Faire œuvre avec le théâtre contemporain jeunesse, Joël Jouanneau…
Chacune des œuvres présentées ci-dessous (cliquer sur la couverture pour accéder à une présentation de la pièce) mérite de faire en classe l’objet d’une séquence d’étude spécifique. Les titres surlignés figurent dans la liste officielle de l’Éducation nationale. Il n’empêche que quelques approches transversales peuvent aussi permettre d’approcher cette œuvre dans le cadre d’autres séquences.
L’écriture de soi
Dans le cas de Joël Jouanneau, il serait plus juste de dire écrire avec soi. Son œuvre n’est pas autobiographique, il n’y a en aucun cas le projet de raconter ou (pire mais tellement actuel !) mettre en scène sa vie, faire découvrir la formation de la personnalité d’un grand homme, ou préserver la mémoire de son engagement dans le monde.
Ce serait plutôt que Joël Jouanneau se considère comme un exemplaire de la commune humanité, en l’occurrence celui qu’il connait le mieux, et qu’il puise dans son enfance, dans l’amour de ses sœurs, dans les tragédies familiales des émotions à partager, des valeurs et des ressources à transmettre. Ainsi chaque pièce est accompagnée d’une courte notice autobiographique qui recèle ce qui lui semble essentiel pour éclairer sa pièce.
Pour construire ce travail nous trouvons en outre à notre disposition :
Un ouvrage : JOUANNEAU J., Post-scriptum ©Actes Sud-papiers, 2012, au sous-titre parlant : « Aux sources d’une écriture ».
Les dossiers d’accompagnement de compagnies théâtrales ayant monté les pièces en question et dans lesquels on trouve des entretiens avec l’auteur :
http://treteaux.alsace.free.fr/Creation/Images/MO/Dossier%20p%E9dagogique%20MAMIE%20OUATE.pdf
http://archives.legrandt.fr/saisons/archives/2008-09/IMG/pdf/Dossier_Le_Marin_d_eau_douce.pdf
http://www.la-coursive.com/spectacles/pinkpunk-cirkus-joel-jouanneau
Il est intéressant de voir aussi comment ce ne sont pas seulement des évènements, des personnes ou des lieux –bref du réel –qui nourrissent un imaginaire mais aussi des lectures :
http://www.auteuresajouer.sitew.fr/fs/Root/c5n45-dossier_l_enfant_17_mars_2014_reduit.pdf
Intéressant enfin de voir comment le théâtre et la langue se frottent à d’autres arts comme la musique et la danse :
Entre théâtre et narration : les didascalies
Ce travail remarquable sur les didascalies est commun à Mamie Ouate en Papoâsie, au Marin d’eau douce, à L’Enfant cachée dans l’encrier, Pinkpunk Cirkus et Tête haute. C’est peut-être Pinkpunk Cirkus qui offrira la meilleure base pour un travail sur cet aspect de l’écriture d’un théâtre qui soit autant à lire qu’à jouer.
Un premier relevé permet de s’interroger sur la distinction possible entre d’une part :
« Lumière rapplique/ Petit coin perdu retrouvé, l’œil le voit/Voit Pink et Punk/ Voit Manouche et Ficelle/ Font quatre //Voit les dernier reste d’un cirque oublié:/ Lambeaux de chapiteau / Ruines de gradins / Bribes de costumes // Voit vieux phono démodé crachotant vieil air / Voit bric-à-brac/ Juste de quoi jouer, clowner et chanter. »(p. 13-14) et d’autre part :
« (Elle le fait.) » (p. 33)
« (Pink et Punk/ Grande ouverte leur bouche/ Yeux fixés sur le chemin/ Le son au loin d’une Vespa.) » (p. 34)
On aura remarqué que certaines sont entre parenthèses et d’autres non. Pourquoi ? On peut appliquer à cette question une démarche de recherche.
Est-ce explicable par une différence de longueur ? On trouve cependant (p. 35) : « Un silence qui s’entend cette fois. » (p. 35) Comme en mathématiques, le constat qu’un chat est blanc suffit à infirmer l’assertion selon laquelle tous les chats sont gris.
Serait-ce que celles entre parenthèses sont plus techniques et moins stylisées, moins marquées par un travail d’écriture ? Celle de la p. 34, citée ci-dessus suffit à balayer cette hypothèse. Qu’elles traduisent moins une impression ? Mais : (Musique / Vieil Air remis à neuf.) (p. 45)…
Finalement, le seul critère objectif qui se dégage c’est que sont entre parenthèses celles qui interrompent la lecture d’une tirade.
Dès lors suivent les interrogations : Pourquoi interrompre cette lecture ? Pour des besoins liés à la représentation (action, musique, éclairages, indication de jeu…).
Pour vérifier qu’il en est bien de même dans les didascalies du premier type, on peut proposer un exercice d’écriture : réécrire les didascalies les plus poétisées avec la sècheresse d’une didascalie habituelle ce qui pourrait donner quelque chose comme : La lampe rallumée éclaire successivement Pink et Punk puis Manouche et Ficelle, enfin les éléments du décor d’un cirque en pleine décrépitude.
Et avant d’étudier plus en détail les procédés d’écriture, on peut proposer l’exercice inverse. Réécrire à la façon de Joël Jouanneau des didascalies d’une pièce de Molière. Rien de sacrilège à cela ! Elles ne sont pas de l’auteur mais relèvent de la tradition scolaire et varient souvent d’une édition à l’autre.
L’étude des procédés d’écriture peut être menée en relation avec celle de l’écriture de Jouanneau d’une façon plus générale (centration sur le texte) ou, en s’en tenant aux didascalies et à leur rôle pour la représentation, mettre en valeur comment la scène influe sur l’écriture narrative (représentation et texte plutôt que l’inverse).
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