Association française pour l’enseignement du français

Lycée général

  • 13
    Oct

    Une réforme qui s'annonçait bien' au lycée

    Des compétences de base indispensables dans une société démocratique
    Certains des constats sur lesquels se fonde le diagnostic de l'état du lycée posé par le Ministère de l'Education Nationale peuvent nous sembler pertinents.

    En effet, nous sommes conscients, depuis quelques années, de la hiérarchisation croissante des filières, qui instaure une hégémonie de la voie S, sans aucun rapport avec des préoccupations réellement scientifiques, et détourne les lycéens de sensibilité « littéraire » de centres d'intérêt où ils pourraient développer leurs compétences. Nous déplorons aussi que le système actuel, qui favorise plus le bachotage que l'autonomie des élèves, ne favorise pas les temps de recherche et de lecture indispensables à la construction d'une culture plurielle.

    Que penser alors des perspectives qui nous sont proposées ?
    Voisines du système universitaire auxquelles elles veulent conduire les élèves, elles s'inspirent largement de l'organisation finlandaise de l'enseignement, fruit d'une patiente mutation, vers laquelle tous les regards sont actuellement braqués.

    Le premier principe, qui veut séparer la seconde du cycle terminal, part d'une intention louable de ménager, entre le collège et le lycée, une période de transition qui installe une véritable polyvalence et laisse les choix plus ouverts.
    Mais pourquoi cette transition, qui pointe bien la nécessité d'explorer des domaines nouveaux au moyen de parcours guidés, ne s'appuie-t-elle pas sur l'ossature solide que pourrait constituer le socle commun ? Pour que l'adaptation soit réussie, elle doit tenir compte des compétences réelles des élèves dont l'hétérogénéité, particulièrement relevée tout au long du collège, ne va pas disparaitre miraculeusement lors d'une entrée en seconde qui ne relève pas toujours d'un choix raisonné.

    Le deuxième principe, qui propose « d'organiser les enseignements et activités proposés aux élèves autour de trois grands blocs principaux », fait déjà grincer des dents faute de concertation. Il est certain que d'autres disciplines sont plus inquiètes que la nôtre, indiscutablement inscrite dans le bloc des enseignements fondamentaux. Et elles pourraient nous reprocher cette place de choix.
    Sauf que, si des groupes de pression ont été entendus concernant certaines conceptions de l'enseignement du français, ce n'est certainement pas notre association jamais consultée malgré les assurances formulées par le ministère il y a un an. Peut-être notre nouvelle et récente demande sera-t-elle entendue cette fois ? Rêvons toujours.

    En attendant, quelle idée pouvons-nous nous faire des apprentissages prévus dans cette nouvelle architecture ? Nous n'allons pas réclamer plus de temps que les autres dans le tronc commun, ce serait malvenu. Alors, que privilégier dans ces trois heures d'enseignements fondamentaux :
    - La maitrise de la langue et des langages, garant de l'insertion sociale, dont nous savons bien que, garantie par aucun socle commun, elle n'est pas assurée à la sortie du collège ?
    - L'aide à l'écriture autonome, bagage indispensable pour une organisation modulaire et un parcours individuel responsable ?
    - La littérature dont nous nous sommes toujours battus pour qu'elle soit, pour tous les élèves, un moyen privilégié de compréhension du monde et des hommes?
    Une négociation bien menée pourrait nous éviter le grand écart entre des ambitions culturelles difficilement accessibles et une demande sociale légitime de compétences langagières.

    A moins que l'organisation modulaire, troisième grand principe, ne permette de résoudre toutes les difficultés. Nous nous prenons à rêver d'un lycée «de Thélème » où chacun sera tellement heureux d'apprendre qu'il choisira les modules nécessaires et efficaces pour devenir un « honnête homme » et un citoyen accompli. Où l'hétérogénéité bien pensée permettra à chaque élève, par une émulation saine et active, de se frotter à différents groupes sociaux et centres d'intérêt.

    Loin d'un enfermement dans des groupes de niveau, ou d'un cheminement trop solitaire, il se socialisera dans des pôles d'apprentissage, constamment accompagné, voire guidé, par un conseiller responsable dont le nom reste à trouver. Garant d'une colonne vertébrale solide, celui-ci saura rappeler au plaisir de l'apprentissage quelques récalcitrants, et conseiller les plus dubitatifs sur les choix à effectuer pour se donner une formation solide et ouverte sur ses projets.

    Evidemment, cet enseignant conseiller, référent d'un petit nombre de lycéens, dont l'horaire de cours traditionnels diminuera probablement, verra son temps de présence auprès d'eux augmenté en même proportion. Si le temps passé en classe par les élèves doit être réduit, ce ne peut certes pas se faire au détriment des enseignants qui, véritables accompagnateurs, assureront par leur présence renforcée un dialogue indispensable.

    Mais attention, cet accompagnement, s'il comporte certes un volet interdisciplinaire, fait aussi appel aux compétences spécifiques des enseignants de disciplines, seuls capables d'aider efficacement les élèves dans leurs besoins spécifiques. Des parcours individualisés ne peuvent fonctionner que fermement articulés à une architecture solide et à des référents très présents sur le plan disciplinaire aussi bien que structurel.

    Si nous insistons tant pour que soient dans le bagage de chaque lycéen, quel que soit son projet, la maitrise de la langue et des langages, ainsi que les compétences d'écriture autonome et de lecture littéraire, ce n'est pas par préoccupation corporatiste, mais parce que nous sommes convaincus qu'elles sont des compétences de base indispensables dans une société démocratique.

    Viviane Youx, présidente de l'AFEF

    Lire l'article de Philippe Meirieu dans Le Journal du dimanche

1 Commentaire

  • Hugues VESSEMONT

    22 Oct 2008 à 15:55

    C'est la fin programmée des classes.... pas des troupeaux, les élèves seront tassées par paquet de 30-35 dans tous les cours, bravo l?efficacité? économique...Elles ne seront plus du tout ce groupe qui prend de la cohésion en deux trois mois.

    Ma réaction à l?annonce officielle du contenu de la réforme du lycée est d?abord liée au dernier carnage qui a eu lieu en Finlande. Celui-ci rejoint une liste trop longue d?événements du même genre. Il semble que l?institution scolaire a été épargnée par ces phénomènes chez nous. N?y aurait-il pas une certaine corrélation entre ces faits tragiques et la façon dont ces adolescents sont pris en charge dans leurs établissements d?enseignement. Les États-Unis, l?Allemagne et la Finlande n?ont-ils pas un système scolaire très individualisé, où le groupe classe s?efface devant des structures plus lâches, plus éphémères et disparates, groupe de module ou d?option ? La classe fixe, groupe de référence pour une durée longue, ne serait-elle pas, par ses solidarités induites, un dispositif empêchant de telles impasses personnelles de naitre ?

    Enfin, présenter la seconde avant que ne soit dévoilées les deux années suivantes, relève de la pire des man?uvres grossières. C?est pourtant là que se verront les énormes distorsions entre le discours affiché et la régression ainsi organisée.

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