Association française pour l’enseignement du français

Lycée général

  • 30
    Juin

    EAF 2008 toutes séries

    Quelques remarques sur les sujets...
    C'est un même objet d'étude qui a été proposé dans toutes les séries, celui qui a remplacé depuis septembre 2007 le biographique : « le roman et ses personnages : visions de l'homme et du monde ». Ce fait peut étonner ' Ne faut-il pas craindre que, dès la rentrée 2008, des élèves écartent cette rubrique, considérant que cet objet « ne tombera pas » ?

    Avec ce genre littéraire pratiqué de manière dominante au fil de la scolarité, sinon dans la vie privée par des adolescents-lecteurs d''uvres littéraires, l'écueil est de s'en tenir à l'illusion de réel, quand l'horizon d'attente du lecteur ne s'intéresse qu'à la dimension fictive' quand la notion de genre romanesque ne reste qu'une étiquette'
    Les trois sujets, à travers des personnages dont les regards, opinions reflètent les visions des êtres les entourant et du monde dans lequel ils évoluent, abordent cet obstacle de lecture et questionnent la démarche que peut adopter un romancier.

    * SERIE TECHNOLOGIQUE

    Remarque : sur la première page sont rappelées les étapes conseillées : « le candidat lira le corpus, traitera les deux questions, puis choisira l'un des trois travaux d'écriture », ainsi que deux règles au niveau du propos : « toutes les réponses devront être rédigées et organisées »

    Le corpus de quatre extraits ne propose rien de déconcertant.
    Couvrant une période d'une quarantaine d'années ' de 1836 à 1884 -, il fait appel à des références renvoyant à une culture patrimoniale pour les trois premières :
  • Illusions perdues, 2ème partie (1836-1843) d'Honoré de Balzac
  • Bouvard et Pécuchet, chapitre VII (1881) de Gustave Flaubert
  • Une vie, chapitre XIV (1883) de Guy de Maupassant
  • Là-bas, chapitre XIX (1884) de Karl-Joris Huysmans

Ils ont pour point commun d'appartenir au mouvement réaliste/naturaliste, et donc d'offrir des procédés d'écriture proches, en relation avec la réflexion sur le réel proposée dans la dissertation : les personnages sont mis en scène par un narrateur hétérodiégétique (à la 3ème personne), qui propose des portraits subjectifs brossés à travers, d'une part, la combinaison de deux points de vue - externe et interne - et des évaluations, commentaires du narrateur (texte B), et, d'autre part, les regards portés par un, voire deux personnages sur le monde qui l'/les entoure (textes A, C et D).
Cette dimension subjective liée au regard figure au c'ur de la deuxième question ' « Quels sentiments les personnages éprouvent-ils en regardant ce qui les entoure dans les différents textes du corpus ? », ainsi que dans le parcours de lecture proposé pour le commentaire : « Vous analyserez comment évolue le regard que les personnages portent les uns sur les autres ; vous étudierez quelle est l'influence de la société environnante sur les jugements des personnages »

La première question - «Le titre, Illusions perdues, choisi par Balzac pourrait-il convenir pour l'ensemble des textes proposés ? » - paraît assez difficile, car, dans deux des textes, les « illusions » des personnages ne sont pas si explicites pour un lecteur ordinaire : quelles ont été les illusions des personnages éponymes de l''uvre de Flaubert? Quelle est la croyance qui les a fondées? Le risque n'est-il pas de confondre « illusions perdues » et échecs ? Et dans l'excipit du roman Une vie, pour pouvoir répondre à la question, il faut s'appuyer essentiellement sur l'incipit que tout candidat n'est pas censé connaître' Point plutôt problématique...

Les libellés font appel à un mode de raisonnement binaire, laissant peu d'espace pour des nuances dans le propos, comme dans la première question, fermée, appelant une réponse en pour-contre' cf. supra ou le libellé de la dissertation suggérant deux parties antithétiques : « Pensez-vous qu'un roman doit ouvrir les yeux du lecteur sur la vie ou bien au contraire permettre d'échapper à la réalité ? »;
Dans le cadre de l'écriture d'invention, la deuxième lettre demande de mettre en 'uvre une contre-argumentation

* SERIE ES-S

Le corpus de quatre extraits couvre une période un peu plus vaste : une centaine d'années ' de 1832 à 1927 :
  • Le Chef-d''uvre inconnu (1832) d'Honoré de Balzac
  • L'Homme qui rit (1869) de Victor Hugo
  • L'Assommoir (1877) d'Emile Zola
  • Le Temps retrouvé (1927) de Marcel Proust
  • Il propose également des personnages évoluant dans un monde de fiction réaliste, et des portraits, centrés sur les visages. On peut regretter l'absence de notes pour « Méduse » dans L'Homme qui rit, et pour « Fifine » dans L'Assommoir.

    Le libellé de la question ' « Dans quelle mesure ces portraits prennent-ils appui sur le réel, dans quelle mesure le transposent-ils ? » - interpelle l'illusion de réel, un horizon d'attente du lecteur fondé sur le mimétisme et ouvre un espace de liberté pour l'écriture romanesque ; il suggère de nuancer son propos, d'envisager un éventail de possibles à partir des extraits proposés. Des élèves, en sortant de l'épreuve, ont exprimé leur inquiétude à propos du verbe « transposer », ils semblent l'avoir assez mal compris.
    La consigne d'« une trentaine de lignes » est un appel à la synthèse.

