Association française pour l’enseignement du français

Qui sommes-nous ?

  • 30
    Oct

    Pour en finir avec les tentations passéistes et la médiatisation tapageuse...

    Entretien au ministère de l'Education Nationale le vendredi 26 octobre 2007
    Les représentantes de l'AFEF ' Viviane YOUX, présidente, Martine Louveau, secrétaire et Chantal Donadey, trésorière adjointe ' ont été reçues à leur demande par Mark Sherringham, conseiller du ministre chargé des affaires pédagogiques.

    L'entretien a duré une heure. Les échanges ont été nombreux, directs et vivants et se sont déroulés dans une ambiance conviviale.

    A notre arrivée, M. Sherrigham souhaite d'abord situer notre association, son positionnement, sa représentativité. Nous rappelons son époque et son contexte de création, son activité, ses prises de position ; nous précisons que nous ne fournissons jamais notre nombre d'adhérents, et que de toute façon notre représentativité va bien au-dela, ne serait-ce que par la diffusion de notre revue dont nous lui montrons le dernier exemplaire.

    Notre demande d'entretien a été motivée par l'inquiétude de l'AFEF devant les critiques répétées et excessives envers l'enseignement du français de la part des medias, de groupes ou de personnes qui se font entendre sur la place publique. Ces polémiques qui jouent sur le spectaculaire sont renforcées par la confusion entre le français comme langue et le français comme discipline d'enseignement. Nous ajoutons qu'elles échauffent inutilement les esprits, au détriment de la recherche à laquelle nous sommes particulièrement attachés. Mark Sherringham reconnaît que notre discipline est très exposée, car chacun se sent concerné, et nous n'y pourrons rien, c'est un état de fait à prendre en compte.

    Avant d'aborder les questions qui ont plus directement motivé notre demande de rendez-vous, nous tenons à insister sur les valeurs de l'AFEF. Nous insistons fortement sur notre attachement à la démocratie et aux valeurs de la République, en montrant notre méfiance quant au mot République, utilisé aussi par des groupes conservateurs avec des connotations peu démocratiques (« l'élite pour tous' »). Nous insistons sur la prise en compte de la diversité des élèves (dès son origine, l'AFEF s'est intéressée aux publics migrants), de la complexité du monde et de la société, et de la reconnaissance de chacun en tant que personne, dans sa dimension globale. Nous refusons l'idée d'un élève mythique, détaché de son milieu. Ces positions ont des conséquences sur la didactique, elle nous amène à considérer les évolutions contemporaines sans renier le patrimoine, privilégiant ainsi une attitude comparatiste et la circulation entre des 'uvres contemporaines et patrimoniales.
    M. Sherringham a entendu dans nos propos notre accord sur le fait que l'enseignant est aussi un éducateur. Trouvant notre discours réaliste, il a situé l'AFEF du côté de la « modernité et de la complexité du monde ».

    L'AFEF est d'accord pour reconnaître une maitrise lacunaire de la langue française, notamment en ce qui concerne les codes orthographiques, ainsi que l'inadéquation de la filière L dans le cursus du lycée.
    Nous trouvons positive l'élaboration du socle commun (formulation par compétences, progression, rigueur, intention de transversalité) et l'existence des deux piliers concernant directement l'enseignement du français (la maitrise de la langue française ; la culture humaniste). Nous partageons tout à fait l'idée que notre discipline est transversale, et apprécions que ne soit pas remis en cause l'emploi d'une terminologie spécifique et contemporaine pour traiter la langue. M. Sherringham a pris acte de ces points d'accord.

