Association française pour l’enseignement du français

Qui sommes-nous ?

  • 14
    Déc

    Une association qui ouvre le débat

    Pour un bilan de l'enseignement du français
    Les journées AFEF, qui se sont tenues à Caen les 20 et 21 mai dernier, avaient pour but d'entamer un bilan de l'enseignement du français, à l'école, au collège et au lycée, afin de dégager des perspectives, des priorités pour le travail futur de l'association. Les participants ont donc travaillé en ateliers afin de déterminer ce qui leur paraît avoir progressé, et dont nous pouvons être relativement satisfaits, ce qui fait difficulté et sur quoi il faut continuer à travailler, ce qui fait défaut ou est simplement insuffisamment pris en compte, que ces lacunes proviennent de l'institution ou des enseignants eux-mêmes. L'AFEF tirera à l'automne de ces réflexions un bilan détaillé, qui servira de base pour des approfondissements et des propositions ultérieures. Le compte rendu qui suit veut simplement, dans un premier temps, indiquer les grandes orientations, les champs et les thèmes de réflexion, ainsi que les principaux constats et conclusions que nous en avons tirés. Les programmes : une cohérence plus grande, déjà présente mais à développer On a noté une plus grande unité dans les programmes de français, du primaire au secondaire, de la maternelle au lycée. D'autre part, les participants les perçoivent dans l'ensemble comme des programmes ouverts, favorisant la mise en 'uvre de projets. Il existe donc une marge de liberté, mais cette liberté n'est pas toujours suffisamment utilisée. Cependant cette cohérence inter cycles peut encore être renforcée, par exemple dans le domaine de la lecture et de l'écriture, en particulier en renforçant le lien école-collège. Il faudrait en particulier, pour pallier les difficultés en lecture et en écriture, mieux maîtriser ce que sont les apprentissages premiers dans ces deux domaines. La lecture : des progrès considérables... accomplis et à accomplir ! Commençons par le plus positif, un constat unanime des participants : on lit beaucoup plus et beaucoup mieux dans les classes de français en l'an 2005 qu'il y a trente ans. On est plus en contact ave le livre, les lectures sont plus nombreuses, beaucoup plus diverses et ouvertes, les démarches de lecture se sont également diversifiées et enrichies. A tous les niveaux du cursus, la pratique de l''uvre intégrale s'est développée, la lecture « littéraire » a sa place dès le cycle 3, avec la pratique de l'album, la littérature jeunesse voit sa place affirmée (on se félicite en particulier de l'ouverture annoncée d'une option « littérature de jeunesse » au concours des PE). L'AFEF, rappelle-t-on, a toujours défendu l'enseignement de la littérature (en témoigne récemment le congrès de Nantes, dont le texte programme : « lecteurs, littérature, enseignement » n'a rien perdu de son actualité (Supplément au numéro 121, avril 1998, également accessible sur notre site), mais comme l'expose ce même texte, nous la concevons comme héritage à transmettre plus que comme patrimoine à préserver. La littérature est à donner, elle n'est pas à sauver. On note à ce sujet que pour certains, la littérature semble une entité constituée une fois pour toutes, dont les professeurs de français seraient les gardiens... de musée ! Une réelle et très positive diversification des pratiques de lecture On se félicite du développement de formes de lecture qui invitent à lire plus, à croiser les lectures, et ceci dès l'école, en relation avec l'exension des pratiques de la littérature jeunesse. Les CDI, qui sont une spécialité bien française, ont joué un rôle considérable au service de la lecture plaisir, de la lecture documentaire. L'officialisation par l'institution de la lecture cursive a permis de rééquilibrer les modes de lecture, trop systématiquement orientés auparavant vers la lecture analytique. Certes, la lecture cursive ne permet pas une lecture fine, mais elle développe la curiosité des élèves, leur capacité à établir des relations entre les textes, et elle permet de lire plus, et avec plus de plaisir. C'est donc un acquis capital, à conserver et développer. Des difficultés et des doutes cependant Il reste cependant bien des progrès à faire. Dans l'enseignement primaire, on perçoit encore une grande difficulté à questionner les textes, à sortir du « qui ? quand ? quoi ? ». A tous les niveaux du cursus, l'apprentissage de la lecture documentaire reste en général négligé, et les compétences des enseignants dans ce domaine restent minces. Dans l'enseignement secondaire également, il semble que les problématiques littéraires que nous