi que dans l’acquisition d’une culture humaniste, à travers la nécessité d’illustrer son argumentation. Elle permet donc de travailler une attitude (au sens que ce mot a dans le Socle) d’acculturation.
    Je peux tout à fait concevoir que vous ne partagiez pas les craintes qui, je le reconnais, sont sous-jacentes à mon questionnement. En ce qui me concerne, j’eusse aimé que les changements auxquels j’ai assisté au cours de ma carrière se fondent sur des analyses et des bilans. Cela permettrait d’éclairer les intentions des décideurs et nos pratiques, à travers l’appropriation d’objectifs généraux clairs, et en sachant ce qui était problématique, quelles recherches l’ont mis en évidence, etc... Ma méfiance prend sa source dans ma lassitude de voir qualifier de nouveautés le retour de ce qui a été qualifié à un moment de ringardise, et ce au moment où l’entrée dans « l’économie de la connaissance » est censée bouleverser les fondements même de l’Éducation Nationale (Cf l’annexe du décret de 2006 : « La définition du socle commun prend également appui sur la proposition de recommandation du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne en matière de “compétences-clés pour l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie”. » (http://www.education.gouv.fr/bo/2006/29/MENE0601554D.htm annexe §3). Tout fonctionnaires qu’ils soient, les enseignants sont à mes yeux des praticiens réflexifs et non des exécutants.
    Ainsi, que cherchait-on en introduisant une notation par pans de la dictée ? A ma connaissance c’était fondé sur des recherches portant sur la difficulté pour les élèves à maintenir un niveau constant d’attention, du moins c’est ce que j’ai entendu en formation, lors de son introduction. Cette préoccupation a-t-elle toujours la même place à l’heure du Socle ? J’ai une question, pas sa réponse.
    Sur les « suites de texte », qui représentaient selon une recherche INRP sous la direction de Jean-Marie Fournier (La rédaction au collège, pratiques, normes, représentations, 1999), un tiers des sujets d’imagination. Évoquer leur grand retour n’était pas une attaque : ces sujets permettaient à mon sens d’évaluer la lecture et la culture des candidat(e)s et avaient au moins autant d’intérêt qu’un sujet comme « Le petit-fils du narrateur retrouve la bille que celui-ci a coincée. Elle se met à évoquer le passé et tout ce dont elle a été le témoin. Racontez. » ou, comme si Zola et Marcel Aymé étaient solubles, « Dans un dialogue, le cheval évoque son triste sort. » (je cite de mémoire des sujets des années 1980 qui m’avaient particulièrement scandalisée). La contrainte de se couler dans « le moule » d’une écriture est par ailleurs aussi formatrice que l’art du pastiche, par exemple. Oui, on apprend aussi par imitation. Est-elle pertinente comme évaluation ? Je crois que c’est plus complexe.
    Vous le voyez, mes opinions –pour le coup il s’agit bien de cela- sont plus nuancées que, me semble-t-il, vous le supposiez. Elles ne sauraient prétendre à représenter une position officielle de l’AFEF qui, d’ailleurs, n’en a pas en la matière. C’est pourquoi, nous organisons, trois fois par an, des laboratoires d’idées pour que des professionnels intéressés par un thèmes débattent, ou des conférences permettant à des chercheurs de faire état de leur travail. Votre réaction me parait témoigner de la passion soulevée par les débats éducatifs, et par ceux qui concernent la discipline que nous enseignons. Passion à la hauteur des enjeux. Mon questionnement peut alors être perçu comme oratoire.
    Dans tous les cas, sincèrement, merci de lancer ce débat : nous aspirons à ce que cette lettre devienne un lieu d’échanges à travers lesquels chacun puisse, en responsabilité, faire évoluer sa professionalité.
    Dominique Seghetchian

  • Dominique Seghetchian

    17 Juil 2012 à 11:15

    La relecture de la réponse ci-dessus appelle un mea culpa orthographique !

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