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    Jan

    A l'école, le temps consacré à la compréhension de l’écrit est insuffisant - Entretien de Dominique Bucheton

    Libération, 5 décembre 2017

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    «A l'école, le temps consacré à la compréhension de l’écrit est insuffisant» 

    Par Marie Piquemal — 5 décembre 2017 à 19:07

     

     

    Des écoliers effectuent un exercice de lecture, lors d'un stage de remise à niveau de pré-rentrée à destination des élèves présentant des difficultés à la fin de l'école primaire, le 27 août 2012 à l'école Plan de la Cour de Vitrolles
    écoliers effectuent un exercice de lecture, lors d'un stage de remise à niveau de pré-rentrée à destination des élèves présentant des difficultés à la fin de l'école primaire, le 27 août 2012 à l'école Plan de la Cour de Vitrolles AFP

     

    En matière d’éducation, les enquêtes internationales ont toutes un point commun: déprimantes à souhait pour les Français. Mardi, les résultats de la dernière étude Pirls, portant sur la compréhension de l’écrit des élèves de CM1, enfoncent un peu plus le clou. La France se situe à l’antépénultième place des 24 pays de l’Union européenne qui ont participé à l’enquête… Dominique Bucheton, professeure d’université honoraire en sciences du langage et de l’éducation, s’inquiète de l’utilisation politique qui pourrait être faite de ces résultats.

    Etes-vous surprise par ces résultats, mauvais encore une fois?

    Non, je ne suis pas du tout étonnée. Cette enquête Pirls s’inscrit dans la continuité des autres études internationales, et témoigne de la lente dégradation des aptitudes des élèves. Nous étions déjà en retard il y a quinze ans par rapport à d’autres pays en compréhension de l’écrit, et nous le sommes encore plus aujourd’hui.

    Comment l’expliquer ?

    Les raisons sont multiples. Une grande enquête de terrain, menée récemment par Roland Goigoux [spécialiste de l’enseignement de la lecture], montre que dans les classes aujourd’hui, le temps consacré à la compréhension de l’écrit est insuffisant. Il est aussi prouvé que les enfants qui entrent le mieux dans la lecture sont aussi ceux qui pratiquent le plus l’écriture. Plus on fait écrire aux élèves de petits textes, plus ils vont progresser dans la lecture. J’en suis intimement convaincue. Mais le cœur du problème, ce ne sont pas les méthodes des enseignants, comme certains voudraient le faire croire, mais surtout leur manque de formation. Dans les écoles du professorat, les jeunes enseignants ont au mieux quelques heures de cours de syntaxe et linguistique, mais cela est dérisoire, surtout pour enseigner dans des classes aussi hétérogènes qu’aujourd’hui.

    Ces mauvais résultats ne vont pas relancer le vieux débat entre méthode syllabique et méthode globale?

    On voit très bien le danger aujourd’hui de s’engouffrer dans des querelles idéologiques stériles. A coup sûr, certains vont se saisir de cette enquête pour relancer cette bataille de méthodes pour l’apprentissage de la lecture, que l’on sait pourtant parfaitement inepte. Il n’existe pas une méthode unique. J’ai une rage immense quand je vois ce qui se dessine, cette idée de donner un protocole aux enseignants qu’il suffirait d’appliquer pour que cela fonctionne. D’autant que rappelons-le, les élèves évalués dans cette enquête ont essuyé les programmes de 2008. Ces programmes étaient les pires que j’ai eus à voir de toute ma carrière, justement sur la compréhension de l’écrit ! Jamais la compétence de «sens du texte» n’avait à ce point été négligée : il était demandé aux enseignants de multiplier les exercices de grammaire, de conjugaison, de vocabulaire, au point de faire plus que ça et de dégoûter les enfants de lire ! Ces programmes de 2008 avaient balayé les textes de 2003, où il était prévu que les élèves de CM2 écrivent toutes matières confondues 1 à 2 heures par jour, et lisent 4 livres par trimestre. Et après l’on vient s’étonner des mauvais résultats aux évaluations Pirls ? Nous venons enfin d’amorcer un virage avec les programmes de 2015. Il faut laisser le temps à ces programmes de produire leurs effets, et surtout, ne pas tout redémolir.

    Refonder l’enseignement de l’écriture de Dominique Bucheton (éditions Retz).

     

     

     

     

     

     

     

     

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