BREVET juin 2009 – CORRIGE
Questions – 15 points
I/ Le portrait de l’estrassier
1. Lignes 1 à 11 :
a) Lignes 1 à 5 : Relevez au moins deux éléments qui caractérisent la vie d’Ali. (1 point)
Ali est un « estrassier » (l. 5), un clochard, un S.D.F. sa vie est précaire : le début de l’extrait nous apprend qu’il « n’avait pas de domicile, et pas vraiment de métier » (l. 4). Cette vie n’est pas saine et il est usé « pour avoir dormi dehors et avoir bu trop de vin » (l. 3).
b) Quelle activité exerce-t-il ? Justifiez votre réponse en vous appuyant précisément sur le texte. (1 point)
Il survit en faisant le chiffonnier ce qui lui a valu son surnom d’ « estrassier » : avec sa poussette-landau ou une charrette à bras, il ramasse « tout ce qui peut se revendre, les cartons, les vieux habits, les pots de verre, même les piles » (l. 6-7)
2. Lignes 2-3 :
« C’était un homme non pas très âgé, mais usé par la vie, pour avoir dormi dehors et avoir bu trop de vin »
a) Quel rapport logique exprime le groupe en italique ? (0,5 point)
Le groupe en italique exprime la cause (est complément circonstanciel de cause).
b) Remplacez ce groupe par une proposition subordonnée exprimant le même rapport logique. (0,5 point)
C’était un homme non pas très âgé, mais usé par la vie, parce qu’il dormait dehors et buvait trop de vin. (C’était un homme non pas très âgé, mais usé par la vie, parce qu’il avait dormi dehors et bu trop de vin.)
3. Lignes 23-24 :
« Tout à coup il se souvint qu’il avait été soldat, autrefois, dans sa jeunesse, et qu’il était monté à l’assaut au milieu du bruit des balles. »
a) Quel est le champ lexical dominant dans cette phrase ? Justifiez votre réponse. (1 point)
Avec les mots « soldat », « assaut », « balles », cette phrase est dominée par le champ lexical de la guerre.
b) Qu’apprend-on de nouveau sur la personnalité d’Ali ? (0,5 point)
Cette phrase nous révèle que le pitoyable chiffonnier est aussi un homme capable de courage.
4. Ligne 38 :
« avec d’infinies précautions »
a) Donnez la fonction grammaticale de cette expression. (0,5 point)
Ce groupe nominal est complément circonstanciel de manière.
b) Indiquez quel trait de caractère d’Ali est ainsi mis en valeur. (0,5 point)
La façon dont Ali prend le bébé nous révèle son humanité : c’est un tendre capable de délicatesse, de douceur.
c) Relevez dans la suite du texte un indice qui conforte votre réponse. (0,5 point)
Cette délicatesse transparait également dans la façon dont il tombe immédiatement sous le charme de la petite fille qu’il compare à une « poupée vivante » : « Ali n’avait jamais rien vu de plus joli, ni de plus délicat » (l. 42-43) ; on retrouve la même douceur dans le fait de ne pas « oser approcher d’elle son visage à la barbe hirsute » (l.43).
II/ La découverte :
1. Lignes 20-21 :
« Qui avait mis ce carton là, sur son lit ? Peut-être qu’un autre gars de la chiffe avait décidé de s’installer là, sous le pont ? »
a) De qui cette phrase retranscrit-elle les pensées ? (0,5 point)
Cette phrase retranscrit les pensées d’Ali.
b) De quel type de discours s’agit-il ? (0,5 point)
Elle est au discours indirect libre.
c) Transposez ces paroles rapportées au discours direct. (1 point)
« Qui a mis ce carton ici, sur mon lit ? Peut-être qu’un autre gars de la chiffe a décidé de s’installer ici, sous le pont ? »
2. Lignes 27 à 36 :
A travers quels sens la découverte s’effectue-t-elle ? Justifiez votre réponse. (1 point)
La découverte est d’abord auditive : Ali perçoit une « voix », mot répété six fois aux lignes 28-33. Ce champ lexical de l’ouïe comporte également les mots « appelait » (l. 28), « claire », « note » (l. 32), « cri » et « pleurer » (l. 33). Ensuite l’observation d’Ali se fait à l’aide du sens de la vue comme le montrent la forme verbale « vit » (l. 34) ou les adjectifs « petite » (l. 39), « joli » et « délicat » (l. 42).
