Le livre est souvent mis en scène dans la littérature, et la littérature de jeunesse ne fait pas exception. Catherine Tauveron, dans L’aventure littéraire dans la littérature de jeunesse : quand le livre, l’auteur et le lecteur sont mis en scène dans le livre[1], y voyait même un genre en émergence. Les livres cités dans cet ouvrage sont le plus souvent destinés à des lecteurs de cycle 3 ou de collège. Mais aujourd’hui, la sélection ministérielle pour le C2 en témoigne, le genre semble s’être développé à l’intention des plus jeunes lecteurs.
On peut ainsi prendre plaisir à découvrir des histoires dont le livre est le héros !
Notre préféré est, sans conteste, l’un des plus simples, les plus actuels aussi : Lane Smith fait dialoguer le singe lecteur et l’âne technophile, qui s’interroge : « On peut faire défiler le texte ? ça envoie des textos ? » Et le lecteur de répondre : « Non, C'est un livre… » et il n’y a même pas besoin de le recharger !
A ce sujet et beaucoup d’autres, on ne saurait trop recommander la lecture de Pinocchio et Robinson, pour une éthique de la lecture[2]. Dans la première partie, Comment Pinocchio apprit à lire, Alberto Manguel dit comment, à l’âge de 8 ans, il a aimé les aventures de Pinocchio, parce que ce sont « des aventures d’apprentissage ». Mais son propos est surtout d’expliquer pourquoi ce héros ne devient pas « celui qu’il est vraiment sous le bois peint ». Il devient seulement « un bon petit garçon qui a appris à lire) »… (p.10-11 « Pinocchio réussit à grimper les deux premiers échelons de l’échelle de l’instruction dans la société : l’apprentissage de l’alphabet et celui de la lecture superficielle d’un texte. Là, il s’arrête. Les livres deviennent alors des endroits neutres où appliquer ce code savant afin d’en extraire à la fin une morale conventionnelle. L’école l’a préparé à lire la propagande.» (p.18-19)
« Il assimile les mots vus sur la page mais ne les digère pas : les livres ne lui appartiennent pas vraiment parce qu’il est encore, à la fin de ses aventures, incapable de les appliquer à son expérience de lui-même et du monde.» (p.20-21)
On voudrait tout citer de ce livre, qui met en évidence le paradoxe dans lequel sont pris les enseignants, dénonce l’hypocrisie des pseudo-hommages rendus à la culture, en même temps qu’on retire l’investissement mis dans les bibliothèques…
Pour que nos élèves ne soient pas des pantins, emmenons-les : « Pour aller plus loin et plus en profondeur, pour avoir le courage d’affronter nos peurs, nos doutes et nos secrets cachés, pour mettre en question le fonctionnement de la société à notre égard et celui du monde, il nous faut apprendre à lire autrement, différemment, afin d’apprendre à penser.» (p.27)
Parmi les propositions de lecture qui suivent, la plupart sont très en deçà de cette ambition. Mais si nous amenons les élèves (qu’ils sachent ou non décoder) à relier ces livres à leurs expériences, ils seront sur le bon chemin.
- Un motif, le livre : présentation des ouvrages recommandés par la sélection ministérielle 2013 (Lien vers la présentation)
- Propositions pour des mises en réseaux autour du motif du livre (Lien vers les propositions)