Cette audience a eu lieu à l’initiative de la présidente du CSP, Souad Ayada, qui a invité les représentants des associations ou collectifs présents.
Pour le Conseil Supérieur des programmes, étaient présent·e·s :
Souad Ayada, présidente ; David Bauduin, secrétaire général ; Denis Paget, membre depuis l’origine (mémoire du CSP) ; Luisa Lombardi, chargée de mission.
Les associations ou collectif, par ordre alphabétique :
AFEF, représentée par Viviane Youx, présidente, et Sylviane Ahr, professeure émérite des universités en littérature ;
APL(Association des professeurs de lettres), représentée par Romain Vignest, président, et une professeure ;
CNARELA(Coordination nationale des associations régionales des enseignants de langues anciennes), représentée par François Martin, président ;
SEL(Sauvegarde des enseignements littéraires, fondée par J. de Romilly), représentée par Monique Trédé, présidente ;
SLL (Sauver les lettres), collectif représenté par Fanny Capel, Agnès Joste et une professeure lettres-cinéma.
La présidente, Souad Ayada,annonce l’objet de la réunion : dans le cadre du projet de modification du baccalauréat annoncé par le ministre, dresser l’état actuel et formuler des propositions d’aménagement des programmes et des épreuves. Le CSP a reçu une saisine du ministre pour l’élaboration de nouveaux programmes. Et il doit rendre, pour le 13 avril, une note d’analyses et de propositions.
La présidente donne la parole successivement aux différentes associations et collectif.
APL– Sur les programmes, l’APL demande d’éviter la dérive techniciste : depuis 2005, on a perdu une approche centrée sur la contextualisation et le sens des textes. La structuration en objets d’étude pousse à l’instrumentalisation des textes, qui deviennent une illustration des objets d’étude. L’APL préconise que les programmes soient calqués sur l’histoire littéraire : en 2nde les 16ème et 17ème, en 1ère les 18-19-20èmes (sans s’interdire des incursions dans les autres siècles).
Sur les épreuves, pour l’écrit l’APL demande la suppression du sujet d’invention, pour ne garder que le commentaire et la dissertation, et veut supprimer le corpus de textes. Pour l’oral, elle demande de conserver le fonctionnement actuel en supprimant la question sur le texte et n’est pas opposée à une interrogation sur un texte inconnu. (Motion de l’APL sur son site)
AFEF– Tous les membres du CSP ont devant eux les propositions de l’AFEF, qui ont été envoyées à la présidente quelques jours avant la réunion.
L’AFEF commence par l’oral en faisant remarquer que la forme de l’oral détermine les choix d’enseignement. Elle insiste sur la formation à l’oral, en demandant de faire de l’oral de l’EAF une propédeutique du Grand oral, avec une formation à l’oral en 2nde et 1ère, et un projet à mener par les élèves, à présenter le jour de l’épreuve. Elle insiste sur le fait qu’il faut réinventer les épreuves, et ne prétend pas arriver avec des propositions bouclées, elles sont à discuter pour élaborer de nouvelles épreuves.
Cette remarque vaut aussi pour l’écrit, et l’AFEF demande de partir des savoir-faire à développer chez les élèves dont ils auront besoin pour leurs études et leur vie professionnelle et personnelle. Elle n’apporte pas de maquettes d’épreuves toutes prêtes, mais des propositions à discuter. Elle insiste pour ne pas dépasser deux épreuves écrites, de manière à ne pas surcharger le travail en classe. Une des propositions de l’AFEF attire l’attention des membres du CSP, celle d’une synthèse de textes littéraires et éventuellement d’autres documents, notamment iconographiques, suivie d’une discussion sur la problématique dégagée. Cette proposition est longuement discutée. La seconde proposition de l’AFEF, d’une écriture créative prolongée par une argumentation-justification des choix, est écoutée, la présidente et le secrétaire général posent quelques questions, mais le développement est beaucoup moins long. (Propositions de l’AFEF)
CNARELA – Avant de parler des programmes, la CNARELA revient sur les langues anciennes et la disparition de la spécialité latin-grec.
Sur les programmes, la CNARELA soutient l’APL pour un programme chronologique, en ajoutant le Moyen-Âge en 2nde.
Sur les épreuves, elle est contre le corpus à l’écrit, et contre l’écriture d’invention, et pour la conservation du commentaire et de la dissertation.
À l’oral elle soutient très fortement l’interrogation sur un texte inconnu avec une heure de préparation. (CR d’audience de la CNARELA)
Sauver les lettres– Fanny Capel commence en demandant pourquoi une énième réforme du lycée ? Les programmes actuels du français sont globalement satisfaisants, avec des objectifs largement partagés concernant la langue, la littérature, la culture mais aussi la formation personnelle des élèves. Le collectif critique la réforme du lycée et rappelle que les réformes successives ont fait perdre 600h de français dans la scolarité.
