Association française pour l’enseignement du français

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  • 30
    Mar

    LIRE ET PRODUIRE DES BANDES DESSINEES A L'ECOLE

    Appel à communication

     

    APPEL A COMMUNICATION :

     

     

    LIRE ET PRODUIRE DES BANDES DESSINEES A L’ECOLE

     

    Colloque international organisé par le CEDILIT (Traverses 19-21)

     

     Université Stendhal Grenoble III

     

    19-20-21 mai 2010

     

     

    La bande dessinée a longtemps eu mauvaise presse auprès des éducateurs, pour sa futilité, sa charge pulsionnelle ou son côté purement divertissant. La présence même des images reste encore souvent considérée comme moins formatrice que celle des textes. La BD est alors rangée poliment dans la catégorie de la « paralittérature », terme qui recouvre, pudiquement d’autres expressions plus dépréciatives, comme « littérature de gare » ou « littérature populaire ».

     

    Cette situation s'est progressivement transformée  au cours des deux dernières décennies ; depuis 2002, la BD figure ainsi parmi les « six catégories » de la « liste de référence des œuvres de littérature de jeunesse pour le cycle 3 », publiée par le Ministère de l’Education nationale. Elle est fortement présente également dans les listes des ouvrages recommandés par le livret d’accompagnement pour chacun des cycles du collège. De fait, en tant qu’art séquentiel, la bande dessinée permet au même titre que la littérature ou le cinéma d’aborder plusieurs genres du récit, comme le policier, la science fiction, le récit d’humour, d’aventure ou l’autobiographie. Cette revalorisation officielle ne produit pas pour autant un parfait consensus à son égard, en particulier parce que l’on méconnaît souvent les théories critiques qui la légitiment. Si la bande dessinée est entrée peu à peu dans les bibliothèques scolaires, les manuels et les cours, plutôt de français que d’arts plastiques, elle est utilisée le plus souvent pour enseigner autre chose qu’elle-même : elle habille les exercices de grammaire de nouveaux atours, ou sert d’illustration pour telle ou telle notion littéraire. Dans les classes, force est de constater qu’on n’étudie pas encore d’album de BD comme œuvre intégrale. Très rares sont les élèves qui sortent du collège en ayant abordé une oeuvre de bande dessinée complète. Quant à la création de BD par les élèves, elle apparaît toujours sous le régime du cas particulier.

    Le manque de formation des enseignants en la matière, tant à l’université que dans les instances de formation (IUFM) oblige constamment à rappeler les règles de fonctionnement du langage de la BD. Or, même quand les codes de lecture sont maîtrisés par les professeurs, ces derniers se heurtent invariablement à un problème de taille : celui de la transposition didactique des connaissances qui sont les leurs.

     

    Cette situation est d’autant plus regrettable que les élèves, en dehors du temps scolaire, sont de grands consommateurs de récits en bande dessinée. Alors que les œuvres étudiées en classe souffrent à leurs yeux d’un décodage rationalisant plus ou moins compliqué, la BD fait partie de ces objets non scolaires, lus hors programme, qui déclenchent en eux des émotions sans commune mesure avec le dit implicite. Voilà donc un moyen privilégié pour recréer un pont avec les élèves qui se détournent de la lecture. Non seulement la bande dessinée peut redonner le goût de lire, et constituer un excellent vecteur d’apprentissages, mais encore, pour peu que l’on repense son approche didactique, elle offre un terrain favorable pour expérimenter une approche renouvelée de la lecture littéraire.

     

    Dès lors, quels dispositifs mettre en place, pour faire lire, étudier et produire des bandes dessinées en classe ?

    Le médium pose en l’occurence de véritables difficultés d’exploitation. C’est le cas en premier lieu dans le domaine de la lecture. Au regard de la fragmentation de la planche en images séquentielles, la BD semble se prêter malaisément à une lecture collective dans les phases de regroupement. Certains élèves se heurtent de surcroît à des problèmes d’ordre de lecture, ainsi que de hiérarchie entre le texte et l’image. Comment articuler le texte sous toutes ses formes (bulles, légendes, récitatifs, encadrés narratifs, onomatopées) et les images séquentielles ? Parce que le médium est hybride, il en devient « résistant » par nature, et présente souvent des difficultés pour le décryptage et la compréhension fine. Si le dessin semble soulager en partie l’identification référentielle, ou le repérage de la situation d’énonciation dans laquelle s’expriment les personnages, tout reste à construire ou reconstruire par le lecteur, en ce qui concerne la  continuité et la cohérence discursive. Du reste, ni la case ni la planche ne se prêtent à une lecture linéaire simple. L’une et l’autre obéissent également à des effets de composition en tableau, qui changent facilement la lecture linéaire en promenade giratoire. 

    Dans le domaine de la production d’écrit, la bande dessinée présente d’autres difficultés de taille. Le passage par le dessin peut s’avérer inhibiteur pour certains élèves ; il s’agit de surcroît d’une compétence qui échappe au domaine du français, et grève l’évaluation des productions d’un critère spécifique, jugé parfois inégalitaire. L’écriture préalable d’un synopsis permet certes de réinscrire l’activité dans la discipline, en travaillant spécifiquement la structure narrative et la cohérence textuelle. Mais l’étape ultérieure du scénario représente bien souvent un véritable casse-tête : les compétences requises ne consistent pas seulement en l’articulation d’éléments descriptifs et d’éléments dialogués dans un tableau à double entrée, il faut de surcroît que les élèves aient la capacité spécifique de visualiser ce qu’ils racontent et mettent en scène, pour planifier la taille des cases et concevoir la mise en page de la planche. Cette compétence particulière, qui consiste véritablement à « penser en images », ne fait l’objet bien souvent d’aucun apprentissage préalable. La phase de scénario et de découpage peut s’avérer ainsi extrêmement laborieuse, pour des élèves qui, par ailleurs, ont écrit un synopsis très satisfaisant. A l’inverse, des élèves plus en difficulté dans des productions écrites traditionnelles, peuvent se découvrir un véritable talent de scénariste, par leur capacité à pré-visualiser et mettre en scène sur le papier ce qu’ils veulent raconter. Dans tous les cas, ce qui est en cause, c’est la lourdeur du dispositif à mettre en place, pour aboutir à une production en plusieurs jets. La motivation des élèves peut s’en trouver assez rapidement diminuée, malgré l’engouement de départ.

