Association française pour l’enseignement du français

Lycée général

  • 01
    Déc

    Le journal au bac

    Un article de Philippe Lejeune.

    Le programme de 1ière sur le « biographique » coiffe les genres suivants: récits de vie, mémoires, journal intime, biographie, autobiographie, roman autobiographique. » Cette liste, sans doute longuement méditée, ouvre avec bonheur l'éventail depuis le document (« récits de vie ») jusqu'à la fiction (« roman autobiographique »), immense domaine dont on peut se demander quel sera le centre de gravité. Il a chance de tomber plutôt sur les deux derniers termes, ou sur le premier, les trois genres du milieu, pour des raisons différentes, ayant moins de « lettres de noblesse ou posant des problemes pratiques. Cette petite note portera sur le «journal intime».

    Au temps ou, lycéen, j'en tenais un (à partir de 1953) - et c'est justement en 1ère que j'ai commencé le mien, le journal intime n'apparaissait pas au lycée. Je n'ai guère souvenir, même dans mes années d'hypokhâgne ou de khâgne, d'avoir rencontré le moindre journal comme objet d'étude ou de réflexion. Cette situation était agréable. Comme la littérature contemporaine, que je lisais librement à la maison, le journal restait a l'abri du discours scolaire. C'était deux mondes séparés. Ouvrez les manuels que nous avions a l'époque, la série des bons « Lagarde et Michard » (je continue à les aimer, on ne voit aujourd'hui que leur pudeur et leurs limites, j'appréciais leur tranquillité). Voici le volume du XIXe siècle, publié en 1955. Je sais, pour avoir été son élève, combien Laurent Michard était sensible a la littérature intime. Ce volume contient trois extraits de journaux : chaque fois, il s'agit de textes qui sont envisagés dans l'optique d'un autre genre littéraire : un extrait d'Oberman de Senancour (roman présenté comme journal) et un autre du Cahier vert de Maurice de Guérin, qui fonctionnent tous deux comme poèmes en prose ; et des extraits du journal d'un poète de Vigny, qui fonctionnent comme maximes. Je reviendrai sur ce problème : un journal peut-il se lire en « extraits » ? quel genre d'explication de texte peut-on en faire ? En tout cas, il est difficile de se faire une idée de la pratique du journal d'après ces morceaux. Quant au discours d'accompagnement, il reléguait le journal (quand il était mentionné) dans les lointains. Voici l'inventaire exhaustif de ces mentions (rassurez-vous, ce sera bref). Pour Benjamin Constant, ses oeuvres posthumes nous font pénétrer, elles aussi, dans l'intimité de ses sentiments et de sa vie. Le Cahier rouge retrace sa jeunesse. Cécile nous révele ses relations avec Charlotte de Hardenberg et complète ainsi les journaux intimes ». Journaux dont rien d'autre ne sera dit - mais il faut se souvenir que leur édition intégrale ne date que de 1952, et puis que Constant est une personnalité « complexe, mais décevante ». Les extraits 5de Vigny sont donnés pour « compléter » son portrait moral. Maurice de Guérin a eu « une soeur, Eugénie, qui écrira elle-même des poèmes et un journal». Stendhal commence par écrire des comédies, mais il est «plus près de sa véritable vocation lorsqu'il rédige son journal (à partir de 1801) ». Quant aux frères Goncourt, on apprend que « resté seul après 1870, Edmond de Goncourt prolonge l'oeuvre commune en continuant le Journal que les deux frères avaient commencé en 1851 » - et en publiant d'autres romans, dont quatre extraits sont donnés (mais aucun du Journal. C'est fini, vous savez tout. Ni le nom d'Amiel ni celui de Marie Bashkirtseff n'apparaissent. Celui de Jules Renard semble avoir été réservé pour le volume « XX°siècle » (publié en 1962).

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