Association française pour l’enseignement du français

Collège

  • 13
    Nov

    Un examen pour entrer en 6ème ??? par Joelle Thebault

    La Lettre de l'AFEF n° 3 novembre 2010 - A la Une

     

    L’idée a été avancée en cette belle fin d’octobre par Jean-François Copé, qui réussissait ainsi à peu de frais à susciter un remue-ménage politico médiatique aussi vif que stérile.

     

    Rapidement écartée par "les belles âmes de la gauche enseignante"[1] ? Même pas ! Luc Chatel s’en est chargé aussitôt : "le socle commun, la loi Fillon, a prévu que ces compétences soient évaluées tout au long de la scolarité[2]." On est tenté de penser que le coût d’un examen supplémentaire était suffisamment dissuasif, même aux yeux de ceux qu’elle pourrait séduire, ceux qui ne se sont pas privés d’évoquer avec des tremblements dans la voix le souvenir du certificat d’études…

     

    L’argument de JF Copé semble marqué au coin du bon sens : "Je veux défendre une idée forte : l'entrée au collège ne doit se faire que pour l'enfant qui maîtrise totalement les savoirs fondamentaux". En effet, 5 ans après l’adoption du socle commun par le parlement, le collège est jugé "inefficace ou relativement inefficace pour près de trois-quarts de ses élèves" par le rapport présenté le 7 avril 2010 par J. Grosperrin[3]. Plusieurs facteurs sont avancés pour expliquer cet échec, parmi lesquels des "facteurs structurels d’inefficacité. En particulier, dit-on, le collège est le réceptacle des échecs du primaire." En effet, selon le rapport du HCE[4], "l’école primaire ne parvient pas (…) à réduire des difficultés pourtant repérées très tôt chez certains élèves et qui s’aggraveront tout au long de leur parcours scolaire. Les élèves aux acquis fragiles seraient ainsi condamnés à une scolarité difficile au collège et à une poursuite d’études incertaine au-delà".

     

    On connaît les difficultés auxquelles se heurte une conception réellement progressive de l’évaluation, par paliers, telle que le socle commun la propose. Diverses voix se font entendre pour mettre fin au collège unique : nous y reviendrons dans une prochaine Lettre de l’AFEF. (Lire aussi  l'article de Nathalie Mons dans la Rubrique Débats du Monde du 15/11/2010)

    La proposition d’un examen d’entrée en 6e ne doit donc surprendre personne, y compris ceux qui, comme nous, la jugent particulièrement choquante ! En tout cas, elle ne surprend pas Claude Lelièvre qui met en évidence[5] la place récurrente de cet examen dans les débats sur l’école, sans rapport avec ses 23 ans d’existence. Est-ce que cela ne pourrait s’expliquer par sa valeur symbolique ? D’après C. Lelièvre, il s’agissait, au moment où la scolarité secondaire devenait gratuite (en 1933-34) de "substituer à la « barrière de l’argent » une autre « barrière »". L’examen est une façon simple de "protéger" le collège et le lycée des élèves en difficulté imposés par la massification de l’enseignement.

    Mais la question qui vient aussitôt après n’est évidemment pas posée : que ferait-on des élèves qui échoueraient à cette épreuve ? L’hypothèse du redoublement est presque grotesque : tous les rapports récents dénoncent sa contre-productivité, même si le débat est loin d’être clos.

    Dans l’article déjà cité, C. Lelièvre souligne le caractère régressif de cette proposition, "à contre-courant de la plupart des rapports ou propositions qui se sont succédé récemment à propos du collège[6] : ils insistent tous non seulement sur la nécessité de renforcer les moyens et le rôle du primaire (notamment lors des apprentissages premiers), mais aussi sur la continuité (à améliorer très fortement) entre le primaire et le collège".

    L’examen proposé n’avait aucune chance de voir le jour pour toutes sortes de raisons : il coûterait encore plus cher à la société de reléguer une fraction importante de la population scolaire ! Notre pays a besoin, au contraire, de faire progresser tous les élèves. Proposer autre chose relève de la manœuvre politicienne, parce qu’elle flatte les franges les plus réactionnaires de l’opinion, et de la mauvaise foi, parce que celui qui l’avance sait parfaitement qu’elle ne pourra être acceptée.

     



    [6] cf en particulier le rapport de la commission parlementaire présidée par Jacques Grosperrin et le rapport du HCE ; ou les prises de position de l’ « Appel de Bobigny » ou de ce que l’on peut savoir du texte du PS en préparation.

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