3. Donnez la classe grammaticale de « quelque chose » (l. 27) (0,5 point)
« quelque chose » appartient à la classe grammaticale des pronoms (est un pronom indéfini).
4. Lignes 28-29 :
« Une voix qui appelait, dans le carton, une voix d’enfant, une voix de bébé nouveau-né. »
a) Relevez les expansions du mot « voix » et donnez leur classe grammaticale. (1 point)
« qui appelait » est une proposition subordonnée relative, « d’enfant » et « bébé nouveau-né » sont des groupes nominaux prépositionnels.
b) Quelles précisions apportent-elles sur la découverte d’Ali ? (0,5 point)
Ces expansions du nom voix nous apprennent que la découverte d’Ali est bien inoffensive et qu’alors qu’il se préparait à la confrontation, il a devant lui un petit être qui a besoin de protection.
III/ L’enfant sous le pont
1. Lignes 38 à 40 :
« si petite qu’Ali devait serre ses mains pour qu’elle ne glisse pas ».
« si légère qu’il avait l’impression de ne tenir qu’une poignée de feuilles »
a) Quel rapport logique est exprimé par les deux propositions en italique ? (0,5 point)
Les propositions en italique expriment la conséquence (rapport consécutif).
b) Sur quelles caractéristiques du bébé insistent-elles ? (0,5 point)
Ces propositions insistent sur sa taille (sa petitesse) et son poids (sa légèreté).
2. Ligne 43 :
« Cette poupée vivante » : expliquez cette expression qui qualifie la petite fille. (0 5 point)
Cette métaphore peut caractériser la fillette du fait de ses caractéristiques physiques de bébé nouveau-né, d’autant plus que la fin du texte nous apprend qu’elle est nue (l. 45), mais aussi du fait de sa fragilité et de sa beauté.
3. Lignes 44 à 46 :
Expliquez pourquoi le bébé est en danger. Appuyez-vous sur le texte pour justifier votre réponse. (1 point)
Le bébé est en danger d’abord à cause du froid : « sa peau était rougie par le froid, hérissée de milliers de petites boules à cause de la chair de poule. » (l. 45-46) et Ali, qui est sans domicile autre qu’une couverture militaire qui lui sert de tente (l. 15) sous le pont, ne peut la mettre à l’abri. Elle est également en danger de mourir de faim et de soif : elle a besoin de lait et non du vin dont Ali rêvait à la ligne 14.
4. Que représente le bébé pour Ali ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur votre lecture du texte. (1,5 point)
Ali vit dans un univers inhumain, il n’a pour seule compagnie que le chat gris qu’il a baptisé Cendrillon (l. 16-17), le bébé représente donc pour lui une rupture avec la solitude. D’autre part il vit dans un univers inhumain au bord d’un canal, sous un pont, au milieu des bruits de la route (l. 30-31), perpétuellement menacé par la rivalité avec un autre chiffonnier (l. 21-22) ; pourtant dès qu’il prend l’enfant dans ses bras il révèle toute son humanité par la douceur dont il fait preuve (l. 43-44) et éprouve lui-même des émotions très humaines, il retrouve la tendresse.
Réécriture – 4 points
Réécrivez la phrase suivante : « Ce matin-là, Ali était fatigué. Il pensait à la bonne lampée de vin qu’il allait boire avant de se coucher […] sous sa couverture militaire qui l’abritait du froid comme une tente. »
Vous remplacerez Ali par Ali et Marcel en effectuant toutes les modifications nécessaires.
Ce matin-là, Ali et Marcel étaient fatigués. Ils pensaient à la bonne lampée de vin qu’ils allaient boire avant de se coucher […] sous leurs couvertures militaires qui les abritaient du froid comme des tentes.