Le français est crucial pour toutes les matières, mais il faut plutôt faire des aménagements marginaux des programmes sans les changer.
Pour l’EAF : à l’oral, il faut simplifier les questions, et comptabiliser la qualité de la langue des élèves (20% de la note à l’écrit et à l’oral).
À l’écrit SLL demande la suppression de l’écriture d’invention, et la suppression de la question sur le corpus, mais le maintien du corpus. SLL propose de conserver commentaire et dissertation, mais d’ajouter une 3ème épreuve : à partir d’un corpus littéraire, éventuellement d’articles de presse, sans documents iconographiques, le sujet serait argumentatif, il évaluerait la compréhension, le lexique, et pourrait comprendre un résumé, une comparaison, une argumentation personnelle. SLL considère le commentaire et la dissertation comme très égalitaires, et prône trois épreuves. Dans les séries technologiques, un guidage doit être conservé pour le commentaire.
Pour l’oral, SLL soutient le maintien d’un oral très littéraire, ce qui permet un écrit moins littéraire, et est opposée au texte inconnu à l’oral. (Propositions SLL)
SEL– La représentante affiche un conservatisme fort et assumé, en insistant sur une modestie dans les exigences. À l’écrit un commentaire et une dissertation, pas de corpus car la comparaison des textes est difficile. À l’oral, elle n’est pas opposée à un texte inconnu. La référence nommée, et partagée par les autres associations (hors l’AFEF) est la collection Lagarde et Michard…
Discussion
Souad Ayada s’étonne d’un cadrage trop important du questionnement sur les textes, et demande quand on laisse place à la sensibilité des élèves (mais elle rectifie ensuite, cette remarque ne s’applique qu’à la lecture, pas à l’écriture…).
La discussion est très tendue sur l’écriture d’invention que toutes les associations ont déjà enterrée. Viviane Youx souligne que l’AFEF demande à ce que cet exercice soit revu, modifié, mais que l’écriture créative, littéraire est essentielle pour les élèves. Denis Paget rappelle les conditions de mise en place de cette épreuve, qui, de fait, est devenue très argumentative. À l’argument « d’évidence » des autres associations que l’on apprend à écrire en lisant, Sylviane Ahr renverse la proposition, on apprend à lire en écrivant ; Viviane Youx rappelle les multiples travaux faits en classe par les collègues qui font pratiquer l’écriture créative et littéraire à leurs élèves. SLL veut bien que ces activités soient menées en classe, mais pas à l’examen, SLL est largement soutenu par les autres associations.
Sylviane Ahr conclut le temps de discussion en rappelant qu’il est nécessaire de déterminer d’abord les compétences attendues en fin de 1ère avant de déterminer les exercices, alors que la réunion a beaucoup tourné autour des exercices. Elle fait aussi remarquer qu’à aucun moment dans les échanges n’avait été évoquée la nécessaire continuité des apprentissages du primaire au collège et au lycée.
Humanités, littérature et philosophie- Après cette discussion, la présidente nous interroge sur l’enseignement de spécialité prévu en 1ère et terminale : Humanités, littérature et philosophie. La discussion est vive, entre ceux qui veulent une place plus importante pour les langues anciennes, pour la littérature classique, et une répartition des heures clairement précisée pour le professeur de lettres. L’AFEF défend un travail de l’oral dans ce cadre, vite balayé par les autres associations, « l’oral ne s’apprend pas sans support » (ce que nous n’avons pas dit, bien sûr) et pour le Grand oral c’est à toutes les disciplines de préparer l’oral, le français n’a pas de rôle spécifique à jouer. L’oral est calqué sur la langue écrite, l’oral est un écrit oralisé.
Denis Paget fait remarquer que la discussion autour de la répartition des heures entre disciplines est une fausse entrée, il faut partir d’un programme et non pas des heures pour bâtir. L’idée d’un programme problématique permettant de travailler conjointement littérature et philosophie est avancée, et Souad Ayada est intéressée par un travail en collaboration entre les professeurs des différentes disciplines.
Elle fait appel aux associations pour envoyer au CSP leurs propositions.
……………
À la suite de cette réunion, l’AFEF va modifier ses propositions. Une concertation sur les exercices de l’écrit et de l’oral s’étant avérée impossible, elle va demander, à l’écrit, de maintenir trois épreuves (le commentaire et la dissertation semblent immuables), et faire une proposition d’épreuve d’écriture littéraire avec argumentation sur les choix, assortie de critères d’évaluation des compétences. Pour l’oral, elle va affiner les dispositifs proposés. Ces propositions doivent être envoyées avant la fin du mois.