concevons puissent faire passer au second plan le texte en temps qu'objet à découvrir, à rencontrer dans un authentique dialogue entre l'écrit et le lecteur. Il importe en effet de ne pas faire des 'uvres les alibis de discours interprétatifs, mais de construire avec elles un dialogue permanent et réfléchi. On s'interroge également, dans le contexte de développement de pratiques de lecture qui invitent les lecteurs à davantage d'autonomie et de responsabilité, aux limites du libre droit à l'interprétation : il existe un « droit du texte », mais aussi un « droit du lecteur », et il nous semble que ces questions ne sont pas assez prises en considération, alors qu'elles méritent réflexion, et qu'elles pourraient être exploitées par exemple dans le cadre par exemple de l'ECJS, en relation avec la dimension éthique de l'enseignement du français (voir plus loin). Des pistes pour l'AFEF Il a semblé aux participants que l'AFEF devait d'une part s'engager résolument dans la promotion et le développement de la lecture cursive (ce qui n'implique évidemment pas l'abandon de la lecture analytique : voir à nouveau le texte programme du congrès de Nantes), et qu'elle pourrait utilement diffuser sur son site des listes commentées d'ouvrages, à destination des enseignants de français. l'écriture : des pratiques plus riches, mais des problèmes subsistent Comme pour la lecture, on s'est félicité de progrès sensibles dans les pratiques d'écriture. On a noté par exemple que les ateliers d'écriture en ZEP motivent à la lecture des élèves en difficulté. On a vu se développer de vraies situations d'écriture, variées, intégrant souvent l'outil informatique. Le travail de réécriture à partir du brouillon commence à se répandre. L'écriture d'invention récemment officialisée au lycée a produit une grande diversification dans les écrits que les élèves sont invités à produire, et cela favorise l'écriture simultanée du professeur, ce qui est une excellente chose, à répandre davantage encore. Il faut rappeler qu'il y a quelques années, la seule forme d'écriture pratiquée au lycée dans la plupart des classes était l'écriture interprétative : dissertation ou commentaire. Ce n'est plus vrai aujourd'hui, et c'est tant mieux. Cependant, l'écriture en classe reste trop souvent une écriture de fin de séquence, aux fins d'évaluation. Il faut donc lui donner un vrai statut d'activité formatrice, à différents moments des séquences et avec des objectifs multiples et variables. Il y a là un réel travail de formation à mener, pour modifier en profondeur les représentations du rôle de l'écriture en classe. S'agissant de l'écriture d'invention, on note une grande différence entre ce qui se fait en seconde et ce qui se fait en première. Dans cette dernière classe, elle tend à se stéréotyper et à devenir une routine, en relation avec les sujets proposés au bac. On remarque d'ailleurs que lors de l'introduction de l'écriture d'invention parmi les sujets proposés à l'examen, certains avaient prédit que tous les élèves prendraient le sujet d'invention, perçu comme plus facile. Or cela n'a jamais été le cas, et moins encore aujourd'hui qu'hier. Au contraire, l'écriture d'invention est souvent perçue comme un piège, et stratégiquement moins intéressante et rentable que d'autres exercices. Que voulons-nous promouvoir ? Dans ce domaine, il faut faire évoluer l'écriture d'invention au bac : proposer des contraintes plus formelles, qui fassent de l'écrit le résultat d'une réflexion. D'une manière plus générale, nous voulons continuer à valoriser l'écriture, à la développer : les élèves ont du mal à écrire, alors faisons-les écrire le plus possible, des écrits le plus divers possible. C'est ainsi entre autres qu'on leur donnera les moyens de verbaliser et d'échanger, de s'affirmer, de se reformuler. C'est ainsi qu'on leur permettra de construire une posture réflexive, un rapport individuel au monde qui les entoure. Nous avons donc à inventer des dispositifs susceptibles de déclencher l'envie d'écrire, pour rencontrer le maximum de formes, d'univers. Dans cette perspective il est certainement souhaitable de développer dans les classes les entreprises de microédition artisanale, en mettant à profit les ressources du traitement de textes. La langue : une crise et un chantier Il faut bien reconnaître que les progrès indéniables et importants réalisés dans le domaine de la lecture et de l'écriture n'ont pas eu de conséquences positives évidentes dans le domaine de la maîtrise de la langue. De très nombreux enseignants, à commencer par nous-mêmes ont le sentiment d'un échec, d'une inefficacité, aggravés par des discours polémiques pavés