Rédaction – 15 points
Quelques années plus tard…
Ali a gardé avec lui « l’enfant sous le pont » et il a pris soin d’elle.
Un journaliste découvre toute l’histoire et la raconte. Il explique aussi en quoi et pourquoi la vie d’Ali a changé.
Ecrivez cet article. Vous lui donnez un titre et vous signerez des initiales J.P.
Sud Hebdo – 10 juillet 2009
La Belle et le Clochard
C’est une histoire bien extraordinaire que celle qui vient de nous être révélée, une histoire de tendresse, d’amour, un conte de fée des temps modernes.
En ces temps de crise où chacun ne songe plus qu’à soi-même, il est des histoires qui réconfortent, surtout quand elles sont vraies, comme celle qui, par un petit matin froid de novembre 2000, a uni les destins d’Aurore et d’Ali. A cette époque Ali vivait d’expédients et dormait sous le pont routier qui enjambe le canal, à Arles. Un matin, en rentrant de la nuit d’errance au cours de laquelle il avait fait sa récolte quotidienne dans les poubelles de la ville, il a eu la surprise de trouver sur sa couverture, à la place occupée habituellement par son unique compagnon, un chat gris surnommé Cendrillon, un carton abritant un nouveau-né nu comme un ver, transi, affamé mais dont les vociférations trahissaient un furieux désir de vivre. « La pauvre petite, dit-il encore ému par ce souvenir, elle était plus rouge que mes mains. Dès que j’ai réalisé qu’elle était nue comme Eve à sa naissance, je l’ai immédiatement emmaillotée dans les chiffons que j’avais récoltés. Dans les beaux quartiers les gens jettent toutes sortes de beaux vêtements et souvent ils pensent à les laisser propres pour nous, les pauvres. J’avais justement trouvé de la layette. Le problème c’était plutôt les couches et surtout, tout de suite, la nourriture. C’est que les nouveau-nés, chez les S.D.F., c’est pas fréquent… » Et Ali explique toute l’astuce dont il a dû faire preuve pour protéger l’enfant, assurer sa survie quotidienne et évoque la solidarité qui s’est mise en place parmi tous les pauvres et les sans-abris pour lui permettre de garder l’enfant. « Je n’oublierai jamais la Gitane qui allait acheter le lait en poudre et qui partageait les vêtements de ses propres enfants » confie-t-il. En effet c’était là le premier miracle réalisé par « l’enfant de sous le pont » : Ali a découvert la solidarité alors que jusqu’à ce jour il avait vécu dans la méfiance. |
C’est grâce à cette solidarité qu’il a d’abord trouvé des petits boulots puis un emploi stable et décemment rémunéré. Il a alors loué un très modeste pavillon, une ancienne maison de garde-barrière suffisamment isolée pour n’attirer l’attention de personne car il avait malgré tout conservé beaucoup de la méfiance apprise durant ses années de galère. Ensuite il a fait valoir ses droits d’ancien combattant et une petite pension est venue arrondir ses fins de mois. « Et je me suis rangé, ajoute-t-il avec un sourire mi-confus, mi-amusé. Avant j’aimais sans modération le vin, le mauvais comme le bon. C’est lui qui me tenait chaud. » L’ex-clochard explique alors comment l’arrivée de la petite qu’il a baptisée Aurore a donné du sens à sa vie, elle est devenue sa raison et sa joie de vivre. Il est fier de ses résultats scolaires, lui qui n’aimait guère aller à l’école. Et puis Martin, dix ans et Cécile, sa petite sœur de deux ans sont entrés dans sa vie avec leur maman, Amandine, qui les élèvait seule depuis le décès de son époux. C’est elle qui m’a contacté pour me confier l’histoire d’Ali et d’Aurore car elle souhaite que la famille heureuse qu’ils forment désormais tous les cinq ne soit pas bouleversée. Elle souhaite que l’existence d’Aurore devienne officielle, que le dévouement d’Ali trouve son épilogue dans une adoption légale et que jamais nul de songe à séparer la Belle et le Clochard au grand cœur qui l’a recueillie. C’est tout le bonheur que nous leur souhaitons. J.P. |