Association française pour l’enseignement du français

Primaire

  • 26
    Avr

    Redonner place à la littérature à l’école, de Joëlle Thebault

    Dans la Lettre de l'AFEF d'avril 2013

    Lire le billet dans sa version doc

     

    La littérature doit avoir une place à l’école, et cette place est à reconquérir.

     

    La littérature doit avoir une place à l’école… tout le monde le dit !

    L’AFEF a toujours considéré la lecture comme une activité culturelle. S’adresser aux enseignants de Français « de la maternelle à l’université », c’est souligner l’indispensable continuité des apprentissages littéraires, dès le plus jeune âge. Les compétences de lecture ne peuvent être réduites au déchiffrage, quoi qu’en disent certains. Entrer en lecture, avant même de savoir lire, c’est découvrir tout un monde de nouvelles expériences, l’échange sur les textes et le plaisir des mots. Plusieurs numéros du Français aujourd’hui ont ainsi accompagné la réflexion sur les premières expériences littéraires des élèves, comme celui consacré à « L’attention aux textes[1]» ou le tout récent  « Lecture de récits en maternelle [2]», en passant par bien d’autres jalons[3].

    Cette dimension littéraire de la lecture, dès l’école primaire, est de fait assumée par les directives ministérielles. Elle a été affirmée de façon déterminante par les Programmes en 2002. Dans le même temps, ses enjeux et les modalités de son enseignement ont été précisés dans un document d’accompagnement [4] qui reste d’actualité. Il est en effet repris in extenso en mars 2008 dans Littérature à l’école et disponible sur Eduscol[5], ce qui pourrait faire espérer une certaine continuité.

    Plus encore, la Liste de références des œuvres de littérature de jeunesse est revue en 2007 et complétée par une sélection ministérielle destinée au cycle 2[6]. On lit dans les Programmes d’enseignement de l’école primaire[7] actuellement en vigueur pour le cycle 2, p.17 : « La lecture de textes du patrimoine et d’œuvres destinées aux jeunes enfants, dont la poésie, permet d’accéder à une première culture littéraire ». Quant au domaine du Français au cycle 3, il comporte toujours une rubrique Littérature où on peut lire, p.21 : « Le programme de littérature vise à donner à chaque élève un répertoire de références appropriées à son âge, puisées dans le patrimoine et dans la littérature de jeunesse d’hier et d’aujourd’hui ; il participe ainsi à la constitution d’une culture littéraire commune. » Le texte renvoie les enseignants, un peu plus loin, à la « bibliographie de littérature de jeunesse que le ministère de l’éducation nationale publie régulièrement ».

    Les travaux de la commission nationale de sélection des ouvrages de littérature de jeunesse pour l’école primaire se sont en effet poursuivis, pour preuve la dernière version de ces bibliographies[8], où manque seulement l’élargissement attendu pour le cycle 1. On peut lire en introduction que « Dans la continuité des repères construits depuis 2002, cette sélection tient compte des ouvrages et des auteurs déjà rencontrés à l'école maternelle et reprend certaines propositions des listes de référence antérieures. »

     

    La littérature a-t-elle une place effective dans les classes ?

    On peut hélas se le demander…  Des chercheurs, des formateurs (il en reste quelques-uns) ont pu témoigner de l’appauvrissement des lectures demandées (ou proposées ?) aux élèves.

    Dans certaines classes, on ne lit plus.

    Plusieurs raisons à cela, probablement en priorité le développement effréné du programme imposé dans le domaine de l’Étude de la langue française, où la liste (voire l’empilement) des notions à acquérir fait peur.  La place donnée aux évaluations nationales a pu renforcer cette pression, conduisant bien des enseignants à consacrer tout l’horaire de Français  à des leçons et des exercices « à l’ancienne », façon censément  la plus rapide de « boucler le programme », au détriment d’un réel apprentissage : l’appropriation de la langue, nous le savons, passe par l’échange oral, la lecture et l’écriture de textes en actes (pour partager des points de vue, un plaisir de lecture, ou dans le cadre d’un projet), activités réduites le plus souvent à la portion congrue... 