de lieux communs, de préjugés et de mauvaise foi, mais qui nous affectent parce que, face à ce problème, nous ne sommes pas suffisamment sûrs de nos analyses et de nos positions. En effet, aujourd'hui, si la théorie semble claire, sa mise en pratique reste hasardeuse. Trop souvent, les jeunes enseignants, pris entre grammaire traditionnelle et linguistique, ne discernent pas ce qui est réellement utile pour les élèves. Il faut dire que même les enseignants plus vieux se sentent démunis. Il y a en effet de multiples causes de difficulté, dont la complexité crée la confusion : élèves d'origine étrangère, illettrisme, etc. Le diagnostic est souvent difficile, et le manque de formation est ici criant. Les collègues sont en attente de solutions de type FLE, ou axées sur les difficultés langagières. Mais il faut ajouter que ceux qui crient au scandale, en dénonçant, ce qui est facile, un réel problème, n'ont aucune analyse pertinente des difficultés, aucune solution cohérente à proposer, si ce n'est le retour à de vieilles recettes dont l'inefficacité est prouvée depuis longtemps. C'est donc en avant qu'il faut chercher les solutions, et non en arrière. Quel rôle assigner à la grammaire ? Pourquoi et comment fait-on de la grammaire ? Jusqu'où peut-on se passer de notions grammaticales ? En effet l'avis des participants est que l'outil grammatical n'est important que lorsqu'il répond à un besoin. Or bien souvent l'enseignement de la grammaire n'est pas directement en prise avec les besoins des élèves dans le domaine de la maîtrise de la langue : nous manquons par exemple cruellement d'une grammaire pour écrire. D'autre part la complexification des notions de grammaire est évidente au collège, alors même que la possibilité de leur apprentissage est davantage compromise : on pense par exemple aux notions d'énoncé ancré/coupé de la situation d'énonciation... Il faut à l'évidence simplifier et unifier notre terminologie, et nous concentrer sur ce qui est réellement facteur de compétences. La question est de savoir de quels apprentissages linguistiques nos élèves ont besoin pour leur formation et pour leur vie d'adulte. Quelles perspectives privilégier ? Plutôt que de programmer un enseignement grammatical déconnecté des besoins des élèves, il faudrait partir de ce qu'ils écrivent, pour savoir comment ils programment leurs travaux d'écriture. Ce qui importe en effet, c'est moins l'apprentissage d'une grammaire que la maîtrise des discours et des pratiques discursives. Finissons-en avec la déploration des déficits, et définissons des priorités dans une logique d'apprentissage, et pour mieux comprendre les difficultés de nos élèves. D'autre part, il serait bon d'en finir avec les fausses évidences : maîtrise de la langue : mais quelle langue ? Une observation réfléchie de la langue gagnerait à porter sur toutes les possibilités de celle-ci, et à ne pas ignorer les différents registres au profit d'une norme. Quel programme d'action pour l'AFEF ? Il faudra dans ce domaine inventer de nouvelles formes de collaboration avec les universitaires : il est indispensable de développer l'action-recherche avec des didacticiens, afin de construire ensemble une grammaire pour les classes, conçue pour répondre précisément aux besoins des élèves, et non comme science séparée. C'est là un chantier urgent, un vaste programme d'action pour la décennie à venir. L'oral : terra incognita ! Dans une perspective optimiste, on peut se féliciter de voir se développer à l'école de vraies situations d'expression orale, ce qui est relativement une nouveauté, en tout cas un progrès. Mais par ailleurs il faut bien reconnaître que la pratique de l'oral reste globalement insuffisante. Certes le temps manque, mais plus profondément l'oral souffre d'un déficit d'approche didactique. Paradoxalement l'oral est évalué, mais il n'est pas enseigné ! Il n'y a pas, ou peu, de progression fondée sur des situations d'apprentissage, ce que permettrait pourtant, par exemple, le débat argumentatif en ECJS. Pire, les représentations de l'oral chez les enseignants sont largement déficientes. La spécificité de l'oral n'est pas pensée. Les représentations erronées (par exemple la notion de « phrase » à l'oral), bloquent les avancées didactiques. Pourtant une meilleure compréhension de la structure du langage oral des élèves permettrait aussi d'avancer sur la remédiation à l'écrit. Pour avancer Il faudrait que nous apprenions à décliner les genres de l'oral, dans la scolarité et dans la vie, pour mieux apprendre à les enseigner. Par exemple, exposer s'enseigne ! De même le débat comme genre oratoire gagnerait à être développé. N'y