    La socialisation des productions constitue une difficulté supplémentaire. Comment exposer aux yeux de toute la classe les réalisations des élèves, lorsque les affiches produites obligent à se déplacer et se rapprocher pour percevoir les vignettes ? Dans ces conditions, il est difficile de mener des échanges collectifs pour dégager des critères de production destinés à améliorer les réécritures suivantes. Et la difficulté vaut également pour l’analyse de planches d’auteur : faute de matériel adéquat (rétroprojecteur, scanner, vidéo-projecteur), il manque bien souvent un référent commun qui puisse être affiché en grand dans la classe. La question de la socialisation est encore plus épineuse, si l’on ambitionne l’étude d’un album comme œuvre intégrale.

    Dans ce domaine, force est de constater que la recherche pédagogique en est encore à ses balbutiements. La bande dessinée reste le parent pauvre de la didactique de la littérature. De ce manque de réflexion en amont, découle une approche souvent stéréotypée du médium, largement répandue dans les manuels scolaires : les questions d’observation, formalistes et techniques, sont souvent détachées du sens. Et lorsqu’il s’agit de faire produire une planche, l’étude  décontextualisée du « langage » de la BD est souvent posée comme un préalable, ce qui relègue l’activité de production en fin de séquence, appauvrit la recherche sur le sens, et risque au final de démotiver les élèves.

     

     

    Le colloque organisé par le CEDILIT vise ainsi à ouvrir le champ de la réflexion pédagogique et didactique sur l’usage scolaire de ce médium. Les cycles d’enseignement privilégiés seront ceux de l’école primaire, du collège et du lycée, mais une ouverture sera faite aux expériences pédagogiques menées à l’Université. 

     

     

    Le questionnement concernera par exemple

    -  La réception actuelle de la BD dans les discours pédagogiques

    - Les frontières du médium avec l’album pour enfant, le récit illustré, le dessin de presse ou le roman photo ;

    -  Les compétences mobilisées par les élèves dans le déchiffrage et la compréhension des planches de BD ;

    - Les multiples difficultés d’exploitation de la BD en classe (socialisation, sens de lecture, étude d’œuvre complète, production), et les remédiations possibles ;

    - L’analyse de dispositifs pédagogiques expérimentés en classe (y compris ceux portant sur le roman photo) ;

    -  Les modalités d’étude d’une œuvre intégrale ;

    -  Les modalités d’évaluation des bandes dessinées produites par les élèves ;

    -  Les gains pour l’apprentissage entraînés par l’étude des bandes dessinées.

     

    Du point de vue de la sociologie de la lecture, le questionnement pourra viser par exemple :

    - Les pratiques de lecture scolaires et non scolaires des enfants et des adolescents ;

    - Leur perception de la bande dessinée parmi les autres arts  du récit ;

    - Leur rapport à son format-temps spécifique, à mi-chemin entre le format-temps des fictions audio-visuelles de consommation courante et le temps propre du livre de littérature ;

    - L’aptitude de la BD à ramener les élèves faibles lecteurs vers l’univers de la lecture.

     

     

    Au cours de ce colloque, le propos ne sera pas d’instrumentaliser la BD à des fins externes, en rétablissant une hiérarchie des genres, des supports et des médiums, mais bien de considérer la bande dessinée comme une littérature légitime à part entière, une « littérature dessinée »[1] selon l’expression de Harry Morgan, riche de ses chefs-d’œuvre et digne d’être étudiée pour elle-même, de la maternelle à l’université.

     

    Le colloque donnera lieu à une publication aux ELLUG.

     

    Langue officielle du colloque : le français

     

     

    Date limite d’envoi des propositions de communication : 30 juin 2009

     

     

     

    Contacts :

    Nicolas Rouvière, Maître de conférences à l’Université Joseph Fourier (IUFM, Grenoble 1 ) : nrouviere38@yahoo.fr

    Jean-François Massol, Professeur d’Université à l’Université Stendhal (Grenoble 3)

    j-f.massol@wanadoo.fr

     

     

    Comité scientifique :

     

    Jan Baetens (Université de Louvain)

    Alain Chante (Montpellier 3)

    Julie Gallego (Université de Pau)

    Philippe Marion (Université de Louvain)

    Nicolas Rouvière (Université Joseph Fourier, Grenoble 1 ) 

    Philippe Sohet (UQAM, Québec)

    Mattéo Stefanelli (Université catholique de Milan)

    François Quet (INRP, Lyon)

     

    Comité d’organisation :

     

    Guy Abel (Université Stendhal Grenoble 3) 

    Hélène Gondrand (Université Joseph Fourier, Grenoble 1)

    Sylvie Martin-Mercier (Université Stendhal Grenoble 3) 

    Jean-François Massol (Université Stendhal, Grenoble 3)

    Anne Vibert (Université Stendhal, Grenoble 3)

     



    [1] Harry Morgan, Principes des littératures dessinées, éditions de l’An 2, 2003.

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