    Mais nous tenons aussi à exprimer fortement nos désaccords et nos craintes. Nous n'entendons pas qu'on puisse dire qu'il suffirait de revenir aux méthodes antérieures « qui ont fait leur preuve » prétend-on, pour résoudre les problèmes actuels, et nions que la réponse soit simple. Si nous reconnaissons l'insuffisance de l'enseignement de la langue (orthographe, grammaire), nous réaffirmons que l'enseignement du français doit être global, s'articuler autour de projets. Nous réaffirmons notre attachement à l'enseignement par séquences, pour assurer l'articulation entre langue, lecture et écriture. L'enseignement par séquences comme l'enseignement de l'ORL en primaire ne doit pas être abandonné mais facilité par un accompagnement des enseignants par le biais de la formation continue dont l'AFEF regrette la pauvreté actuelle.
    Nous savons que nous ne pouvons pas demander d'augmenter le nombre d'heures d'enseignement du français (demande qui ne nous semblerait pas réaliste dans le contexte actuel) mais insistons sur une prise en compte réelle de ces difficultés, appuyée sur des débats de chercheurs et non sur des slogans. Mais M. Sherringham, qui confirme que l'heure est plutôt à la diminution des horaires pour les élèves, affirme-t-il qu'il faudrait qu'au moins le français ne perde pas d'heures.

    M. Sherringham a, semble-t-il, pris au sérieux nos craintes concernant une éventuelle disparation de l'enseignement par séquences au profit d'un enseignement cloisonné et axé sur la langue et la littérature des « beaux textes ». Mais il a aussi parlé de la liberté pédagogique exercée à l'intérieur d'un cadre national et de la logique de résultats.

    Devant notre inquiétude quant à l'organisation du lycée qui a vidé la filière L de ses bons élèves littéraires, et en a fait une filière sans débouchés réels, souvent « choisie » plus par échec que par motivation littéraire, il nous a demandé notre avis sur la polémique lancée par M.C Bellosta cet été par son article dans le Figaro sur les sujets du baccalauréat ; ne connaissant pas cet article, nous avons annoncé notre intention de nous en informer ; sans désavouer ouvertement Mme Bellosta, dont il reconnaît les qualités professionnelles, il a semblé se montrer critique sur ses positions et a tenu à affirmer le soutien du Ministère aux sujets proposés par l'Inspection Générale.

    M. Sherringham nous a demandé si nous souhaitions que les aménagements de programmes prévus pour le collège soient suspendus. En effet, il ne voudrait pas que se reproduise au collège ce qui a eu lieu pour l'école primaire : des aménagements proposés, puis retirés et modifiés. Il semble penser qu'il vaudrait mieux prendre son temps pour réfléchir sur ces aménagements, sans aller jusqu'à les geler, mais il affirme une position de prudence.
    Nous disons plutôt souhaiter que l'AFEF soit consultée sur les aménagements, qu'elle puisse exprimer ses positions dans des commissions de travail, et participer à un débat sur les questions épineuses mais réelles de l'enseignement du français (en effet M. Sherringham s'est montré surpris que nous n'ayons jamais été consultés depuis plusieurs années).

    L'entretien s'est conclu sur des propos constructifs : M. Sherringham nous a invitées à le contacter par courriel pour le questionner ou l'alerter sur les sujets qui nous préoccupent. Il n'est pas sûr qu'un grand débat soit organisé, mais M. Sherringham nous a fait comprendre que l'AFEF pourrait être consultée désormais.

    Nous avons pu nous réjouir, à notre sortie, de l'écoute attentive, apparemment sans parti pris, que nous avons rencontrée. L'approche pragmatique de M. Sherringham, le constat partagé de la complexité du monde et des enjeux de notre discipline nous ont paru trancher avec les tentations passéistes que nous craignions. Mais nous restons fort dubitatives quant à deux positions qui peuvent se révéler fort dangereuses : la liberté pédagogique, qui peut se révéler aliénante pour les élèves si elle ne répond pas à un cadrage garant de la démocratie ; et l'obligation de résultats, dont nous ne savons pas bien comment elle sera mesurée : évaluer, certes, mais attention aux faux airs égalitaires qui peuvent se montrer bien injustes dans certains cas'

    Chantal Donadey, Martine Louveau, Viviane Youx

1 Commentaire

  • Dauphin Eliane

    31 Oct 2007 à 17:46

    Félicitations ! je ne puis qu'être d'accord avec vous, et notamment à propos de votre prudence.

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