aurait-il pas profit également à inscrire systématiquement une formation théâtrale dans le cursus des élèves ? Plus largement, nous devons réfléchir aux enjeux d'un enseignement de l'oral, en relation avec l'ensemble des objectifs qu'en tant que professeurs de français, nous poursuivons. L'argumentation Si l'argumentation a souvent été présente en filigrane dans nos échanges, par exemple dans nos réflexions sur l'oral, elle n'a été évoquée frontalement que de façon assez fugitive. Nous avons noté que l'ECJS constituait un apport très positif à son enseignement, mais nous avons surtout pointé les déficits : l'enseignement capital de l'argumentation commence trop tard. Il devrait apparaître dès la sixième. Même en troisième, il reste un peu trop stéréotypé. Il faudrait donc élargir les pratiques de l'argumentation, et la faire travailler à l'écrit beaucoup plus tôt. Il nous paraît donc urgent d'inscrire plus nettement l'argumentation dans les programmes de l'école et du collège, en particulier parce que cet enseignement est capital pour la formation à la citoyenneté. La culture et les valeurs Nous avons réaffirmé ' il y a des évidences qui sont bonnes à rappeler, dans certains contextes et face à des adversaires de mauvaise foi...' la vocation culturelle de notre enseignement. Disons, pour paraphraser un auteur éminent mais qui n'est plus guère à la mode, que notre enseignement, dans ses différents aspects, est surdéterminé par la culture ! Dans ce domaine, nous avons noté quelques avancées : l'ouverture culturelle s'est amplifiée par le développement de l'analyse des images, par l'ouverture aux autres arts, de plus en plus sensible, à tous les niveaux du cursus, même si beaucoup reste à faire en ce domaine. Mais nous avons noté que notre conception de la culture mériterait d'être précisée, ou plus précisément pensée. Il y a sur le « marché » des conceptions antagonistes de la culture, et au nom de celles-ci on peut promouvoir des conceptions de l'enseignement du français résolument antagonistes. La culture n'est pas pour nous un champ clos d'objets culturels et particulièrement littéraires. Si nous souscrivons à l'idée d'une « culture commune », c'est en tant que cette expression peut intégrer une revendication de diversité, une volonté d'ouverture au monde contemporain, et pas seulement l'appropriation d'un patrimoine (cf. la rubrique lecture du présent texte et le texte programme du congrès de Nantes, déjà évoqué). Une culture, c'est pour nous quelque chose qui s'élabore et se recompose en permanence par le dialogue entre les objets et les pratiques, et en particulier à l'intersection de multiples champs disciplinaires. Une culture, c'est quelque chose qui se pratique, et qui contribue réellement à la formation et à l'alimentation de la pensée, pas quelque chose qui se stocke ou se thésaurise. Le débat sur la culture nous a conduits naturellement à aborder la question des valeurs que porte notre enseignement. Nous avons constaté en effet que bien souvent notre approche de la littérature, ou plus généralement de la culture, manquait d'une réflexion sur les valeurs humaines que nous voulons transmettre, et dont l'urgence nous paraît de plus en plus grande. Mais il y a une vraie difficulté à didactiser la question des valeurs humaines, à penser la finalité humaine de notre enseignement. Nous voulons cependant affirmer que s'il ne prend pas en compte cette question des valeurs, notre enseignement est privé de sens. Nous traduirons plus loin ces réflexions sous forme de perspectives pour l'AFEF. Des formes de travail collaboratif, pour les enseignants et pour les élèves Pour les enseignants : le défi du travail d'équipe et de l'interdisciplinarité. Certains ont noté avec satisfaction que le travail en équipes existe, et donne d'excellents résultats , en particulier en ZEP avec le dispositif ROLE. Les évaluations JADE permettent de constituer des groupes de besoins pris en charge par l'équipe. L'interdisciplinarité existe aussi, particulièrement en lettres et histoire. Mais d'autres collègues témoignent contradictoirement du fait que ces heureux résultats sont loin d'être généralisés, et que dans certains cas, le travail en équipes a même régressé. On note d'ailleurs que même si la nécessité du travail en équipes est affirmée par l'institution, rien n'est fait pour le favoriser : par exemple, le travail de coordination en français n'est pas rémunéré ; à la différence de l'histoire-géographie, l'enseignement du français ne dispose pas d'heure de « laboratoire ». Comment avancer ? En relation avec ce que nous disions plus haut, à propos de la culture et des valeurs, il faut