    Une autre raison sans doute: l’entrée de la littérature dans les programmes de 2002 a été très diversement accueillie. Bien des enseignants ont jugé difficile  de mener à bien les apprentissages requis alors qu’ils n’avaient jamais étudié ce nouvel objet. C’est pourquoi la formation continue a joué un rôle déterminant. Des témoignages font preuve que, dans certains secteurs où les enseignants de l’école primaire ont pu/su se former, le travail dans lequel ils ont entrainé leurs élèves  a porté des fruits remarqués au collège. On peut espérer qu’ils ne se seront pas découragés depuis. Tous n’ont malheureusement pas eu l’occasion de comprendre comment ils pouvaient le faire.

    Pourtant, on a pu constater dans un passé pas si lointain le profit partagé que les élèves et les enseignants pouvaient tirer des séances de littérature, où soudain s’ouvrent des fenêtres sur le monde et sur soi-même, et où l’on peut s’autoriser à penser en dialogue avec autrui.

     

    Des projets, dans le cadre d’une actualité que nous voulons prometteuse 

    On ne peut encore tout à fait juger de ce que sera (ou ne sera pas) la refondation de l’école. La priorité accordée à l’école primaire se vérifie néanmoins, bon an mal an. La parution récente de nouvelles sélections ministérielles donne à penser qu’une continuité sera maintenue dans le domaine de la littérature. Le projet de donner au Socle commun de compétences et de connaissances une dimension culturelle plus affirmée laisse espérer une conception des programmes moins ambitieuse au plan quantitatif, mais relevant un défi plus difficile : une véritable acculturation de tous les élèves au monde de l’écrit, que certains nomment « littératie ».

    Nous avons choisi de ne pas attendre ces Programmes à venir pour (re)donner place, dans le cadre des Programmes actuels (qui l’autorisent, on l’a vu) à des apprentissages littéraires. Un dossier à ce sujet va donc bientôt s’ouvrir sur le site de l’AFEF. Il offrira :

    ·       une bibliographie -sitographie commentée , permettant d’accéder à des livres, des articles ainsi qu’à des sites académiques dont certains comportent  des outils de formation ;

    ·       de brèves « notices » (terme utilisé pour la liste de références cycle 3) sur les livres de la liste cycle 2 (ou du moins, pour l’instant, une partie d’entre eux), pour laquelle les enseignants sont plus particulièrement démunis, avec chaque fois que ce sera possible des références ou des liens vers des outils didactiques pertinents, quand ils existent à notre connaissance ;

    ·       des propositions de mise en réseaux de certains de ces livres, entre eux, et avec d’autres titres.

     

     



    [1] Le Français Aujourd’hui n°137, Avril 2002, coordonné par Serge MARTIN et Isabelle PECHEYRAN-HERNU. Plusieurs articles concernent le premier degré, sur des sujets très variés ; par exemple Catherine Tauveron « De jeunes chasseurs sur le pied de guerre », p.19, ou Jean Mesnager « Pour une étude de la difficulté des textes : la lisibilité revisitée », p.29.

    [2] Le Français Aujourd’hui n°179, Décembre 2012, coordonné par Marie-France BISHOP & Patrick JOOLE

    [3] Par exemple « L’album, le texte et l’image », de Sophie VAN DER LINDEN, dans Le Français Aujourd’hui n°161, Juin 2008, coordonné par Jeanne-Antide HUYNH et Geneviève DI ROSA.

    [4] Littérature, cycle des approfondissements (cycle 3), © CNDP aout 2002.

    [5] Une culture littéraire à l’école, Maitrise de la langue, Ressources pour le cycle 3, Mars 2008 http://eduscol.education.fr/cid50485/litterature.html   mais aussi : http://media.eduscol.education.fr/file/ecole/46/9/culture-litteraire-ecole_121469.pdf

    [6] Les deux sélections sont accessibles sur le site signalé en note 3.

    [7] B.O. n°3, 19 juin 2008 Hors série.

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