    Le commentaire qui porte sur l'extrait du Chef-d''uvre inconnu appelle à identifier et mobiliser des savoir-faire dominants :
  • le point de vue subjectif mais externe du jeune homme, celui d'un « jeune peintre, Nicolas Poussin »: témoin oculaire de la scène ' cf. verbes de regard -, il est amené à émettre des hypothèses ' « le jeune homme devina dans ce personnage ou le protecteur ou l'ami du peintre », avant d'être frappé par l'allure paradoxale du personnage qui « monte l'escalier », et en particulier par son visage où il y avait un « je ne sais quoi* qui affriande les artistes » (* : en italiques dans le texte)
  • la sollicitation de l'imaginaire du lecteur potentiel par le jeu des impératifs présents, et les références culturelles à des portraits de « Rabelais ou de Socrate », à « une toile de Rembrandt » : le lecteur est invité à créer, mentalement, son propre tableau'
  • la polysémie de l'adjectif "fantastique "
  • Le libellé de la dissertation qui précise les références à convoquer ' les « textes du corpus », les « lectures personnelles » ainsi que « les 'uvres étudiées en classe » - propose de questionner la tension entre réalisme mimétique et réalisme créatif, artistique, cette réflexion étant, en partie seulement, amenée par la question préalable.

    L'écriture d'invention, qui propose de s'inspirer de l'extrait du Temps retrouvé ' une forme de pastiche souple -, demande d'identifier et prendre en compte des règles d'écriture dominantes dans ce passage, qui sollicitent l'imaginaire du lecteur de manière plus indirecte que dans l'extrait du Chef-d''uvre humain :
  • narration à la 1ère personne, mais selon le point de vue externe d'un témoin oculaire, un regard subjectif, admiratif, de l'ordre de l'éloge,
  • des comparaisons, mais surtout une métaphore filée, celle du « rocher dans la tempête »,
  • des formules restrictives teintées d'une valeur paradoxale,
  • des gradations selon un rythme ternaire,
  • la valeur polysémique de l'adjectif « fantastique », '
  • * SERIE L

    Si le corpus de quatre extraits, qui couvre une vaste période ' de 1742 à 2003 ', propose une 'uvre du XVIIIème siècle, trois relèvent de la littérature contemporaine, dont deux publiées il y a moins de vingt ans :
  • La vie de Marianne (1742) de Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux,
  • Les gommes (1953) d'Alain Robbe-Grillet,
  • L'Immortalité de Milan Kundera (traduction d'Eve Bloch, revue par l'auteur ' 1990)
  • Les Ames grises (2003) de Philippe Claudel.
  • Dans trois d'entre eux (sauf le B), l'énonciateur, voire l'auteur explicite comment il a rencontré l'univers qu'il évoque et en particulier son personnage principal.

    Le début du libellé de la question propose la thématique de ce corpus : « Dans leur manière d'introduire les personnages, ces textes cherchent-ils à donner l'illusion du réel ? »

    Le commentaire porte sur l'incipit de La vie de Marianne de Marivaux.
  • Un premier angle d'approche concerne la situation énonciative :
  • dans un « préambule », le premier énonciateur, qui se défend d'être un « auteur », expose les faits qui ont conduit à la publication d'un « manuscrit », trouvé incidemment ; il endosse seulement un rôle d'intermédiaire.
  • le propos, intradiégétique, est attribué à une femme de l'aristocratie, qui a pris « le titre de comtesse », dialoguant avec une de ses amies, dont l'identité est couverte soit par un pseudonyme, soit par l'anonymat de l'interlocutrice, ainsi que par l'éloignement temporel d'une quarantaine d'années.
  • Un deuxième angle d'approche a trait à la préoccupation du « style », dont la comtesse pense manquer : il y a un profond écart, selon elle, entre un propos évoqué oralement en société et sa transposition écrite'
  • Le troisième point tient au problème du paraître dans la société où elle évolue et à la valeur concédée par l'entourage aux propos tenus, à l' « esprit » manifesté par une femme'
    Le libellé de la dissertation, qui précise les références à convoquer ' les « textes du corpus, ceux étudiés en classe et (les) lectures personnelles », à travers une question fermée, propose de réfléchir au degré d'adhésion du lecteur au monde de la fiction que peuvent induire les procédés d'écriture : « Un roman doit-il chercher à faire oublier au lecteur que ses personnages sont fictifs ? »

    Si l'écriture d'invention propose un exercice connu, la suite de l'extrait des Gommes de Robbe-Grillet, il s'agit de « respecter l'atmosphère installée par le début », d' « imaginer l'arrivée d'un nouveau personnage dans le café » en « s'inspir(ant) des procédés qui figurent dans le texte », par exemple :
  • un narrateur extradiégétique adoptant un point de vue externe,
  • le temps de référence dominant : le présent de l'indicatif,
  • les gestes mécaniques, « le bras machinal », évoqués dans des propositions indépendantes juxtaposées - parataxe dominante (absence de mots de liaisons) -, ou des phrases sans verbe, des énumérations'
  • un actant majeur parmi cet univers d'objets : le temps, puisque « le personnage présent n'a pas encore recouvré son existence propre »'

  • La dernière phrase de l'extrait suggère qu'un décor de théâtre vient d'être installé, que la pièce peut commencer' Se pose, alors, la question du temps de référence de l'énonciation : le texte original, qui est au présent, se présente explicitement comme un préambule. Peut-on accepter que des élèves recourent aux temps traditionnels du récit, c'est-à-dire aux passé-simple et à l'imparfait ?
    De même, le personnage qui entre en scène peut-il avoir une épaisseur psychologique ? Un lecteur-scripteur averti, qui a quelques notions sur le mouvement du Nouveau roman, l'en privera' Et s'en tiendra au système de temps initial'



    Yolande Brenas avec la collaboration de Véronique Moutot-Narcisse

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