mieux affirmer l'idée que celles-ci se construisent plutôt à l'intersection des disciplines, des savoirs, que dans l'espace privé et protégé de chacun de ceux-ci. A partir de là, on pourra militer, institutionnellement et dans la pratique quotidienne (nous savons par expérience à l'AFEF que pour que les idées soient validées par l'institution, il faut d'abord les mettre en pratique... !) pour que le travail interdisciplinaire progresse véritablement. Les perspectives ne manquent pas : des problématiques « carrefour » pourraient inviter à réfléchir à la façon dont chaque discipline structure, organise son discours, et permettre aux élèves de mieux cerner les spécificités, et les complémentarités disciplinaires. On a déjà évoqué (cf. rubrique lecture) les déficits de formation concernant certains types de textes, documentaires et scientifiques par exemple, déficits qui seraient mieux résolus par une approche interdisciplinaire que par une pratique cloisonnée (et cela permettrait au passage aux enseignants d'apprendre les uns des autres, ce qui n'est pas rien). Pour les élèves : travail de groupes et travail en projet Là encore les témoignages convergent pour affirmer les profits du travail en projet, dont le bilan est très positif par exemple au LP, dans le cadre des PPCP, ou au lycée dans les TPE. On note également que les enseignants de français se sont souvent investis de manière importante dans les IDD. Dans la démarche de projet, l'élève est davantage placé dans une position centrale. Le projet favorise le travail de groupes, qui peut par ailleurs trouver d'autres formes de développement dans le cadre de travaux scolaires plus standard. Celui-ci s'avère très motivant et formateur pour les élèves. Mais là encore, on note des freins et des difficultés : dans les LP, les PPCP ont tendance à péricliter, de même que les TPE, torpillés par l'institution elle-même. La mise en place du travail en projet est freinée par le manque de temps. En fait, d'une manière générale, l'institution n'aide pas au développement de ce type de pédagogie, qui implique un minimum de moyens. Or comme dit très bien L'Avare, le problème du point de vue du ministère n'est pas de bien enseigner avec beaucoup d'argent, mais de bien enseigner avec peu d'argent. A long terme, le risque est que les enseignants enseignent pour vivre, au lieu de vivre pour enseigner. Mais la cassette a ses raisons que la raison ne connaît pas. La formation, fantôme ou mirage... Dans chacune des phases de notre bilan, la question de la formation a été abordée, avec scepticisme. Le constat général est qu'il y a un manque criant de formation des enseignants, ce que nombre des constats effectués ci-dessus permet de vérifier. Dans ce domaine, à l'évidence, l'institution n'assure pas sa mission, et cela explique nombre des problèmes que les enseignants rencontrent. Mais comme la critique des autres implique, si l'on a quelque souci d'honnêteté (cf. ci-dessus la question des valeurs...) que l'on se critique soi-même, nous avons reconnu que l'AFEF avait trop souvent manqué, en particulier via ses publications, le lien entre la didactique et le travail concret des élèves. Ce sont trop souvent deux activités parallèles, et de ce fait, si peu mathématicien qu'on soit, peu susceptibles de se rencontrer. Quelles perspectives pour l'AFEF ? Si l'on résume ce qui ressort de ce bilan, c'est d'abord que tout ne va pas si mal, et qu'en tout cas de réels progrès ont été accomplis. Il importe de le dire haut et fort, pour couvrir la voix de ceux qui tiennent des propos catastrophistes. Cela ne signifie évidemment pas que tout aille bien, et on l'a vu au fil des pages qui précèdent. Il reste beaucoup à faire, beaucoup à apprendre pour résoudre le plus possible les difficultés. Mais ces difficultés tiennent beaucoup plus à des causes socio-culturelles, liées à la transformation considérable du public scolaire au cours des dernières decennies, qu'à un déficit de l'enseignement. Au contraire, on peut affirmer sans crainte que l'évolution des pratiques d'enseignement du français ont permis de limiter les dégâts, et de conduire davantage d'élèves à la réussite. A partir de ce bilan, nous avons essayé de définir des priorités pour le travail de l'AFEF au cours des années futures. Mieux faire comprendre les enjeux de notre discipline Nous éprouvons souvent une difficulté à faire comprendre nos objectifs et nos méthodes d'enseignement aux parents d'élèves, et cela fait le jeu de ceux qui caricaturent la réalité et prônent le retour aux recettes du passé (la sacro-sainte dictée, par exemple). Nous devrons donc trouver les moyens d'une « vulgarisation » de notre enseignement. Affirmer la vocation culturelle et éthique de l'enseignement du français L'AFEF doit en effet faire entendre sa voix, plus nettement qu'au cours des dernières années. Pour cela, il faudra que nous rédigions un manifeste offensif, soulignant que le but que nous poursuivons est la formation d'une culture, avec le souci de définir ce que nous entendons par là : pas la simple assimilation d'un patrimoine conçu comme un trésor à admirer et conserver, mais un ensemble de références en constante reconstruction, qui permet à chaque individu de s'inscrire positivement dans la société, en tant que personne et en tant que citoyen. En ce sens cette culture est indissolublement une éthique : elle est inséparable de la constitution des valeurs humaines dont nous parlions plus haut. Pour cette raison, le manifeste que nous voulons écrire devrait être également une sorte de déclaration des droits et devoirs de l'enseignant de français. L'élève au centre du dispositif éducatif L'un de nos constats a été que nous ne savons pas assez comment les élèves apprennent, et que c'est certainement l'une des causes de nos échecs. Si nous voulons travailler efficacement à la construction de compétences de lecture et d'écriture, par exemple, nous devons être capables de faire des diagnostics sûrs, pour mettre en 'uvre les outils appropriés. Pour cela il faut que nous développions nos connaissances dans le domaine de la psycholinguistique, et que nous contribuions à en vulgariser les acquis. De la même manière, nous avons noté le peu de compétences de beaucoup d'enseignants en ce qui concerne la pédagogie différenciée, qui constitue pourtant une réponse à nombre de problèmes d'apprentissage. Diffuser, vulgariser les acquis de la recherche en didactique L'un des rôles de l'AFEF est donc de transmettre les fruits de l'expérience enseignante et de faire connaître les résultats de la recherche en didactique. Pour cela, il nous faut constituer des groupes de recherche didactique en lien avec l'université. Cela permettrait probablement d'avancer dans l'élaboration de travaux de synthèse permettant de rendre lisible la recherche et ses acquis, de faire le lien entre les références universitaires. Créer des espaces collaboratifs Nous avons rappelé que l'AFEF travaille dans le même sens que d'autres structures, avec lesquelles elle doit continuer à entretenir des liens, des collaborations : L'INRP, Les Cahiers pédagogiques, le café pédagogique ou web lettres. Il est essentiel que nous nous appuyions sur tous ceux qui partagent les mêmes valeurs que nous, la même conception de l'enseignement du français. Nous gagnerons ainsi en force et en crédibilité. D'une manière générale, l'AFEF doit être une force de valorisation du travail enseignant (un peu à la manière de l'association « La Main à la pâte »). Pour cela, il importe de développer la co-édition avec les CRDP , de s'intéresser aux Espaces Numériques des Savoirs des rectorats et des IUFM. Notre site doit par ailleurs mettre à la disposition des enseignants des documents facilement utilisables, des bibliographies, des séquences comprenant les textes étudiés : il s'agit de faire de notre site un outil de formation continue privilégiant l'échange entre pairs. Ces échanges entre pairs, il peuvent se créer dans les régions, sous la forme de groupes de travail sur des objets pédagogiques spécifiques, liés aux besoins immédiats des enseignants : le travail sur la langue, la correction pourraient ainsi être des thèmes susceptibles d'intéresser nombre de collègues, qui en tireraient un profit quasi immédiat. Les échanges, les expériences développées dans ces occasions pourraient alimenter le débat associatif via le site, et en relation avec les partenaires que nous avons cités plus haut. En particulier, on pourrait ainsi créer des liens avec les jeunes collègues, accompagner les néotitulaires pour les aider à entrer dans le métier, avec des profits et des enrichissements réciproques. Prendre en compte les conditions concrètes d'exercice du métier. Enfin il est probablement temps de mieux cerner la limite entre l'action associative et l'action syndicale. Si l'AFEF s'est toujours interdit de prendre en charge des revendications qui lui semblaient dépasser sa sphère de compétences (par exemple à l'occasion du débat sur les retraites), elle devra probablement dénoncer plus vigoureusement la surcharge évidente et de plus en plus forte des enseignants de français, dans la mesure où cette surcharge est incompatible avec un exercice efficace du métier, et avec la nécessité d'une formation continue.

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